Gabriel Ringlet, prêtre, accompagne les patients jusqu’à l’euthanasie
Dans un livre qui paraît ce jeudi, il fait le récit de son accompagnement spirituel dans un service de médecine palliative. Il livre une réflexion profonde sur la fin de vie. Et appelle les évêques à ouvrir "un vrai débat". Entretien.
Publié le 03-09-2015 à 06h23 - Mis à jour le 03-09-2015 à 06h33
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Prêtre, professeur émérite de journalisme à l’UCL, écrivain, théologien, Gabriel Ringlet publie ce 3 septembre "Vous me coucherez nu sur la terre nue", où il raconte, avec beaucoup de douceur et de pudeur, le chemin aux côtés de personnes qui ont fait une demande d’euthanasie. Ce livre est le récit de cet accompagnement spirituel au départ du service de soins palliatifs de la clinique Saint-Pierre, à Ottignies.
Gabriel Ringlet y explique comment il a été appelé, "au sens propre du terme", il y a quelques années, par le docteur Corinne Van Oost, médecin généraliste au sein de ce service. "Je ne m’y attendais vraiment pas. Et d’autant moins que tout mon cheminement personnel, y compris sur le plan intérieur, est du côté de la fragilité, du respect de la vie la plus ténue."
Pourquoi, alors, avoir répondu positivement à l’appel de cette femme médecin ?
Corinne Van Oost est venue me chercher en disant qu’elle avait face à elle des gens qui demandaient l’euthanasie et qui se trouvaient en très grande souffrance spirituelle. L’équipe soignante ne suffisait pas. Il fallait une dimension supplémentaire. Il fallait que quelqu’un puisse entendre leur demande jusqu’au bout. De fil en aiguille, je me suis trouvé entraîné sur ce chemin de l’accompagnement spirituel. Que ce soit à Saint-Pierre ou ailleurs, j’interviens toujours à la demande d’une clinique ou d’un médecin. Je trouve admirable la finesse de certains médecins de campagne qui sentent, au creux de la souffrance, l’interrogation intérieure de leurs patients et décident de passer le relais, pour travailler à deux.
Vous êtes présent au moment où se pratique l’injection létale ?
C’est une deuxième étape beaucoup plus récente, qui remonte à deux ans. Ce n’est pas simple de poser cet acte. Ne peut-on pas faire quelque chose qui l’élargisse, qui le dépasse pour qu’il ne soit pas simplement "technique" ? Autrement dit : est-ce qu’une parole est possible dans ces moments-là ? Je me suis très vite rendu compte que ce qu’on me demandait, c’était une démarche rituelle, au moins autant pour l’équipe soignante que pour le patient. Je devais réfléchir de manière très concrète à ce qui pourrait être une célébration ou plutôt, car ce mot est un peu trop ample, un accompagnement rituel, symbolique de ce moment-là. De faire en sorte que le patient, sa famille, le médecin, une infirmière, un bénévole… aient l’occasion de poser une parole, de dire un texte poétique, d’amener des gestes ou un parfum. Je me suis rendu compte que ça comptait vraiment énormément.
Les soignants ont aussi besoin de rituel à ce moment-là ?
L’euthanasie est quelque chose qui engage et qui remue tellement à l’intérieur ! On ne parle pas assez de ceux qui, du côté des soignants, posent ces actes et quelle résonance cela peut avoir en eux. Quand je parle de rituels, il ne faudrait pas croire que j’ai uniquement en tête une vision religieuse. J’ai aussi entendu ce questionnement dans les milieux laïques. Cela m’a frappé. Des médecins qui, à titre personnel, sont tout à fait du côté de la laïcité ressentent cette même interrogation profonde, ce même besoin d’être accompagnés d’une manière ou d’une autre sur ce chemin-là. C’est vraiment une perspective anthropologique.
Combien de patients avez-vous ainsi accompagnés jusqu’au bout en deux ans ?
De manière vraiment significative : six. Je parle là d’accompagnements longs, au sens strict du mot : "cheminer avec". A l’exception de Christian de Duve, un ami de très longue date, je ne connaissais pas les personnes avant leur demande.
