Rudi Vervoort (PS): "Le décret Inscription n'atteint pas son objectif de mixité sociale à Bruxelles"
Cette rentrée scolaire semble avoir fait office d’électrochoc pour les autorités bruxelloises. Le socialiste Rudi Vervoort profite de sa rentrée à lui pour s’en prendre au décret Inscription dont les résultats sont insatisfaisants à Bruxelles, estime-t-il. Le ministre-Président bruxellois veut aussi avancer sur une taxation au kilomètre. Il se prononce enfin contre le retrait des militaires. Entretien.
Publié le 02-09-2016 à 07h12 - Mis à jour le 02-09-2016 à 08h12
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Cette rentrée scolaire semble avoir fait office d’électrochoc pour les autorités bruxelloises. Rudi Vervoort (PS), ministre-président, profite de sa rentrée à lui pour s’en prendre au décret inscription dont les résultats sont insatisfaisants à Bruxelles, estime-t-il. Avant de commenter les autres sujets d’actualité, le socialiste annonce une initiative au niveau régional afin d’objectiver les problèmes des écoles qui disposent encore de place en classe alors que plusieurs dizaines d’enfants de première secondaire sont toujours sans école.
Cette année, l’écrasante majorité des élèves sans école sont bruxellois. Qu’est ce que cela vous inspire ?
Pourquoi, à votre avis, la Fédération Wallonie-Bruxelles n’évalue toujours pas le décret inscription ? Car le problème des enfants sans école est anecdotique en Wallonie. Mais nous allons agir. Nous avons identifié une école (que Rudi Vervoort ne souhaite pas nommer, NdlR) qui a une mauvaise image, et nous allons travailler dessus. Il y a pourtant de la place dans cette école. Il y a là une responsabilité de la Fédération mais nous allons prendre le problème à bras-le-corps.
Pouvez-vous préciser ce projet ?
Nous allons y faire un travail d’étude, avec le PO, les enseignants, le PMS afin de voir où le bât blesse, identifier de quoi nous avons besoin et restaurer l’image de l’école. Je considère que c’est ma responsabilité. Ensuite, nous communiquerons les résultats et les transmettrons à qui de droit. Je veux qu’on fasse le bilan objectif de la mixité sociale dans les écoles. A Bruxelles, au niveau francophone, on ne peut pas continuer comme cela.
Le décret inscription a-t-il eu des effets pervers ?
Quand on parle de l’évaluation du décret, il faut prendre en compte l’offre d’enseignement. Nous devons territorialiser le problème. Or la Fédération n’en a pas les moyens. Je ne me mêle pas ici du programme ou de la pédagogie.
Le critère géographique du décret a-t-il pu replier les écoles sur leur quartier parfois socialement fragilisé ?
C’est un sentiment qui existe mais soyons clairs : certaines écoles créent je ne sais combien de premières et de secondes et attendent la fin de la seconde pour virer les élèves dont elles ne veulent pas. C’est dire à l’élève "maintenant dégage de toute façon tu n’avais pas ta place ici". Est-ce de cela qu’on veut ? Le décret n’a pas le succès escompté, qui peut le nier ? Je suis parent et tout qui a des enfants le sait, c’est pour cela que nous demandons son évaluation. Ce n’est pas monstrueux comme demande.
Le PS qui dirige la Fédération ne peut pas l’obtenir ?
C’est le partenaire CDH qu’il faut convaincre.
Taxation au kilomètre : Bruxelles presse la Wallonie
Disposez-vous désormais d’une vision claire sur l’état des tunnels bruxellois ?
Oui. Mais les ingénieurs sont très prudents par nature, ils ne garantissent pas les choses au-delà de 4 ou 5 ans. La situation est sous contrôle, nous avons mis en place une procédure de suivi et nous agissons là où c’est nécessaire. Pour Léopold II, l’objectif est un démarrage du chantier fin 2017. Cela nécessitera des fermetures en été, durant les week-ends et la nuit.
Les tunnels ont-ils encore un avenir ? Pas pour votre ministre Pascal Smet.
Cela dépend lesquels. Stéphanie est un tunnel stratégique, il relie différentes parties de Bruxelles et est utilisé par beaucoup de Bruxellois. En revanche, la question peut se poser pour les tunnels de pénétration dont la congestion va diminuer quand une véritable offre RER sera disponible.
L’opposition MR a lancé le débat sur une extension du métro en dehors de la Région bruxelloise et sur la fiscalité automobile… Où en êtes-vous ?
J’ai vu la rentrée multiple du MR sur la mobilité. Certaines choses méritent réflexion. Notre objectif est d’arriver en 2017 avec un projet abouti sur une fiscalité automobile. Par contre, il ne faut pas tomber dans le délire sur le métro. Je souhaite que dans l’hinterland bruxellois, on développe une fiscalité intelligente sur l’usage de la voiture. Ce n’est pas une fiscalité nouvelle, il s’agit de remplacer les taxes actuelles par un système reposant sur une fiscalité au kilomètre, en tenant compte de la nuit, des week-ends et des heures de pointe. La Flandre défend aussi cette idée.
