Meurtre, assassinat, homicide involontaire... Quelles différences?
Lors des grandes affaires criminelles, la frontière pour le grand public et même pour les journalistes n'est pas forcément très claire entre un assassinat, un meurtre, des coups et blessures volontaires sans intention de donner la mort, un homicide involontaire... Voici une occasion de rappeler à tous les différences entre ces termes juridiques. Eclairage avec l'aide de Leila Chakroun, avocate en droit pénal à Bruxelles.
- Publié le 05-11-2014 à 12h01
- Mis à jour le 26-05-2015 à 13h40
Lors des grandes affaires criminelles, la frontière pour le grand public et même pour les journalistes, n'est pas forcément très claire entre un assassinat, un meurtre, des coups et blessures volontaires sans intention de donner la mort ou encore un homicide involontaire... Voici une occasion de rappeler, à tous, les différences entre ces termes. Eclairage.
Le meurtre et assassinat
Tout d'abord, le meurtre et l'assassinat sont des homicides : c'est l'action de donner la mort à quelqu'un, que ce soit volontaire ou non. La différence entre un assassinat et un meurtre n'est pas si compliquée à comprendre même si ces deux notions sont bien souvent confondues.
L'homicide commis avec intention de donner la mort est qualifié de meurtre. L'auteur risque une peine de prison de 20 à 30 ans.
Ce fut le cas, par exemple, lors du procès du car-jacking de la rue Vanderkindere en mars 2010, Hicham El Gaabouri avait été condamné à 30 ans de réclusion et Hassan Essahale à 20 ans pour le meurtre de Frédérique Levêque. Après avoir braqué une bijouterie à Uccle, Hicham El Gaabouri, armé du revolver, avait tiré sur la conductrice de la voiture pour lui voler son véhicule.

Frédérique Lévêque avait été tuée à la suite d'un hold-up rue Vanderkindere
Le meurtre commis "avec préméditation est qualifié assassinat" comme le définit le code de droit pénal et plus précisément son article 394. En clair, lorsqu'un homme tue quelqu'un volontairement en ayant préparé auparavant son coup, c'est un assassinat. Son auteur risque la réclusion à perpétuité.
L'affaire Léopold Storme illustre la complexité des débats. En 2010, ce dernier avait été reconnu coupable des meurtres de ses parents et de l'assassinat de sa sœur. La justice avait, en effet, retenu la préméditation pour l'homicide de cette dernière.

Le magasin des parents de Léopold Storme rue des Capucins à Bruxelles
Coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner
Attention, ça se complique... Le droit pénal prévoit également les coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. En clair, vous êtes pris dans une bagarre, vous portez un coup sans intention de donner la mort mais la personne décède. Selon l'article 401 du code pénal, l'auteur risque une peine de réclusion allant de cinq ans à dix ans s'il n'y a pas de préméditation. II sera puni de la réclusion de dix ans à quinze ans, si la préméditation est retenue.
La frontière avec le meurtre n'est pas toujours très évidente. "La nature des faits va être examinée. Si la personne a dit "je vais te tuer" ou si elle a porté 30 coups de couteaux, elle peut difficilement dire qu'elle n'avait pas l'intention de donner la mort... Tout va dépendre des circonstances", explique Leïla Chakroun, avocate en droit pénal à Bruxelles.
Alexandre Vander Elst, agresseur d'Iliaz Tahiraj , superviseur de la STIB décédé en 2012, avait été ainsi reconnu coupable de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Après un accident et un différend, l'automobiliste avait asséné un coup de poing à l'employé de la STIB. Il avait été condamné à 40 mois de prison avec sursis probatoire de 5 ans.
A l'époque, la famille avait critiqué ce verdict dans une lettre intitulée "Je te pleure, Belgique" et publiée sur LaLibre.be. " L’histoire dira qu’il n’a donné qu’un seul coup de poing, courageux qu’il se sentait d’avoir frappé un monsieur de 56 ans tenant de ses deux mains un appareil photo, pouvait-on lire dans cette lettre ouverte. Mais c’est un coup de trop! Il a pris la vie d’Iliaz qui le jour précédent s’était décidé à accepter la prépension que lui proposait la Stib, heureux de pouvoir s’occuper de son épouse très malade et de prendre le temps enfin de voir grandir ses petits-enfants".

IIiaz Tahiraj, superviseur de la STIB, décédé en 2012
De même, en juin 2012, Mohamed Jratlou avait été condamné à 9 ans de prison après avoir été reconnu coupable des mêmes faits sur son fils Younes. L'enfant, dont le corps avait été retrouvé le 10 novembre 2009 dans les eaux de la Lys à Comines, aurait été étouffé par son père après une dispute avec sa mère. Il avait toujours nié les faits. Les jurés avaient écarté l’homicide volontaire.

Mohamed Jratlou, le père de Younes
Homicide involontaire
En outre, il convient d'évoquer l'homicide involontaire prévu par l'article 418 du code pénal belge. " Est coupable d'homicide ou de lésion involontaires, celui qui a causé le mal par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui".
En 2006, un médecin avait été reconnu coupable d'homicide involontaire et de délit de fuite pour avoir tué Adrien Renson (25 ans) et Andy Verduyckt (17 ans) sur une route nationale aux Isnes près de Namur.
Ce médecin de Temploux qui rentrait en voiture d’une soirée bien arrosée, avait mortellement fauché les deux amis. Condamné par le tribunal de police à 26 mois de prison ferme, l'homme avait finalement échappé à la prison, sa peine ayant été remplacée en appel par une peine de travail autonome de 300 heures et d'une déchéance du permis de conduire de cinq ans.
Les familles avaient été également scandalisées par le verdict. "La prison n'est pas toujours la solution dans tous les cas, mais ça lui aurait permis de réfléchir. Nous sommes très déçus" , avait ainsi commenté la sœur d'Adrien Renson.
Légitime défense, circonstances atténuantes
Dans certains cas, il est possible d'évoquer la légitime défense. "Il n'y a ni crime ni délit, lorsque l'homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui", comme le précise l'article 416 du code pénal.
Attention, la légitime défense, doit être "nécessaire" . Ce qui n'est plus le cas lorsque l'agresseur s'enfuit... Un bijoutier de Schaerbeek, Soner Yenilmez, est ainsi accusé d'avoir tué l'un des deux braqueurs de son commerce alors que ces derniers s'enfuyaient. Il n'a pas pour le moment été jugé mais il a été inculpé de meurtre, de tentative de meurtre et de détention illégale d'arme.

La bijouterie après le braquage dont avait été victime Soner Yenilmez
En France, une histoire similaire avait énormément fait parler. Un bijoutier de Nice avait abattu l'un des braqueurs de sa boutique d'une balle dans le dos. Une page Facebook de soutien avait été créée et récolté plus d'1 million et demi de "likes"...
Enfin, il existe des circonstances atténuantes et aggravantes qui peuvent alléger ou au contraire alourdir une peine. " Le fait que le crime soit commis sur un mineur, un parricide, la récidive peuvent aggraver un cas", explique Maître Chakroun. "En revanche, le jeune âge, un casier vierge, le fait de répondre à une provocation peuvent jouer en la faveur de l'accusé".