Beaucoup de personnes s’adressent aussi à vous par des lettres, des e-mails…
On ne s’y attend peut-être pas mais le courrier est un accompagnement fort important et complémentaire. Il m’arrive de passer des heures par écrit avec des gens qui me posent la question de l’euthanasie. Ces contacts épistolaires sont très importants : c’est une chance d’être sur une question si grave par plusieurs chemins.
Arrive-t-il que la personne veuille être absolument seule avec son médecin au moment de l’euthanasie ?
Je n’ai pas vécu pareille situation mais ma réponse est liée à l’exercice des soins palliatifs qui ont chaque fois précédé. Je fais partie de ceux qui pensent que l’euthanasie, si elle se pose et pour qu’elle se pose bien, doit s’inscrire dans un contexte de soins palliatifs. A un moment donné, après avoir longuement cheminé, après avoir tout tenté, on se trouve au pied du mur : dans un nombre très limité de cas, la question de l’euthanasie se pose. Si les soins palliatifs fonctionnent bien, l’entourage est pris en compte dès le départ. Et donc il n’y a pas de rupture à la fin.
C’est une histoire forcément collective ?
Presque toujours. C’est une des choses qui me touche beaucoup en soins palliatifs. On a une relation forte, la plus vivante possible avec le patient mais pas seulement. Maîtriser cette souffrance qui est la sienne, en gardant une qualité de communication, cela entraîne la famille et l’équipe soignante. Tout le monde a besoin d’être accompagné. Cela se passe le mieux possible, ou le moins mal possible, quand toutes les parties sont partie prenante.
L’histoire de Suzanne, que vous racontez dans le livre, illustre bien cet aspect.
C’est une vieille dame catholique pratiquante traditionnelle. De manière très insistante, elle demandait l’euthanasie à un moment où elle n’était pas dans les conditions de la loi. Elle a alors fait une tentative de suicide chez sa fille et ses petits-enfants, qu’elle adore, et chez qui elle habitait. Nous avons fait un très gros travail pour qu’elle comprenne le décalage entre sa demande, si forte, et le fait que ses petits-enfants, surtout, ne pouvaient pas y adhérer. L’équipe soignante était divisée. On a pris le temps voulu pour que les petits-enfants puissent dialoguer vraiment avec leur grand-mère.
Qui a persisté dans sa volonté de mourir...
Je n’ose pas utiliser l’expression : cela s’est fort bien terminé… Mais on a pu aboutir à une très belle sérénité, à beaucoup d’apaisement, à une sorte d’accord intérieur de chacun à la suite de ce long dialogue.
Quel a été précisément votre rôle ?
Pour cette catholique pratiquante, vouloir de toutes ses forces l’euthanasie était d’une culpabilité incroyable ! Il fallait parler de cela et le porter rituellement. J’ai reçu cette dame à plusieurs reprises. Elle est venue avec sa fille ici, dans mon oratoire. Nous avons choisi une musique et des textes. Absolument pas pour esquiver. Ce n’était pas une liturgie-guimauve : il s’agissait d’être au cœur de sa demande par le biais de la célébration. Elle a pleuré pendant presque toute la messe. A la fin de la liturgie, elle m’a dit : "Merci beaucoup, cela m’a fait énormément de bien. Mais est-ce que vous comprenez que je demande quand même encore l’euthanasie ?"
Comment avez-vous réagi ?
On ne peut qu’être très modeste. On a ouvert tous les chemins possibles et pratiqué, pendant plus d’une année, tout ce que les soins palliatifs peuvent offrir. Petite fille, cette dame avait vécu une véritable horreur par rapport à la maladie de sa maman morte dans des conditions atroces. Elle avait la même maladie et ne voulait, pour rien au monde, infliger cela à ses enfants et à ses petits-enfants. L’idée même de se retrouver dans les mêmes conditions que sa maman était une souffrance insupportable. J’ai revu cette dame le jour où on lui a annoncé que la décision était prise et qu’on allait prendre date. Son apaisement était inouï. C’est impressionnant.
Entre cette annonce et le moment où on pratique l’euthanasie, il s’écoule combien de temps ?
