Chastel: "Pas question de revoir le statut des réfugiés"
Asile, sécurité, fiscalité : le président du MR, Olivier Chastel, fixe le cap. Il défend le statut des réfugiés et l’accueil de "ceux qui fuient la mort". Il veut que la baisse des charges sociales des entreprises soit en partie modulée en fonction des secteurs et des salaires. Entretien.
Publié le 27-08-2015 à 19h51 - Mis à jour le 28-08-2015 à 12h00
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L’épaisse pile de notes posée à côté de lui traduit le nombre de dossiers sur le feu. Asile, sécurité, tax shift, etc. Olivier Chastel, le président du MR, fait sa rentrée politique. De manière offensive.
Le président de la N-VA, Bart De Wever, réclame un statut spécial pour les réfugiés, qui limiterait leur accès à certains droits sociaux. Quelle est votre réaction ?
"Moi, je rappelle l’accord de gouvernement : une politique d’accueil ouverte, humaine, mais ferme. Notre pays doit être accueillant pour ceux qui fuient la mort, qui fuient des pays en guerre. Les réfugiés ont un statut, il n’est pas question de revoir ce statut ! On fait face aujourd’hui à une migration fondée sur le péril. Il suffit de regarder le taux d’acceptation des dossiers. On est passé de 15-20 à 60 %…"
L’Europe fait face à un afflux massif de réfugiés. La Belgique en fait-elle assez ?
"Ah oui. Je salue les mesures d’urgence du gouvernement. Par le passé, il a fallu louer des chambres d’hôtel pour des demandeurs d’asile qui dormaient dans la rue. La réaction du gouvernement permet d’éviter ces situations."
Theo Francken (N-VA), en charge de l’Asile, se vantait d’avoir fermé des places d’accueil. Aujourd’hui, il faut en rouvrir dans la précipitation. Un manque d’anticipation ?
"C’est difficile d’anticiper. Maintenir des places non occupées, ça coûte très cher. Sous le gouvernement Di Rupo, on a dû en fermer pour des raisons budgétaires. Ce gouvernement-ci a d’abord continué comme ça. Et aujourd’hui, c’est vrai, on repart dans l’autre sens afin d’accueillir de façon décente ceux qui fuient la guerre. Mais je voudrais attirer l’attention sur un point : après la phase d’accueil, il y a la phase d’intégration."
Une compétence régionale…
"Et là, il y a une grosse différence entre la Flandre et la partie francophone du pays. En Flandre, ils ont des résultats nettement meilleurs qu’en Wallonie ou à Bruxelles parce qu’ils ont rendu obligatoire le parcours d’intégration. La Wallonie et Bruxelles doivent en faire de même, sans quoi, elles vont rater leur mission d’intégration."
“Mais que fait le PS pour créer des emplois en Wallonie ?”
Le débat sur les détails du “tax shift” va avoir lieu maintenant au gouvernement. Il y a encore une foule d’interrogations…
"En tout cas, ceux qui veulent démontrer que ce tax shift a fait “pschitt” se trompent. Si on s’est engagé dans cette réforme socio-économique, c’est pour garantir notre système de sécurité sociale en créant le plus d’emplois possible, tout simplement."
On entend pourtant beaucoup de critiques. Le syndicat libéral CGSLB lui-même estime que les libéraux ne se préoccupent pas des travailleurs…
"Quand j’entends les syndicats – et désormais ils sont tous à mettre dans le même sac – nous dire de manière dogmatique que les libéraux ne sont pas sociaux, c’est à remettre dans le contexte de la guerre entre les syndicats avant les élections sociales. Et au plus petit des trois syndicats (NdlR, la CGSLB), je réponds que ce n’est pas en criant de la même façon que le plus gros qu’on le rattrape. Vous savez, quand le ministre Daniel Bacquelaine met une réforme des pensions en place, ce n’est pas pour le plaisir de faire se poser des questions aux gens sur leur fin de carrière. C’est pour la soutenabilité du système."
L’opposition politique dénonce des cadeaux faits aux entreprises, notamment sur la baisse des charges patronales de 33 à 25 %.
"C’est honteux de réduire nos réformes à des cadeaux aux entreprises : on veut créer le contexte pour que les entreprises créent un maximum d’emplois. Quel contraste avec l’action du PS en Wallonie. Il parle sans arrêt de défendre les travailleurs, mais que fait-il pour créer des emplois ? Plutôt que de se préoccuper du cumul de leurs mandats, les ministres wallons feraient mieux d’améliorer la qualité de la formation, de garantir un avenir et un emploi à nos jeunes. La Wallonie a hérité d’un budget d’1,5 milliard d’euros pour la politique de l’emploi. Le bilan de la ministre de l’Emploi, Eliane Tillieux (PS), après presque un an de législature ? Une feuille blanche."