Ce serait pour quand ?
Pas sous cette législature, car côté wallon, on ne veut pas en discuter. Il faudra mettre cela sur la table au moment des élections.
Et dans le programme du PS wallon ?
J’espère qu’on aura encore un programme commun. (rires)
Pourquoi ne pas aller plus vite et tenter de convaincre les Wallons ?
L’homme fort de Bastogne (Benoît Lutgen, président du CDH, NdlR) a dit qu’il n’en voulait pas… mais j’ai lu qu’il faisait 100 000 kilomètres par an.
Le ministre François Bellot a promis un milliard pour le RER. Vous y croyez ?
Je m’interroge sur sa provenance, c’est faire filer la dette d’Infrabel mais ce n’est pas mon problème… moi mon problème c’est d’avoir un RER qui fonctionne.
Pensez-vous que les militaires sont toujours nécessaires en rue ?
J’ai toujours préféré plus de bleu et moins de kaki. Les militaires vont se lasser de leur présence. Ils ne sont pas formés au travail policier. C’est une forme passive de sécurisation de l’espace public. Leur armement est un armement de guerre. Je ne souhaite vraiment pas qu’ils aient à s’en servir.
C’est l’illusion d’une sécurité renforcée ?
Non car la criminalité a chuté dans les zones où ils sont présents. Ça a un impact, psychologique aussi bien sûr. Mais l’imagination des terroristes a toujours de l’avance. On l’a vu avec les événements de Nice. Le dispositif militaire doit idéalement diminuer mais nous sommes dans une situation transitoire.
Quel bilan tirez-vous du "plan Canal" de Jan Jambon contre le terrorisme ?
Il n’est pas aussi opérationnel qu’annoncé à entendre les bourgmestres concernés. La formule "je vais nettoyer Molenbeek" est extrêmement maladroite. Il faudrait des moyens colossaux pour contrôler chaque immeuble. Qu’une commune ait une vision plus claire de son bâti, d’accord. Mais en ce qui concerne le volet des effectifs policiers, on est loin du compte.
Hans Bonte, bourgmestre de Vilvorde, dit suivre les radicalisés dans sa commune mais que ceux-ci disparaissent une fois qu’ils déménagent à Bruxelles. Vrai ?
Ce n’est pas nous qui avons demandé la scission de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde et il y a des protocoles entre les zones de police. Ce sont des polémiques à la De Wever.
Et où en est votre politique de déradicalisation ?
On a engagé un référent radicalisme. Il assure la coordination avec les communes. Nous organisons des formations en détection du radicalisme pour les agents communaux. Notre numéro vert fonctionne. Il tournait à deux ou trois appels par jour sur des problèmes très concrets. Le problème n’est plus ceux qui partent mais ceux qui se radicalisent ici. Nous élaborons un plan régional de prévention et de sécurité pour 2017. Par contre, au niveau du vivre ensemble, certaines choses me fatiguent, comme cette polémique sur le burkini. C’est l’indignité du politique que de surfer sur ce genre de polémique. Theo Francken n’a fait que cela pendant tout l’été.
"Reynders insulte sa propre intelligence"
Fin août, Philippe Close, député PS au parlement bruxellois, avait suscité la polémique en proposant le droit de vote des étrangers aux élections régionales (en oubliant de dire qu’il faut une majorité spéciale à la Chambre pour y parvenir). Le MR s’y était farouchement opposé et prône le droit de vote pour ces mêmes élections aux Belges vivant à l’étranger. Les deux partis sont soupçonnés de vouloir gonfler leur électorat vu le profil politique présumé de ces deux communautés expatriées. "La majorité fédérale donne le sentiment qu’au PS, on préfère les étrangers qui votent en Belgique aux Belges qui votent à l’étranger, réagit Rudi Vervoort. En parlant ainsi, Didier Reynders insulte sa propre intelligence. C’est un bon mot mais il est complètement à côté de la plaque."
Si l’on prête aux étrangers extra-européens une préférence pour la gauche, la majorité des étrangers de Bruxelles sont des Européens, argumente le ministre-Président en indiquant que c’est leur donner un droit lié à des compétences (mobilité, déchets, etc.) qui les concernent directement, ce qui n’est pas forcément vrai pour "le cadre qui travaille à Londres ou le retraité qui vit à Torremolinos". Pour le socialiste, le calcul électoral est au MR car, compte tenu de la circonscription électorale bruxelloise, les votes des Belges de l’étranger peuvent faire basculer des sièges au parlement bruxellois. "Cela veut dire que des Belges à l’étranger feraient basculer des majorités à la Région bruxelloise. C’est cela qu’on veut ?", demande-t-il.