Quelques jours. Parfois moins. L’expérience que j’ai maintenant me fait dire qu’à partir du moment où on annonce au patient l’acceptation de sa demande, ce n’est pas très long. La personne a évidemment jusqu’à la dernière seconde pour faire marche arrière. On ne cesse de le lui répéter, sans le faire de manière obsédante.
Est-il arrivé que des patients se ravisent alors que la date était fixée ?
Je ne l’ai pas vécu. En revanche, j’ai vécu à deux reprises le décès naturel de la personne dans cet intervalle. Ce fut notamment le cas d’une institutrice qui se trouvait dans un état de dégradation extrême provoqué par la maladie. Elle était dans des souffrances respiratoires atroces et une angoisse terrible de mourir étouffée. Ce n’était plus possible pour elle de continuer ainsi. Mais elle aussi avait un fond chrétien important : l’euthanasie lui posait un vrai problème. Sa première étape fut de me demander le sacrement des malades avant de me parler de sa demande d’euthanasie. Je l’ai revue. Elle m’a indiqué que la date était fixée et m’a demandé : est-ce que vous y serez ? J’ai répondu oui, bien sûr. Là, elle s’est effondrée en sanglots de joie. C’était pour elle un apaisement, sans doute lié à la culpabilité. Elle se sentait portée. Elle est morte dans l’ambulance qui la conduisait vers l’hôpital avant qu’on ne pose le moindre acte.
"Sur le plan éthique, la sédation finale est aussi grave que l’euthanasie"
Pour les opposants à l’euthanasie, la sédation finale est une solution aux souffrances insupportables. Des moralistes soulignent une différence d’intention : d’un côté, on veut donner la mort ; de l’autre, on soulage le patient et la mort ne serait qu’un effet secondaire du traitement. Quelle est votre position par rapport à cela ?
Je ne peux pas suivre cette argumentation, y compris sur le plan de l’éthique professionnelle. L’euthanasie, c’est clair : c’est un acte qui entraîne la mort immédiate, dans les deux minutes. Mais soyons précis : la sédation terminale n’a rien à voir avec le coma artificiel dans lequel on plonge un grand brûlé pour le soigner avant de le ramener à la conscience ! Au moment où on administre la médication pour la sédation terminale, on sait que le patient ne reviendra jamais. C’est définitif. On endort le malade pour toujours. Cela peut durer entre quelques heures et une dizaine de jours. Et donc, dans les deux cas, on se trouve engagé à construire la mort de l’autre, pour reprendre l’expression, très juste, du professeur de théologie morale de l’UCL, Dominique Jacquemin.
La distinction serait donc hypocrite ?
Je ne veux pas être trop dur : j’ai presque envie de respecter cette hypocrisie. Certains se sont construit une réponse éthique plus facile à porter. Mais j’ai envie qu’on reconnaisse que c’est quand même de l’hypocrisie… Je respecte évidemment tout à fait les patients qui veulent en finir et choisissent cette voie-là. J’y ai été confronté : pour certaines personnes en immense souffrance, l’acte d’euthanasie est trop radical, ne fût-ce que mentalement. Elles disent alors : endormez-moi, nous allons nous quitter comme ça. Autre situation assez fréquente : le patient aimerait partir directement mais il comprend que l’euthanasie est insupportable pour ses proches. La sédation, c’est une concession qu’il leur fait parce que c’est peut-être plus facile pour eux de le voir s’endormir et partir petit à petit…
Et donc, pour vous, éthiquement, il n’y a pas de différence entre euthanasie et sédation finale ?
Non, je ne vois pas de différence. Je vais jusqu’à dire dans le livre que l’euthanasie diluée, c’est-à-dire la sédation finale, me paraît plus discutable ou problématique que l’euthanasie tout court. L’accompagnement d’une euthanasie dans un cadre palliatif, jusque et y compris l’accompagnement spirituel et rituel, c’est vraiment un très gros investissement.
Mais l’euthanasie ne se pratique pas comme cela partout.
