Le dossier concernant la plainte de Karin Gérard transmis au parquet général

Si Karin Gérard devait être convaincue d’avoir simulé une agression, un véritable séisme secouerait le monde judiciaire belge. Le parquet s’est-il avancé trop vite, ou la juge s’est-elle tiré une balle dans le pied ?

J.-C.M.
Le dossier concernant la plainte de Karin Gérard transmis au parquet général
©Photo News

Le parquet s’est avancé trop vite, ou la juge s’est-elle tiré une balle dans le pied ? Si Karin Gérard devait être convaincue d’avoir simulé une agression, un véritable séisme secouerait le monde judiciaire belge. D’autant que, mercredi soir, certains indiquaient qu’elle avait par trois fois porté plainte pour agression et que les trois dossiers avaient été classés sans suite. Mais dans le cas où les déclarations de la magistrate au sujet de son agression étaient avérées, l’image de la justice ne serait pas davantage épargnée.

Car de deux choses l’une. Soit le parquet s’est avancé trop vite et a communiqué de façon trop légère, en mettant en péril la réputation d’une victime, qui a droit à la présomption de son état, et la probité du travail de ce corps serait en cause; soit une magistrate exerçant de hautes fonctions a dérapé et cela éclabousserait l’institution judiciaire tout entière.

Il est trop tôt pour pencher dans un sens ou dans un autre. Le parquet a confirmé s’interroger sur la véracité des déclarations de Mme Gérard. Les conseils de celle-ci avancent certains arguments (voir ici). Et des proches rappellent que la juge présentait des griffures aux mains et à la poitrine qu’elle aurait difficilement pu se faire elle-même ou présenter après une chute "solitaire" comme l’hypothèse a en été formulée. Mais La DH ajoute ce jeudi matin que, au moment où affirme avoir été agressée, Karin Gérard sortait d’un bar saint-gillois "où elle a passé un moment en bonne compagnie et où elle paraissait toujours en bonne santé sur des images de caméras de surveillance extérieures".

Un emblème de la magistrature

En tout état de cause, Mme Gérard pèse lourd dans le paysage judiciaire belge. La magistrate, qui se laisse volontiers attirer par les spots des plateaux de télévision où, affirme-t-elle, elle vient pour "faire de la pédagogie" et "informer le public de l’état et du fonctionnement de la justice", a une riche carrière derrière elle, ce qui en a fait une figure emblématique de la magistrature belge.

Présidente de chambre à la cour d’appel de Bruxelles, elle fut, en 1992, la plus jeune femme de l’histoire de la justice belge à présider une cour d’assises. Avant cela, elle avait été pendant sept ans juge de la jeunesse ce qui, de son propre aveu, lui a permis d’acquérir une approche particulière des parties (victimes, témoins, jurés, accusés) sur le plan psychologique.

Celle qui se targue de ne jamais avoir rendu d’arrêt entaché par une cassation défavorable a présidé de très nombreux procès à la cour d’assises de Buxelles-Capitale. Des procès souvent extrêmement médiatiques comme le procès Storme, celui des meurtriers de la policière Kitty Van Nieuwenhuizen ou encore deux procès dits du Rwanda, dont celui des assassins des dix paras belges abattus à Kigali.

Tout le monde loue son professionnalisme dans la conduite des débats. Elle laisse beaucoup parler les parties mais intervient dès qu’elle sent que l’une ou l’autre d’entre elles essaie d’entourlouper son monde et peut alors se montrer cassante.

Un riche palmarès

Son enfance n’a pas toujours été facile et elle a dû financer ses études universitaires, notamment en jouant les mannequins, mais elle a toujours eu la plus profonde admiration pour sa mère italienne, née à Florence, et entoure ses deux enfants et ses petits-enfants du même amour. Inutile de préciser que l’Italie et sa gastronomie n’ont plus de secrets pour elle.

A Gembloux, auprès de son mari notaire, elle trouve un environnement propice au calme dont elle a besoin pour préparer des cours d’assises qu’elle mène tambour battant, sans ménager les jurés ou les avocats et en regardant rarement sa montre, ce qui conduit parfois à des audiences marathon.

A côté de ses activités de magistrat, Karin Gérard se signala aussi par sa participation à la première équipe dirigeante du Conseil supérieur de la justice dont elle inaugura la présidence en 2000. Elle fut également pressentie ou candidate pour diriger la Sûreté de l’Etat en 2013, mais la chose ne se fit pas.

Plutôt mondaine, Karin Gérard a été anoblie par le Roi en 2004 et porte depuis le titre de baronne. Son palmarès est donc riche. Mercredi soir, un de ses conseils se demandait "qui"avait intérêt à l’abattre et "pourquoi". Mais d’autres acteurs du monde judiciaire se posaient plus perfidement la question de savoir si Mme Gérard ne s’était pas "tiré une balle dans le pied toute seule".

Soucis pénaux et disciplinaires possibles

Poursuites pénales. Si d’aventure, il devait être un jour prouvé que Mme Gérard a inventé l’histoire de son agression et a fait de fausses déclarations, peut-être pour se prémunir contre sa compagnie d’assurances et récupérer la valeur de ses bijoux (on rappellera que ses avocats affirment que la magistrate est aussi couverte en cas de perte), elle pourrait être poursuivie au pénal, notamment, pour faux en écriture. On n’induit pas impunément en erreur l’autorité.

Disciplinaire. Bien évidemment, s’il était établi qu’elle a créé le scénario de l’agression de toutes pièces, elle se verrait également entraînée dans une procédure disciplinaire qui pourrait lui coûter une suspension, voire une révocation.

Retour de manivelle. Mais les enquêteurs et la "DH" ne sont pas à l’abri non plus si la plainte pour violation du secret professionnel et la citation contre le quotidien aboutissaient.

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