Droit de pétition: Le citoyen wallon peut peser sur les décisions parlementaires
Le droit de pétition parlementaire en Wallonie sera renforcé dès le 1er septembre. Il sera désormais possible de le faire de manière électronique. Le droit de pétition est un vieux droit démocratique méconnu des citoyens.
- Publié le 26-08-2015 à 18h19
- Mis à jour le 27-08-2015 à 08h55
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Si l’ensemble des Parlements du pays permettent (c’est un droit constitutionnel) à chaque citoyen qui le souhaite de leur adresser une pétition sur un sujet en lien avec une compétence qui est du ressort de ce niveau de pouvoir (fédéral, régional ou communautaire), cette possibilité n’est pas forcément connue de tous.
Au Parlement wallon, dès le 1er septembre, ce droit de pétition sera renforcé et le processus simplifié. Le texte, signé par le PS, le CDH, le MR et Ecolo, a été voté le 16 juillet dernier.
Alors que pour l’ensemble des assemblées du pays, le droit de pétition doit être exercé au moyen d’une lettre adressée au président de l’assemblée (qui ne peut en aucun cas être remise en main propre), en Wallonie, désormais, la démarche pourra être faite en ligne, sans avoir recours à un courrier papier.
1 - L’objet d’une pétition. Rien ne change, la personne désireuse d’introduire une pétition peut le faire, si la question qui fait l’objet de la pétition est en lien direct avec les compétences régionales wallonnes comme le Logement, l’Energie, l’Agriculture, la Santé, l’Emploi, les Finances wallonnes, etc.
2 - Le nombre de signataires. Le pétitionnaire peut être tout seul. Il n’y a pas de nombre minimal.
3 - Qui peut envoyer une pétition ? N’importe quel citoyen de Wallonie majeur, ainsi que toutes les associations installées sur le territoire wallon.
4 - Comment introduire la pétition ? Si le principe de l’introduction d’une pétition, via un courrier envoyé au président du Parlement wallon, est maintenu, il sera possible de trouver sur le site du Parlement wallon (www.parlement-wallon.be), à partir du mardi 1er septembre 2015, un formulaire permettant une démarche similaire : "Elle pourra aussi être envoyée électroniquement aux personnes désireuses de la signer", précise André Antoine (CDH), président du Parlement wallon.
5 - Le suivi parlementaire. La pétition recevable sera ensuite envoyée vers la commission adéquate. Au moins une fois par trimestre, chaque commission devra consacrer une réunion à l’examen des pétitions qui lui ont été envoyées. Les députés sont évidemment libres d’en tenir compte ou pas. La publicité des débats en commission (présence de la presse) doit permettre de faire connaître de manière plus large que par le passé les pétitions envoyées au Parlement.
6 - La garantie d’une réponse. Le citoyen ou l’association qui déposera une pétition sera assuré d’obtenir une réponse : "Nous garantissons que la démarche sera traitée. Nous répondrons à chacun" , explique encore le président de l’assemblée wallonne.
7 - Une autre possibilité pour le citoyen. A partir de cette année parlementaire en Wallonie (la rentrée est prévue pour le 23 septembre), les citoyens auront l’occasion d’intervenir directement dans les débats en commission. "Avant l’examen d’un projet ou d’une proposition de décret, les citoyens pourront faire parvenir par voie électronique des commentaires, des idées ou des requêtes sur le texte en discussion." Concrètement, lorsqu’un texte sera pris en considération, il sera disponible sur le site du Parlement wallon. Les citoyens désireux d’intervenir disposeront d’un délai pour réagir avant l’ouverture des débats. Les formulaires seront distribués aux députés. "Je pense que ce système, qui fonctionne très bien au Canada, rencontrera un grand succès. Cela va dynamiser les débats au Parlement", conclut André Antoine.