C’est vrai. J’idéalise peut-être au départ de ce que j’ai eu la chance de vivre. Il y a encore des lieux où on pratique l’euthanasie sans beaucoup s’interroger sur tout ce contexte. Je ne veux pas généraliser mais je ne veux pas qu’on rabaisse la pratique sous prétexte que des lieux sont beaucoup plus simplistes, trop rapides et qu’on n’a pas toujours tout tenté par d’autres chemins. Je veux témoigner qu’il y a des cas d’accompagnement qui sont vraiment remarquables au point de vue relationnel. Ce dernier adieu choisi, il s’y vit, il s’y passe très souvent quelque chose d’intense, alors que, dans le cas de la sédation, probablement pour des raisons psychologiques, même si on se dit au revoir, on ne prend pas tous ces soins-là. La sédation finale est un geste de la même gravité que l’euthanasie. Je plaide donc pour qu’on fasse le même effort d’accompagnement dans ce cas-là.
Que faire dans cette attente de la mort qui peut durer dix jours ?
Pour moi, la sédation, c’est un départ plus difficile que l’euthanasie. Il y a le moment où on donne la médication qui endort et puis le coma. Comment célèbre-t-on cette attente ? Comment accompagne-t-on tous ces jours-là pour que l’attente ne soit pas vide ? En cas d’euthanasie, il y a un moment où tout le monde se retrouve pour l’adieu choisi, un point de rencontre fondamental même si la préparation a parfois demandé du temps et n’allait pas de soi. Ce n’est pas le cas de la sédation terminale.
Gabriel Ringlet veut provoquer un vrai débat avec les évêques
En France, la loi Leonetti-Claeys s’engage dans l’unique voie de la sédation finale. Elle n’autorise ni euthanasie ni suicide assisté mais instaure un droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès.
C’est un compromis politique : légiférer sur la sédation continue pour ne pas devoir le faire sur l’euthanasie. La sédation terminale deviendrait en France un droit quasi automatique alors que, chez nous, c’est une option que le médecin peut prendre, après discussion avec le patient et la famille, sans passer par la loi euthanasie. Ça va être de l’euthanasie diluée, en pire, puisque non réfléchie et non délibérée.
L’euthanasie doit donc être une option ?
Mon combat, il est simple. Je suis convaincu que dans un certain nombre de situations, après avoir tout tenté dans le cadre palliatif, on n’échappe pas à l’euthanasie. Alors, autant faire cela le mieux possible, le plus humainement possible et le plus spirituellement possible. Mais je serais extrêmement sévère si on m’apportait la preuve que la décision est un peu trop automatique, qu’on dit O.K. parce que les conditions de la loi sont réunies juste sur le plan médical. Je serais prêt à rejoindre les gens qui se posent de graves questions éthiques sur l’application de la loi. On doit faire de toute fin de vie un vrai événement, aussi important qu’une naissance. Les survivants ont besoin de mettre au monde la mort de celui ou de celle qui s’en va. Que ce soit une mort par accident, par suicide ou par euthanasie, c’est par définition une mise au monde qui demande du temps et de l’accompagnement.
Comment allez-vous convaincre les évêques qui défendent la sédation finale ?
Ce que j’aimerais d’abord, c’est qu’il y ait un vrai débat. Ce qui veut dire tenter d’écouter jusqu’au bout l’argument de l’autre en acceptant a priori d’y entrer. De mon côté, j’ai lu tous les documents des évêques, dont une déclaration des évêques de France qui développe quatre pistes.
Vous les partagez ?
J’en partage trois et demie. Un : il faut créer les conditions d’accueil pour les situations les plus fragiles. Ça crève les yeux ! Même si nous en sommes encore loin… Il ne faut pas proférer des slogans, il faut poser des actes concrets pour faire reculer dans les maisons de repos ce que j’appelle l’euthanasie du découragement qui se camoufle trop souvent derrière les suicides. Je dis oui à ce premier argument, mais agissons ! Créons des lieux où les gens complètement paumés sont vraiment reçus. Voilà un bel avenir pour l’église ! Deux : pas d’acharnement thérapeutique. Je suis évidemment entièrement d’accord. On sait très bien qu’il existe des demandes d’euthanasie "préventives", pour se prémunir d’un acharnement que je trouverais tout à fait insupportable. Trois : il faut développer à fond les soins palliatifs : ils parlent à un convaincu…
Vous coincez sur le quatrième point : l’euthanasie ne peut jamais être une option, sous aucun prétexte.
