Magistrats: Des fonctions très diverses et surtout exigeantes
Juge d’instruction, avocat, juge de paix, greffier, petit point sur la situation des magistrats.
Publié le 07-06-2016 à 16h01 - Mis à jour le 07-06-2016 à 16h47
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Juge d’instruction, avocat, juge de paix, greffier, petit point sur la situation des magistrats.
Juge d’instruction: L’immense pouvoir de priver de liberté En prison. Dans l’imaginaire collectif, le juge d’instruction envoie les gens en prison. "C’est un immense pouvoir", commente Anne Gruwez, magistrat instructeur à Bruxelles depuis 23 ans. Pendant une journée de service, elle voit défiler entre 2 et 15 "clients". Ils sont notamment envoyés par le parquet qui réclame un mandat d’arrêt. Exemple : les policiers ont privé de liberté (pour 24 heures) un homme pour coups et blessures intrafamiliaux lourds. "J’envoie Monsieur en prison et je téléphone à l’aide aux victimes pour que Madame sache qu’il ne rentrera pas ce soir et qu’elle pourra dormir tranquille." Il y a des mesures urgentes à prendre : entendre les voisins pour savoir si les bagarres sont fréquentes ; faire voir Monsieur par un psychiatre pour voir s’il est intrinsèquement violent… Endéans les cinq jours (et puis tous les mois pendant la détention préventive), le juge d’instruction doit confirmer le mandat d’arrêt devant la chambre du conseil. "J’ai trois audiences par semaine. C’est un moment important : c’est l’occasion de faire le point avec la personne sur l’avancée de l’instruction." A Bruxelles, face à une demande de privation de liberté, "c’est toujours un dilemme", dit-elle encore. "Soit on envoie en prison et on sait que les conditions y sont épouvantables. Soit on laisse en liberté sous conditions alternatives, mais on sait qu’elles ne sont pas surveillées parce que le système est engorgé. Alors, qu’est-ce qu’on fait ? De toute façon, c’est sur vous qu’on retombera…"
Avocat: Conseiller, concilier et défendre
Indépendant. Patrick Henry est avocat depuis 1977. Pour ce spécialiste en droit immobilier, ce choix de carrière a été "une évidence. Il n’y a que des juristes dans ma famille et ce, depuis la création de la Belgique. Ma motivation était, et est toujours, d’assurer la défense des gens." Son métier, il le définit par ce slogan : "L’avocat conseille, concilie et défend." "Conseille car il essaie de donner à son client un juste éclairage de ses droits et devoirs ainsi qu’une orientation stratégique. Concilie puisque l’avocat détermine avec son client le mode de résolution des conflits le plus opportun. Défend en aidant son client à exprimer sa vérité, sa perception des faits dans le cadre de la procédure judiciaire afin qu’émerge la vérité judiciaire", explique Patrick Henry. "L’avocat est tenu au secret professionnel. Il doit respecter la déontologie et être indépendant du pouvoir, des juges, des clients, de lui-même", poursuit-il. Selon Patrick Henry, "le métier laisse de la place à des caractères différents mais, pour être un bon avocat, il faut avoir la volonté d’aider les gens, être capable d’assumer les problèmes du client, faire le maximum pour défendre ses intérêts, être résistant au stress et avoir de la rigueur dans l’approche du dossier". Les pires idées reçues sur sa profession ? "Que nous sommes des menteurs patentés, nécessairement fortunés. Et les séries télé américaines dépeignent souvent les avocats comme des crapules ou des ivrognes (rires) ."
Juge de paix: Les défis humains de la justice de proximité
Terrain. On ne le lui dira pas, mais à écouter Gery De Walque, juge de paix dans la juridiction de Woluwe depuis 17 ans, on imagine un médecin de campagne, isolé dans sa profession, mais confronté à de multiples missions de liaison sur son territoire. "Nous sommes des magistrats comme les autres, mais c’est vrai que nous, juges de paix, sommes sur le terrain un des visages humains de la justice", explique Gery De Walque qui avoue avoir "les mains dans le cambouis". La justice de paix est, en effet, cette juridiction "du quotidien", à laquelle on a recours pour les contestations dont le montant n’excède pas 2 500 euros. Il s’agit, notamment, du droit locatif, des affaires liées aux servitudes, "mais c’est nous qui sommes chargés également de protéger les personnes les plus faibles, pour les demandes de tutelle d’enfants mineurs par exemple". Cette "proximité" et cette "humanité", qui caractérisent la mission du juge de paix, sont cependant soumises à de multiples tensions, continue Gery De Walque. "Je n’ai pas de chiffres, mais je pense qu’en dix ans, nous devons gérer deux fois plus de dossiers. C’est dur, car il faut régler certains litiges en quelques minutes alors que nous aurions apprécié en expliquer les raisons aux justiciables. Cela s’explique par l’augmentation de la population mais aussi par la judiciarisation de la vie." "Notre mission est un défi, conclut le juge de paix , car l’équilibre entre l’efficacité qui nous est demandée et la qualité qui doit être celle de notre travail n’est plus très facile à trouver."
Greffier: Un assistant indispensable
Déçu. Michel Hernalsteen, 54 ans, est greffier au tribunal de première instance de Namur. "Un vieux greffier", comme il se qualifie. Il est chargé d’assister le juge à l’audience et veille à ce que le magistrat ne commette pas d’erreurs lors des diverses procédures. "Au tribunal de Namur, je dois couvrir plusieurs audiences par semaine. Le rôle du greffier est capital. S’il est absent, le magistrat ne peut pas siéger." Et c’est là que le bât blesse. Michel Hernalsteen a en effet pu constater au fil des années que le métier de greffier était de plus en plus dévalorisé. "Jusqu’il y a peu, la profession faisait partie de la catégorie ‘A’, qui était la mieux rémunérée. Maintenant, nous sommes au niveau ‘B’, ce qui permet au ministère des Finances de payer beaucoup moins. La profession est de suite devenue moins attrayante. Si je devais recommencer la même carrière, je ne serais certainement pas greffier", avoue le quinquagénaire. Autre conséquence directe des restrictions budgétaires, les palais se vident. Les absents de longue durée ou les retraités ne sont pas remplacés. "Si l’un de nous tombe malade, il n’y a personne pour le remplacer. Nous sommes sur la corde raide", déplore Michel Hernalsteen. De plus, les conditions de travail au sein du palais de Namur laissent à désirer. Elles sont même "catastrophiques": "Le plafond tombe, certaines portes ne ferment plus et le matériel informatique est obsolète." Ce qui ne risque pas d’attirer de nouveaux candidats greffiers.