Grève dans les prisons: Les familles des détenus sont à bout
Une femme nous explique que son mari est détenu à l'aile B à Tournai. "Cela fait 36 jours que nous ne l'avons plus vu. Nous avons deux enfants de 19mois et 6ans qui ne font que réclamer leur papa."
Publié le 31-05-2016 à 16h57 - Mis à jour le 31-05-2016 à 18h46
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36 jours de grève mais déjà 39 jours que Michele (prénom d'emprunt) n'a plus vu son mari incarcéré à la prison de Tournai. En fin de peine, il devait passer devant le tribunal d'application des peines (TAP) début mai, pour tenter d'obtenir des congés.
A cause de la grève des agents pénitentiaires, l'audience a été reportée. "J'ai réussi à l'avoir au téléphone la première fois deux semaines après le début de la grève. maintenant, c'est un jour sur deux", raconte-t-elle. Mais lundi soir, le coup de fil, à 23h30, l'a complètement mise à terre. "J'étais contente de l'entendre mais il m'a dit qu'il avait 20 agrafes. Il voulait tout casser dans sa cellule et pour éviter ça, il s'est taillé le bras. Je n'en peux plus". Le détenu, qui a déjà purgé 7 ans de prison, est d'ordinaire calme. Jusqu'ici, il tenait mais il a craqué. "Il a pété un câble. Il est à bout. Il na plus de tabac et doit laver ses vêtements avec du gel douche. A l'intérieur de la prison, c'est le carnage:il n'y a pas d'autre mot. Des types mettent le feu tout autour d'eux."
Une autre femme nous explique que son mari est détenu à l'aile B à Tournai. "Cela fait 36 jours que nous ne l'avons plus vu. Nous avons deux enfants de 19mois et 6ans qui ne font que réclamer leur papa. Toutes les autres prisons ont au moins reçu une visite et peuvent faire sortir leur linge. Ici à Tournai, pas. Ca fait un mois! Imaginez les odeurs et l'état des vêtements. La nourriture est immangeable et ça fait 2 semaines qu'ils ne reçoivent plus de papier toilette". Sur le parking de Tournai, on voit passer les rats, ajoute-t-elle. "Ce n'est pas humain de les traiter comme ça".
Le mouvement se poursuit malgré l'accord conclu lundi
Les agents pénitentiaires affiliés à la CGSP et à la CSC poursuivent la grève dans les prisons wallonnes et bruxelloises, entamée le 25 avril, malgré l'accord conclu lundi entre quatre syndicats et le ministre de la Justice Koen Geens. Les trois syndicats néerlandophones (ACV, ACOD et VSOA) et l'organisation libérale francophone SLFP ont accepté lundi le protocole d'accord du ministre de la Justice, contrairement à la CSC et à la CGSP. Il comprend notamment l'engagement de 480 statutaires supplémentaires, dont 386 agents pénitentiaires, avant la fin du premier semestre 2017 et des mesures pour lutter contre la surpopulation.
La CGSP tient cependant à rappeler que 94,7% des agents pénitentiaires votants se sont prononcés lundi contre les propositions du ministre. "Le syndicat libéral nous a fait un mauvais coup car il défendait jusqu'ici une solution pour tous les agents francophones", insiste le secrétaire fédéral Michel Jacobs. "Les agents en grève sont remontés, ça va les stimuler pour poursuivre le mouvement de grève."
La CSC souhaite également que le ministre de la Justice modifie ses propositions. "Ce conflit renforce de jour en jour l'injustice de la situation", soulignait lundi Laurence Clamar, secrétaire permanente justice. "Le fruit de la grève des prisons du sud et de Bruxelles profite à celles du nord qui ne sont pas en grève."
Une nouvelle réunion est programmée mercredi entre les syndicats opposés à l'accord et le ministre de la Justice.
Le SLFP-VSOA souhaite un retour à la raison et au respect mutuel
Le SLFP-VSOA, qui fait partie des organisations syndicales ayant accepté lundi le protocole d'accord concernant les institutions pénitentiaires proposé par le ministre de la Justice Koen Geens, souhaite un "retour à la raison et au respect mutuel" dans ce dossier, indique-t-il mardi. "Les appels à la violence contre les délégués ayant une opinion différente montrent qu'il s'agit d'une question purement communautaire. C'est inacceptable. Ce faisant, c'est la discorde qui règne, et personne n'y trouve son intérêt." Après avoir reçu des menaces à la suite de la signature de cet accord, le syndicat libre de fonction politique a souligné mardi ne soutenir "ni le gouvernement, ni les partis politiques libéraux. Bien au contraire".
Le syndicat qui estime avoir "tout mis en œuvre pour aboutir à un accord acceptable pour toutes les parties" souligne "qu'un retour vers le plan du personnel de 2014 n'était pas envisageable par l'autorité".
"Nous regrettons qu'il n'ait pas été possible de faire une répartition établissement par établissement en ce qui concerne l'augmentation des effectifs proposée de manière à répondre au mieux aux revendications des prisons du sud du pays", a précisé le SLFP appelant à "ne pas sous-estimer l'impact très couteux en capacités de ces actions sur les autres services publics tels que police, défense et services d'incendie", et à ne "pas oublier l'aspect humanitaire".
Les deux ailes syndicales néerlandophones ACV et ACOD, ainsi que l'organisation libérale SLFP-VSOA, qui a rappelé être une "syndicat unitaire", ont accepté lundi le protocole d'accord du ministre de la Justice, contrairement à la CSC et à la CGSP.