On ne se trouve plus devant des générations d’évêques qui disent qu’il faut souffrir pour gagner son ciel. C’est fini, ça, même s’il reste quelques irréductibles ! Les responsables de la hiérarchie que je côtoie ne tiennent plus du tout ce discours. Ils sont tout aussi sensibles que moi à la souffrance insupportable mais leur réponse, c’est la sédation. Sur le plan éthique, je ne vois pas en quoi la sédation serait moins grave que l’euthanasie. Je voudrais qu’ils l’entendent. Je dis que l’euthanasie est grave ; je demande qu’on dise que la sédation est aussi grave. A partir de là, dites-moi pourquoi la sédation serait mieux, y compris spirituellement, y compris rituellement ? Je suis d’une totale sincérité quand j’affirme être prêt à accueillir des arguments qui pourraient me convaincre que, tout compte fait, il vaut quand même mieux opter pour la sédation. Je suis tout ouïe. C’est absurde d’être un militant de l’euthanasie : on ne peut pas souhaiter cela ; on ne peut qu’y être acculé. S’il y a d’autres chemins, pourquoi pas ? Mais il faut vraiment qu’on me les montre.
"Le rituel ne sert pas à justifier quoi que ce soit"
Après le rituel de l’adieu choisi, il y a les funérailles et l’inhumation ou l’incinération. Gabriel Ringlet les prend en charge quand on le lui demande. "Il n’y a aucun automatisme. Je l’ai fait deux fois après avoir accompagné les patients jusqu’à l’euthanasie. Ces familles n’avaient pas d’autres repères liturgiques et spirituels, ne savaient plus où aller, ce qui arrive aujourd’hui plus souvent qu’on ne croit."
Sinon, les gens retournent dans leur paroisse ou dans leur centre laïque. "Il m’arrive aussi de célébrer des funérailles de gens qui sont morts par euthanasie et que je n’avais pas du tout accompagnés." Au moment de la célébration, l’enjeu n’est pas de savoir comment la personne nous a quittés, insiste le prêtre théologien. Que ce soit un départ serein à un grand âge, une mort par suicide, par accident ou par euthanasie, "on célèbre avec la souffrance de ceux qui sont là, pour ceux qui restent". Il n’y a pas de règle ; il faut sentir à chaque moment la tonalité juste. "Il n’est pas impossible que j’évoque, au cours de la cérémonie, le fait que le départ était volontaire parce que cela se mettait naturellement ou qu’un texte en parlait."
Pour autant, il ne faut pas survaloriser l’euthanasie parce qu’elle transgresse l’interdit majeur de tuer, insiste encore Gabriel Ringlet.
"Je peux entendre que certains disent : organiser un rituel autour d’un acte d’euthanasie, n’est-ce pas le justifier ? Je peux l’entendre mais je ne peux pas entrer dans cette remarque. Le rituel ne sert pas à justifier quoi que ce soit. Il sert simplement à donner le plus d’humanité possible à quelque chose de très fort que nous vivons. Le choix éthique a été posé, une décision a été prise. Cette situation-là, il faut la vivre et la porter le plus positivement possible. J’appelle cela : grandir dans la transgression. Ce n’est pas parce qu’il y a transgression que tout s’arrête, que notre humanité disparaît. Non !"
"Vous me coucherez nu sur la terre nue"
Ultime fragilité. Le titre du livre de Gabriel Ringlet fait écho au souhait de François d’Assise pour l’heure de sa mort. Un appel au plus grand "dévêtement", à l’acceptation de l’ultime fragilité et aussi le signe qu’à l’instant du dernier souffle, il faut "un viatique symbolique".
Témoignage. Au départ de son expérience, le prêtre livre une réflexion profonde sur la fin de vie et un vibrant plaidoyer pour la dignité de l’humain.
Gabriel Ringlet, "Vous me coucherez nu sur la terre nue", Albin Michel, 220 pages, 17€.