Le nombre de mosquées salafistes belges a doublé en 15 ans
Le salafisme a définitivement fait son nid en Belgique. Une trentaine de mosquées font partie de ce courant de l’islam en Belgique. La montée en puissance de la Ligue islamique mondiale dans la Grande Mosquée de Bruxelles a été déterminante.
Publié le 12-02-2016 à 06h30 - Mis à jour le 12-02-2016 à 10h32
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Si, à en croire la Sûreté de l’Etat, la Grande Mosquée de Bruxelles a nettement atténué ses prêches fondamentalistes, le salafisme - que ce haut lieu du culte de l’islam sunnite a largement soutenu en Belgique depuis les années 70 - se porte plus que bien.
A bonne source, on estime désormais qu’"une trentaine de mosquées installées en Belgique font l’objet d’une influence salafiste". C’est le double de l’estimation qui avait été faite en 2001 dans un rapport du Comité R.
Le renseignement belge estime que le salafisme a définitivement fait son nid dans le pays, sous diverses formes (piétiste, apolitique, djihadiste). On le voit à la présence d’imams ou de directeurs de mosquées, de groupes de croyants ou de prédicateurs de passage inspirés par ce courant rigoriste et conservateur de l’islam.
La plupart de ces mosquées ne sont pas reconnues et échappent au "screening" de la Sûreté, appelée à donner son avis chaque fois qu’un dossier de reconnaissance est soumis à l’Exécutif des musulmans.
Cela ne se bouscule pas : seules treize mosquées sont reconnues en Région bruxelloise alors qu’il y en au moins une septantaine dans Bruxelles-Capitale et 320 dans l’ensemble du pays.
C’est le cas de la Grande Mosquée du parc du Cinquantenaire à Bruxelles, cadeau de la Belgique à l’Arabie saoudite (voir ici). Celle-ci n’a pas entrepris de démarches pour être reconnue. Ancienne et puissante, elle est la cible des polémiques et fait l’objet de convoitises dans la communauté.
Pourtant le Centre islamique et culturel de Belgique (CICB), l’ASBL liée à la Grande Mosquée, a fait des efforts de transparence. Il met en ligne ses prêches et convoque la presse à certaines occasions. La Sûreté relève que cette mosquée a condamné les départs des djihadistes en Syrie, a dénoncé les attentats, et "nettement atténué le discours fondamentaliste et renforcé son caractère multiculturel".
L’un de ses imams, Mouhameth Galaye Ndiaye, affirme même que la mosquée "ne se qualifie ni du salafisme ni du wahhabisme" saoudien et revendique "un islam du juste milieu qui est compatible avec l’espace européen". Mais ce n’est pas l’avis de la Sûreté pour qui l’islam prêché au Cinquantenaire reste "traditionaliste et d’inspiration salafiste".
Pas de transparence financière
Car le CICB est financé et géré par la Ligue islamique mondiale de La Mecque, le moteur du salafisme en Belgique. Difficile à vérifier : le CICB n’a pas déposé ses comptes annuels au greffe du tribunal du commerce de Bruxelles, comme le réclame la loi, ni à la Banque nationale. De nombreuses mosquées bruxelloises, érigées en ASBL, sont d’ailleurs aussi en défaut sur ce point. "C’est hallucinant de voir qu’on a autorisé cela depuis des années", constate le député Georges Dallemagne (CDH) qui a dénoncé cette affaire au parlement.
Nos sources nous disent aussi que la Ligue islamique mondiale sert aussi de généreuse banquière aux mosquées. "Il suffit de remplir un formulaire à la mosquée du Cinquantenaire", relève une source.
Une part de secret enveloppe enfin l’acte de concession par lequel la Belgique a cédé le pavillon du Cinquantenaire. La Régie des bâtiments, qui le conserve dans ses archives, refuse d’en donner une copie à la presse, se contentant de répondre aux questions.
Selon la Régie donc, l’arrêté de concession date du 13 juin 1969, est signé par le ministre des Travaux publics de l’époque, Jos De Saeger (CVP), et par les ambassadeurs saoudien et marocain. "La concession est accordée pour un terme de 99 ans afin d’y poursuivre son but philanthropique, religieux, scientifique ou pédagogique pour les besoins de la communauté des musulmans résidant en Belgique", nous dit la Régie. Mais celle-ci précise que le pavillon a été cédé en 1969 au CICB, et non à l’ensemble de la communauté musulmane de Belgique comme certains le croient, espérant ravir à la tutelle des Saoudiens ce symbole de l’islam en Belgique.
Question de mots
Le salafisme est une famille religieuse issue du sunnisme (la principale branche de l’islam) qui prône une pratique rigoriste de la religion musulmane, proche de ses premiers fidèles (le terme salaf désigne, en arabe, les "ancêtres", en l’occurrence les premiers compagnons du Prophète et leurs suiveurs).
Il est composé de plusieurs branches. Il existe un salafisme prédicateur non violent. Il prône la purification de la communauté musulmane par l’enseignement religieux. Il est proche des imams saoudiens et du wahhabisme. Les Frères musulmans sont aussi salafistes. Enfin, il y a la version djihadiste, née en Egypte dans les années 70. Elle s’est affirmée dans les années 80 en Afghanistan lors de la lutte contre l’occupation soviétique. Cette branche-là prône une action armée pour imposer l’islam purifié des origines. L’Etat islamique s’en inspire.