Un retrait de Karin Gérard pas d’actualité
Il n’y a pas de raison, en droit, de l’empêcher de siéger. Mais la sérénité des débats est-elle garantie ?
Publié le 29-01-2016 à 10h19 - Mis à jour le 29-01-2016 à 10h20
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On sait (LLB du 28/1) que le parquet de Bruxelles (qui a transmis le dossier au parquet général pour d’éventuelles suites disciplinaires et/ou pénales) estime ne pas pouvoir confirmer les déclarations de Karin Gérard, présidente de chambre à la cour d’appel de Bruxelles, selon lesquelles elle aurait été agressée (nez fracturé, lèvres éclatées, commotion cérébrale) le 5 janvier, dans le quartier Louise.
Certains se demandent si, en raison de la tourmente dans laquelle elle a été entraînée, Mme Gérard est encore en mesure de présider en toute sérénité la cour d’assises de Bruxelles-Capitale qui a commencé mercredi par la constitution du jury et démarrera vraiment lundi.
Scénario peu vraisemblable
Autrement dit : faut-il qu’elle fasse un pas de côté ou peut-on l’y contraindre ? Les juristes sont unanimes : en droit et dans l’état actuel du dossier, aucun motif ne justifie une telle contrainte. Une partie au procès pourrait demander la récusation de Mme Gérard et, si elle n’acquiesçait pas, la Cour de cassation devrait se prononcer; mais le scénario paraît peu vraisemblable.
Pour l’avocat namurois Jacques Englebert toutefois, en siégeant, Mme Gérard, qui est évidemment présumée innocente de fausses déclarations, pourrait "même involontairement entacher la fonction de juger et porter en quelque sorte atteinte à l’institution judiciaire, les magistrats n’étant pas tout à fait des citoyens comme les autres". Imaginez, poursuit en substance Me Englebert, que Mme Gérard dise à l’audience à l’accusé : "Vous mentez monsieur", celui-ci, dans le contexte actuel, aurait beau jeu de lui répondre : "Je suis à bonne école avec vous." Bref, conclut le juriste, "un magistrat, avant de penser à lui, devrait penser à l’institution et à son image".
Cela dit, Me Englebert, avec Me Jean-Philippe Mayence par exemple, convient que si Mme Gérard devait "se retirer", cela pourrait être interprété comme le début d’un aveu. "S’il suffisait de jeter la suspicion sur la tête d’un juge pour l’écarter de sa mission, on entrerait dans l’ère de l’abus."
Le porte-parole de la cour d’appel de Bruxelles, Peter Hartosch, nous expliquait, jeudi, que le parquet général avait à peine entamé la lecture du dossier transmis par le parquet de Bruxelles et que la cour attendait des nouvelles avant d’éventuellement agir. "Nous ne voyons pas pourquoi, en l’état, Mme Gérard devrait être suspendue pour une agression qu’elle a subie", commentait-il, rappelant que la loi prévoit qu’une session d’assises doit être présidée par le même magistrat.
Un retrait éventuel de Mme Gérard, que n’envisagent absolument pas ses avocats, entraînerait donc le report de la session qui vient de commencer, ce qui serait à tout le moins gênant. Pour autant, mais tout cela est théorique, le premier président de la cour d’appel, Luc Maes, qui a vu Karin Gérard mercredi, pourrait la convaincre de s’écarter provisoirement ou l’affecter à des tâches moins exposées, une cour d’assises ne siégeant pas en permanence. Mais, jeudi, on n’en prenait pas le chemin.