Karin Gérard contre-attaque
Accusée d’avoir simulé son agression, la juge, qui confirme celle-ci, porte plainte.
- Publié le 27-01-2016 à 19h40
- Mis à jour le 28-01-2016 à 08h17
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Karin Gérard, présidente de chambre à la cour d’appel de Bruxelles et grande spécialiste des cours d’assises (mercredi, elle était au palais de justice, supervisant la constitution du jury de la prochaine session) a-t-elle inventé son agression du 5 janvier ?
Mercredi, en tout cas, "La Dernière Heure" indiquait que l’enquête menée par le parquet de Bruxelles ne corroborait pas les déclarations de la magistrate. L’intéressée dément, se réserve le droit de porter plainte en diffamation et s’est entourée de deux avocats, Mes Jean-Pierre Buyle et Marc Uytendaele.
1. Rappel des faits. Le 5 janvier, en soirée, Karin Gérard sortait le nez cassé et la lèvre éclatée des urgences de l’hôpital Saint-Pierre, à Bruxelles. A "La Libre", elle déclarait avoir été agressée, à proximité du palais de justice, par trois individus de type slave qui l’avaient frappée au visage et dépouillée de ses bijoux, notamment d’une bague de grande valeur. L’un de ses agresseurs l’aurait même appelée par son nom. Dans la foulée, Karin Gérard, qui avait repris son travail dès le surlemendemain des faits, avait fait l’objet pendant plusieurs jours d’une protection rapprochée. L’affaire avait relancé le débat sur la sécurité des magistrats.
2. L’enquête du parquet. Mme Gérard avait porté plainte et le parquet de Bruxelles ouvert une enquête. Mercredi, la "DH" révélait que, selon l’enquête, il n’existerait pas d’éléments permettant de croire qu’une agression a bel et bien eu lieu à l’endroit indiqué par la victime présumée. La porte-parole du parquet, Ine Van Wymersch, a confimé mercredi que "les éléments matériels obtenus par l’enquête ne permettent pas, à ce stade, de confirmer les déclarations de la victime". L’affaire n’est pas, pour autant, classée sans suite. La conclusion quant à l’orientation à donner à ce dossier doit encore être arrêtée. Selon les procédures, le parquet pourrait décider d’ouvrir une enquête contre la magistrate.
3. Les hypothèses. Dans un cas comme celui-là, les hypothèses vont bon train. Selon certaines informations, au moment des faits, Mme Gérard ne sortait pas du palais de justice (elle même a déclaré avoir fait des courses pour sa mère dans un magasin de l’avenue Louise) mais d’un café où elle aurait bu quelques consommations (elle reconnaît avoir pris un verre d’eau avec une amie). Se pourrait-il qu’elle soit tombée, qu’elle ait perdu ses bijoux au cours de son éventuelle chute ou que quelqu’un profitant des effets de celle-ci ait fait les poches de la juge ? Se pourrait-il que celle-ci ait, ensuite, cherché à se protéger de quelque opprobre en "inventant" une histoire, voire qu’elle ait fait une fausse déclaration pour se couvrir auprès de sa compagnie d’assurance, ses bijoux étant estimés à 60 000 euros selon certaines sources, 30 000 selon d’autres ? Me Uyttendaele balaye la question en répondant que Mme Gérard était couverte pour le vol mais aussi pour la perte de ses bijoux.
4. La version de l’intéressée. Après l’avoir fait auprès de "La Libre" et de la RTBF se disant"atterrée" par l’article du quotidien bruxellois et parlant "d’accusations scandaleuses et calomnieuses visant à nuire à une personne", Karin Gérard a démenti officiellement avoir été l’objet d’un autre scénario que celui d’une agression. Ses conseils, Mes Buyle et Uyttendaele, reconnaissent qu’il "est possible que, en l’état actuel de l’enquête, il n’a pas encore été possible de déterminer avec exactitude quand et comment les faits se sont déroulés, ni d’identifier des suspects" mais "cela ne peut remettre en cause la réalité de l’agression et du vol". Le soir des faits, nous confiait Me Uyttendaele, les médecins ont constaté, avec photos et IRM à l’appui, que les lésions subies par Karin Gérard étaient conformes à ses déclarations alors qu’il lui était particulièrement difficile, dans l’état de choc dans lequel elle se trouvait (on a diagnostiqué une commotion cérébrale), de reconstituer toute la scène dans les détails. "Qu’elle ait pu, de bonne foi, manquer de précision est possible", commente Me Uyttendale. Mais Mme Gérard, si elle refuse de s’engager dans un débat public, n’en confirme pas moins ses premières déclarations et a décidé de déposer plainte avec constitution de partie civile pour violation du secret de l’instruction. Elle va également réclamer des dommages et intérêts à la "DH". On indiquera aussi que la cour d’appel de Bruxelles a, dans un communiqué, déploré que des éléments aient été rapportés dans le domaine public "alors que l’enquête serait toujours en cours".