La base syndicale réclame d’intensifier la lutte (ANALYSE)

De 80 à 100 000 opposants au gouvernement Michel ont défilé mercredi à Bruxelles. Analyse

Gérard Laurent
Photos Bernard Demoulin: Manif du 07 octobre 2015 a Bruxelles
Photos Bernard Demoulin: Manif du 07 octobre 2015 a Bruxelles © Bernard Demoulin

De 80 à 100 000 opposants au gouvernement Michel ont défilé mercredi à Bruxelles.

ANALYSE
En rassemblant entre 80 000 (chiffres de la police) et 100 000 (chiffres syndicaux) manifestants dans les rues de Bruxelles, mercredi, le front commun syndical a réussi un pari qui était loin d’être gagné. Celui de rééditer une manifestation monstre contre le gouvernement Michel, certes pas aussi spectaculaire que celle du 6 novembre 2014, mais qui restera comme l’une des plus grandes mobilisations syndicale de ces trente dernières années.

Si le gouvernement et les organisations patronales comptaient sur un essoufflement de la contestation de la politique menée par la majorité de centre droit, ils en sont pour leur frais. Le succès de la manifestation démontre que nombreux sont ceux qui ne digèrent toujours pas le menu de la "suédoise", au Nord comme au Sud du pays. Il signifie que la capacité de mobilisation syndicale n’est pas atteinte. Enfin, il donne un mandat clair aux responsables des confédérations syndicales de durcir le ton, d’accentuer la pression sur le gouvernement fédéral et, peut-être plus encore, sur les employeurs.

Car si les déclarations et calicots appelant Michel Ier à revoir sa politique (en matière de pensions, de salaires…) ont fleuri mercredi dans les rangs serrés de la manif, le banc syndical n’est pas dupe. Il sait que ce gouvernement ne fera pas marche arrière pour les beaux yeux de militants qui ne sont, pour la plupart, pas leurs électeurs. Et que, dès lors, c’est sur les employeurs que la pression devra être placée, afin que ces derniers soient contraints de demander eux-mêmes au gouvernement d’adoucir son programme.

Plus confiance dans le gouvernement

A la faveur de la manifestation de mercredi, la frange des syndicats qui réclame un durcissement des actions sort en tout cas renforcée. A la CSC, où l’on privilégie traditionnellement la négociation à la confrontation, le sentiment est grand de s’être fait duper par le gouvernement Michel dans son ensemble, par le CD&V en particulier, et la confiance dans la concertation sociale a chuté de façon vertigineuse. Au sein du syndicat chrétien, on misait en effet beaucoup sur le tax shift pour rééquilibrer quelque peu la barque, pour faire contribuer davantage le capital à l’effort de guerre, pour améliorer la justice fiscale. Les espoirs ont été déçus. Le peu de confiance qui subsistait dans la majorité N-VA-MR-CD&V-Open VLD se serait évaporé.

Va-t-on dès lors assister à une remontée de la température sur le terrain social ? Va-t-on revoir, comme à l’automne 2014, un plan d’actions structuré et crescendo du front commun syndical, comprenant des actions plus dures ? Il est trop tôt pour l’affirmer. Si la FGTB s’est clairement engagée dans cette voie, en annonçant dès mardi des actions par provinces, y compris des grèves, jusqu’à la fin de l’année, la CSC ne l’a pas rejointe, jusqu’ici. Avant de durcir, éventuellement, le ton, le syndicat chrétien va d’abord analyser le signal lancé lors de cette manifestation.

"Il faut faire pression sur les employeurs"

Une part croissante de la CSC devrait cependant réclamer la mise sur pied d’un plan d’actions comparable à celui qui avait suivi la manif du 6 novembre 2014. "C’était une très bonne séquence, se souvient Tony Demonte, secrétaire général adjoint de la Centrale nationale des employés. A l’époque, le gouvernement avait fini par douter. Mais nous sommes ensuite entrés dans un cycle de concertations. Nous avons diminué la pression sur le terrain et le gouvernement et les employeurs en ont profité. Nous devons maintenant revenir à une stratégie plus dure, en front commun, avec une grève générale au programme. Il faut faire pression sur les employeurs." Bref, rééquilibrer le rapport de forces pour, enfin, engranger des avancées à la table des négociations.

Pas dit, cependant, que cette stratégie, si elle devait être adoptée, aura un véritable impact. Hier, la Fédération des entreprises de Belgique soulignait que les indicateurs économiques de notre pays (balance commerciale, PIB, handicap salarial…) repassent au vert et que, au lieu de manifester, il faut poursuivre sur la voie des réformes. Et on sait que la voix des employeurs est très écoutée au gouvernement.

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