"Hypocrite", "rédigée à la va-vite": l'obligation scolaire dès 5 ans fait grincer des dents
On assiste à un véritable embouteillage de propositions visant à abaisser l’âge de la scolarité obligatoire. La dernière en date a été sortie par la majorité francophone
Publié le 28-04-2015 à 10h27 - Mis à jour le 28-04-2015 à 13h55
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On assiste à un véritable embouteillage de propositions visant à abaisser l’âge de la scolarité obligatoire. Ecolo rédige une proposition de loi (au niveau fédéral, donc) pour qu’il passe de 6 à 5 ans. Le MR fait ce matin, en commission de l’Éducation, une proposition de décret encourageant les inscriptions en maternelle. Le FDF également, avec une proposition de résolution concernant l’abaissement, par étapes, de l’obligation scolaire à 3 ans, avec un encouragement à fréquenter l’école dès l’âge de 2 ans et demi. Et la majorité francophone PS-CDH sort son propre texte, déposé début avril, qui sera aussi débattu ce mardi en commission.
Cette dernière proposition de résolution vise d’abord à demander au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’inciter le niveau fédéral à modifier l’âge de l’obligation scolaire à 5 ans, en vue de rendre la fréquentation de l’école maternelle obligatoire. En effet, selon l’article 127 de la Constitution, les Communautés sont compétentes en matière d’enseignement mais pas d’obligation scolaire. Elles ne peuvent donc pas en modifier l’âge, qui a été fixé à 6 ans par la loi du 29 juin 1983.
220 demi-jours obligatoires
Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles peut néanmoins envisager l’instauration d’une durée minimale de fréquentation scolaire en maternelle comme condition d’inscription en 1re primaire. Cette pratique est déjà d’application en Flandre. le proposition de résolution PS-CDH préconise de faire de même.
Concrètement, Joëlle Milquet, la ministre de l’Éducation (CDH), ferait passer dans le cadre d’un décret "fourre-tout", dans le courant du mois de mai, les conditions d’inscription suivantes : 220 demi-jours de fréquentation obligatoire en maternelle pour aller en primaire. Si ce quota n’est pas atteint, les parents de l’enfant pourront demander une dérogation auprès de la ministre. En cas de refus de sa part, les parents seront tenus d’inscrire leur enfant en 3e année maternelle. "Il ne s’agit que de pistes, précise-t-on au cabinet de Joëlle Milquet. La ministre est ouverte à la discussion, notamment sur les 220 demi-jours."
Po ur Marie-Martine Schyns, ex-ministre CDH de l’Éducation et l’une des dépositaires de la proposition de résolution, "l’école maternelle est nécessaire au développement de chacun". Ce sont des arguments de socialisation, d’apprentissage, de réussite scolaire à venir et d’émancipation qui sont mis en avant par la majorité francophone.
Est-ce bien légal ?
PS et CDH jugent leur texte "pragmatique et praticable, contrairement à d’autres propositions déposées". Mais, du côté de l’opposition, si on est plutôt d’accord sur le fond de la proposition, la forme et le timing de la majorité font plutôt sourire jaune. "Je pense que ce texte, rédigé à la va-vite, a été mis à l’ordre du jour pour être dans le débat, pour répondre à ceux déposés par le MR et le FDF , déclare la députée Ecolo Barbara Trachte. Je le trouve assez mou, pas très affirmatif, avec par exemple cette possibilité de dérogation accordée aux parents. La démarche ne sert à rien. Ils se trompent d’endroit : déposons plutôt des textes au fédéral, ce que PS et CDH auraient pu faire lors de la précédente législature et le MR maintenant. Et je ne suis pas sûre que conditionner l’inscription en 1re primaire à celle en 3e maternelle soit légal. Je pense que le PS et le CDH ne le sont pas non plus. Je serais intéressée d’avoir l’avis du Conseil d’État sur la question."
"Par contre, ce qui pourrait être fait en Fédération Wallonie-Bruxelles, poursuit-elle, c’est une obligation d’inscription en maternelle, même sans qu’elle soit suivie d’une fréquentation de l’école, afin de créer un lien entre les familles et les institutions. On pourrait aussi demander à l’ONE d’assurer auprès des parents une mission d’information sur l’importance de s’inscrire en maternelle."
"Hypocrisie" du PS et du CDH
Françoise Bertieaux, la cheffe du groupe MR au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, annonce que les libéraux s’abstiendront lors du vote. "Sur le fond, nous partageons le même objectif, à une nuance près : conditionner les inscriptions en maternel et en primaire. Je trouve cela dangereux pour les enfants les plus défavorisés. Mais là où je ricane, c’est sur l’hypocrisie du PS et du CDH, sur la capacité qu’ils auraient d’imposer l’inscription au fédéral et sur cette résolution qu’ils font à eux-mêmes, pour se donner bonne conscience ou parce qu’ils n’ont pas l’intention de l’appliquer. C’est ridicule."
La députée MR rappelle que les libéraux avaient déposé au fédéral en 2003 une proposition de loi visant à abaisser l’âge de l’obligation scolaire. "Et à l’époque, nous étions bien seuls. On n’avait pas trouvé une majorité autour de ce projet."