La Reine Fabiola racontée par son ancien secrétaire
Benoît Cardon fut le secrétaire de la Reine pendant dix ans. Il épingle quelques traits étonnants de sa personnalité… Entretien.
Publié le 08-12-2014 à 18h46 - Mis à jour le 09-12-2014 à 08h05
De 1979 à 1989, Benoît Cardon de Lichtbuer travailla directement pour la reine Fabiola. Mais ce diplomate chevronné la rencontra aussi dans ses différents postes. Il retrace pour "La Libre" quelques aspects inattendus de la défunte…
1 Une reine généraliste. "Fabiola était vraiment très admirative devant Baudouin et entendait l’assister le mieux possible sans jamais lui dicter de conduite car c’était lui le patron. Aussi, pour mieux connaître ses compatriotes, elle s’intéressa vraiment à tout, désireuse d’apprendre. Et cela l’amena à être très appliquée, à l’aise devant un professeur de médecine comme devant un chef d’entreprise. Cette aisance venait du fait qu’elle préparait intensément ses déplacements et même sur place, elle continuait à prendre des notes. Puis, n’étant pas une grande communicatrice, elle était intuitivement excellente en relations publiques. Pour en revenir à son époux, elle savait vraiment séparer sa vie privée de sa vie publique de manière très équilibrée." Sous-entendu : le Roi décidait seul même dans les dossiers les plus épineux comme lors de son interruption volontaire de régner.
2 Une reine improvisatrice. "La reine Fabiola estimait que le protocole et l’organisation n’étaient pas figés. Cela l’amenait dans les activités pu bliques à bousculer souvent le programme. Ce ne fut pas nécessairement facile pour moi mais encore moins pour la Sécurité." Mais ce que Reine voulait…
3 Une reine insolite. "Un jour, elle me suggéra d’aller pique-niquer plutôt que de faire notre réunion à Laeken. Nous embarquâmes donc nos tartines et cherchâmes un endroit sympa, une belle vue pour les manger. Parfois, elle me disait qu’elle devait faire une course et on intégrait sa suggestion dans le programme. On la reconnut évidemment plus qu’à son tour, ce qui bousculait encore un peu plus l’agenda. Elle me retint souvent et je devais expliquer au Roi pourquoi j’étais en retard ! Elle avait gardé sa spontanéité d’antan, considérant que si le Roi était le chef de l’Etat, elle pouvait se permettre de souffler."
4 Une reine drôle et sereine. Parfois présentée comme une femme religieuse austère, presque doloriste et confite en dévotions, divers témoignages dont celui de l’abbé Lobet - nos éditions de lundi - ont montré le strict contraire : sa foi était joyeuse et ouverte à toutes les chapelles dans la Maison du Père, selon l’expression consacrée, mais son sens de l’humour était permanent. "On se souvient de la pomme en 2009 mais nous l’avons vue faire preuve d’un sang-froid extraordinaire en toutes circonstances", poursuit Benoît Cardon. "Notamment lorsque pour les 150 ans de la Belgique, les extrémistes flamands ont perturbé la visite du couple royal à Anvers. Nous étions au premier étage de l’hôtel de ville, au ‘Schoon Verdiep’ lorsque des cris de plus en plus menaçants vinrent de la Grand-Place. Les ‘België barst !’ devenaient franchement inquiétants et le Roi n’était pas très à l’aise parmi des invités de plus en plus catastrophés. Mais la reine Fabiola fit comme si de rien n’était, tenant à remercier ceux qui l’accueillaient. On la sentait capable de résister à une révolution !"
5 Une reine très maternelle. "La reine Fabiola, on le sait, a toujours su se montrer très maternelle alors que sa plus grande tristesse aura été de ne pas pouvoir avoir une descendance. Mais elle avait fini par accepter sa destinée et avec le roi Baudouin, elle mit tant d’énergie à défendre la cause de tous les enfants, en particulier des plus faibles et des plus exposés. C’est cela, le sens de ses initiatives tous azimuts et de son engagement total lors de la Journée internationale de l’enfance. Elle était aussi passionnée par les ados. Spontanément, elle allait vers eux et s’entretenait avec eux, oubliant une fois encore l’heure et manifestant ainsi son attention pour leurs préoccupations, même lorsque ses jeunes interlocuteurs avaient de très longs cheveux et des tenues vraiment peu protocolaires…"
6 Une reine généreuse. A propos de la dernière décision de la Reine de confier finalement tous ses biens personnels aux Œuvres de la Reine, Benoît Cardon n’est pas surpris : "Cela va très bien dans le sens de ce qu’elle a toujours voulu faire pour les plus défavorisés".