Grands reproches adressés à la Belgique (5/5): les services de sécurité sont-ils sous-financés ?
Le problème des services de sécurité relèverait moins des moyens mis en œuvre que de la façon dont on les utilise.
Publié le 03-04-2016 à 09h52 - Mis à jour le 03-04-2016 à 11h10
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Le problème des services de sécurité relèverait moins des moyens mis en œuvre que de la façon dont on les utilise. Le constat. Les cures d’austérité successives" des gouvernements Di Rupo et Michel, dixit la coprésidente d’Ecolo Zakia Khattabi, ont-elles affaibli les services de sécurité ? Avant toute chose, il faut bien constater qu’à la lecture des budgets de la police fédérale, de la Sûreté de l’Etat et de l’Ocam (Organe de coordination pour l’analyse de la menace), on ne constate pas de désinvestissement significatif dans ces départements depuis 2012. Néanmoins, vu le contexte sécuritaire actuel, faudrait-il pas renforcer nettement leurs moyens ?
L’analyse Entre majorité et opposition, l’analyse est bien sûr très différente. Pour le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA), les moyens dont disposent les forces de l’ordre sont suffisants pour assurer la sécurité du pays. "Après [les attentats de] Paris, le budget pour la sécurité a été augmenté de 400 millions d’euros", rappelait-il mardi dans la presse flamande. "Laissez-nous le temps de dépenser cet argent. […] A la police, il y aura 1 400 personnes supplémentaires, mais engager des agents et les former, ça prend au minimum un an." M. Jambon ne demande donc pas d’argent en plus.
A l’inverse, jeudi, sur La Première, Mme Khattabi, s’est dite "inquiète de l’aveuglement" du ministre. "Seul Jan Jambon ne fait pas le lien entre la nécessité d’argent supplémentaire" et l’efficacité des services. "En ce qui concerne […] la police, entre janvier 2010 et janvier 2016, plus de 10 000 équivalents temps plein ont été perdus et il manque […] structurellement 4 000 policiers pour remplir le cadre normal", ajoutait jeudi, sur le site du "Vif", le député Ecolo Gilles Vanden Burre. "Le patron de la Sûreté de l’Etat […] estimait que "les économies avaient produit un lourd tribut" […] Les mêmes constats [ont été] repris par les juges d’instruction, les avocats généraux, les procureurs ou les directeurs de police judiciaire."
Le professeur Herman Matthijs (VUB), expert en budget et services de renseignement, apporte une lecture nuancée. Ce qu’il pointe, ce n’est pas tellement un manque de moyens que la façon dont ceux-ci sont utilisés. "Le plus gros problème", disait-il mardi dans "De Morgen", "c’est que le gouvernement fédéral a économisé pendant des années dans des crédits d’investissement (NdlR, par opposition aux crédits de fonctionnement), parce que c’était politiquement plus facile. Le résultat est qu’à l’heure actuelle, seuls 5 % de tous les budgets sécurité sont investis, alors qu’il faudrait que ce soit au moins 15 %. Pour illustrer : des 300 millions d’euros qui vont à la police judiciaire, presque tout part en coûts du personnel, et pas 15 millions d’euros en investissements."
Les pistes A la place de dégager des moyens budgétaires supplémentaires, le professeur Matthijs estime que le gouvernement pourrait réformer… "En centralisant les services de sécurité sous un coordinateur national en matière de terrorisme […] nous pourrions réaliser beaucoup d’économies." Réformer, c’est l’ambition du plan Jambon pour la police. Adopté en décembre, il vise à mettre 2 500 agents en plus sur le terrain, ainsi qu’à libérer des moyens qui pourront être réinvestis. C’est un premier pas. La lutte contre le terrorisme en demandera sans doute d’autres.