Les entreprises vont-elles vraiment créer de l’emploi et pas simplement se mettre en poche les abaissements de charges sociales ?
"Les entreprises comprennent les efforts que nous faisons. C’est pour cela qu’il faudra réfléchir à la manière dont on réduira les charges pour que cela soit le plus efficace possible."
La diminution des charges pourrait ne pas être linéaire, mais ciblée sur certains secteurs ?
"Evidemment."
Quelle est la position du MR ?
"Le MR est favorable à un mix entre des baisses linéaires et des baisses ciblées par secteur et par niveau de salaire."
Faut-il lier la baisse des charges et l’obligation d’engager de nouveaux travailleurs ?
"Je ne suis pas partisan d’une obligation stricte et pure d’engagement. Mais je pense qu’il faut le plus possible éviter les effets d’aubaine. On ne va pas augmenter le nombre de travailleurs dans les secteurs où ce n’est pas nécessaire. Il faut que ces baisses de charges s’appliquent là où il y a un vrai besoin, là où les secteurs nous disent, “nous, on a des besoins, mais actuellement on ne peut pas engager”.
"Des radicaux veulent s'attaquer aux masses"
Après la tentative d’attentat dans le Thalys Amsterdam-Paris, le Premier ministre Charles Michel (MR) a estimé qu’il fallait revoir l’espace Schengen. Étonnant pour un libéral.
"On a exagéré ses propos. En tant que Premier ministre, il a la responsabilité de la sécurité de ses concitoyens. Soyons clairs : le monde change en matière de sécurité. Charles Michel n’a pas à dévoiler les rapports de la Sûreté de l’Etat qui lui parviennent, il ne faut pas être paranoïaques, mais nous avons des éléments qui indiquent que certains radicaux veulent déstabiliser les démocraties européennes, non plus en s’attaquant à des cibles précises, mais en touchant des masses."
Donc, tuer le plus de monde possible…
"Et quand Charles Michel veut voir ce qu’on peut faire de manière complémentaire aux douze premières mesures déjà prises en matière de sécurité (NdlR, militaires en rue, retrait de la nationalité, échange de l’information, etc.), cela me semble normal."
Notamment réformer l’espace Schengen ?
"Pas un instant il n’a voulu porter atteinte à la libre circulation des citoyens, mais faut-il pour autant laisser circuler impunément ceux qui veulent détruire notre Etat démocratique ? Je pense que non. C’est pour cela que je me suis exprimé en faveur d’un approfondissement de la zone Schengen. Aujourd’hui, ses frontières ne sont pas garanties."
Le Premier ministre parlait plutôt des frontières intérieures.
"Justement. Puisqu’il y a une défaillance aux frontières extérieures, on ne peut pas rester les bras ballants. Schengen permet déjà un renforcement de mesures de sécurité. La difficulté, c’est que certains interprètent Schengen de façon très restrictive, d’autres pas. C’est pour ça que Charles Michel a évoqué la question et qu’il y a eu une réunion ce jeudi entre les techniciens de la Commission et le cabinet du Premier ministre."
Le MR devient-il un parti sécuritaire ?
"Pas plus que par le passé. Pour pouvoir garantir la libre circulation de nos citoyens, il faut d’abord pouvoir garantir leur sécurité. Le monde change. Le radicalisme, la volonté de nuire à nos Etats démocratiques doivent nous faire prendre conscience qu’il est nécessaire d’adopter des mesures adéquates."
10.000 réformateurs à Pairi Daiza !
A guichets fermés. Les pandas géants de Pairi Daiza vont voir défiler près de 10 000 membres du MR, le 6 septembre prochain. Les rencontres estivales du parti libéral, organisées dans le parc animalier, ont provoqué un engouement inattendu.
Le QG du MR se dit dépassé par les événements et le parti a dû clôturer les inscriptions. " C’est 10 fois plus de monde que ce qu’on fait d’habitude , s’exclame Olivier Chastel, heureux de ce succès, mais un peu inquiet aussi.
"On vit un problème d’infrastructure pour accueillir tout le monde dans le chapiteau où auront lieu les discours. A 15 000 inscriptions, Pairi Daiza fermait ses portes à tout autre visiteur… On est dépassé par le succès. Ce n’est jamais arrivé dans l’histoire d’un parti francophone. " Les Estivales du MR, où sera lancé un long "processus d’actualisation de la doctrine du parti" , sont réservées aux seuls membres du parti en ordre de cotisation. " A côté de près de 10 000 inscrits, on a encore une liste d’attente complémentaire dont on se demande ce qu’on va faire. Et il y a même des mandataires qui ne sont pas certains de pouvoir rentrer… "