"Un vieux droit démocratique un peu empoussiéré"
Le droit de pétition est inscrit dans la constitution belge. Il est vieux comme la démocratie parlementaire. Manifestement, le citoyen belge s’en sert très peu. Pourtant, il peut être utile. Explications avec Mathias El Berhoumi, professeur invité en droit constitutionnel aux Facultés universitaires de Saint-Louis (Bruxelles) et chercheur au FNRS.
Le droit de pétition est-il utilisé en Belgique ?
C’est un droit vieux comme la démocratie parlementaire qui est un peu empoussiéré. On constate que le citoyen a plutôt tendance à se diriger vers des pétitions informelles comme on en retrouve de plus en plus sur Internet. Ce droit de pétition au niveau parlementaire n’a pas été mis à jour depuis très longtemps mais c’est un outil de participation et de contrôle du gouvernement.
La réforme adoptée par le Parlement wallon va-t-elle dans le bon sens ?
Le fait de donner la possibilité de l’utiliser de manière électronique est évidemment positif. De plus, le Parlement wallon va répondre aux citoyens qui introduiront une pétition. C’est quelque chose qui n’était pas forcément pratiqué. Pour la personne qui est à l’initiative d’une pétition, c’est important de savoir quel suivi a été apporté à sa démarche. L’enjeu premier est de pouvoir dire aux initiateurs sur quoi a débouché leur pétition ou pourquoi elle n’a pas abouti.
Les Wallons sont-ils en avance sur les autres ?
Le Parlement flamand a, il y a quelques années, renforcé le droit de pétition. Il me semble que chez eux, une pétition peut être scannée mais je ne suis pas certain que tout est possible de manière électronique. Du côté flamand, toutes les pétitions n’ont pas la même valeur. Celles qui récoltent plus de 15 000 signatures doivent impérativement être prises en compte et examinées. Il est clair que si une pétition est signée par une seule personne, elle a beaucoup moins de poids. Le texte wallon contraint-il, par exemple, les députés à procéder à des auditions ? Je ne le pense pas. On peut effectivement se demander si on va assez loin. Par le passé, en 2000, une commission de la Chambre consacrée au renouveau politique proposait de transformer ce droit de pétition en véritable droit d’interpellation. Il était également question de permettre à chaque citoyen, via ce droit, de mettre à l’ordre du jour de vraies propositions de loi ou de décret. Ces propositions n’ont pas été adoptées.
Connaissez-vous d’autres exemples en Europe ?
Il faudrait analyser les choses plus en profondeur pour faire une réponse correcte. S’il existe des possibilités, il faut encore voir de quelles manières elles sont appliquées. Je peux quand même citer l’exemple de l’Union européenne qui permet sous certaines conditions (NdlR : un million de signatures provenant d’au moins sept Etats membres) de rendre obligatoire par le Parlement l’examen d’une pétition.
Quelques exemples de pétitions possibles
Urbanisme. Si un ou plusieurs citoyens veulent, par exemple, contester un permis de bâtir, ils pourront le faire savoir aux députés de la commission de l’aménagement du territoire.
Bien-être animal. "Dans ce domaine, nous nous attendons à un grand nombre de pétitions" , précise le président de l’assemblée wallonne, André Antoine.
Routes. Si un ou plusieurs citoyens considèrent que la politique menée actuellement en Wallonie au niveau de l’entretien des voiries autoroutières est insuffisante, ils pourront le faire savoir. "On peut imaginer une association de motards qui décide de sensibiliser les parlementaires au nombre important de nids-de-poule sur tel ou tel tronçon" , explique encore André Antoine.
Agriculture. Les producteurs de lait wallons, par exemple, pourraient introduire une pétition pour réclamer une meilleure régulation du prix du lait. Précisons que si pour cet exemple la Wallonie n’est que partiellement compétente (l’Europe est également concernée), la pétition sera jugée partiellement recevable.
Logement. Un exemple très concret dans cette matière : "Dans les semaines qui viennent, une association devrait déposer une pétition en ligne afin de demander la régulation des loyers en Wallonie" , conclut le président.