Isabelle Wesphael: "Mon frère est incapable de faire du mal à qui que ce soit"

"Mon frère et moi avons une crainte profonde de la violence. C'est impossible qu'il ait tué sa femme", a déclaré Isabelle Wesphael, la soeur de l'accusé venue témoigner jeudi après-midi. Revivez le procès.

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"Mon frère et moi avons une crainte profonde de la violence. C'est impossible qu'il ait tué sa femme", a déclaré Isabelle Wesphael, la soeur de l'accusé venue témoigner jeudi après-midi. Un ami, Patrick D., est également venu témoigner. Elle est revenue sur leur père violent. "On s'est construits parce qu'on a dû se battre. Mon frère et moi sommes très proches parce qu'on a vécu les mêmes choses. On sait qu'on peut compter l'un sur l'autre."

Selon Isabelle, Bernard Wesphael aimait sa femme. "Il est entier en amour." Il lui avait annoncé qu'il était tombé amoureux de quelqu'un de "formidable". "Il était tout parti comme on dit chez nous." La présentation s'est très bien passée. "Je me suis dit que c'était une femme jolie et tout à fait charmante."

Elle évoque ensuite les problèmes de la victime. "Ce n'est pas facile de parler d'elle en des termes pas spécialement élogieux, je ne le fais pas par manque de respect, mais pour la vérité", a-t-elle d'abord tenu à préciser. Le jour de la présentation de Véronique à la famille de l'accusé, la victime avait déjà beaucoup bu. Une autre fois, elle était tombée tellement elle avait vu et abusait souvent d'alcool lors de fêtes. "Je suis allée un jour avec mon frère vers mai ou juin 2013 au restaurant. Il m'a dit 'ça ne va pas, je suis malheureux. Elle boit mais je pense qu'on va s'en sortir'", raconte-t-elle. Peu avant les faits, fin septembre 2013, Véronique Pirotton avait organisé l'anniversaire de son mari. "A un moment, Bernard a quitté la table, parce que ça dérapait. Il y avait beaucoup d'alcool." L'accusé avait déjà parlé à sa soeur des tentatives de suicide de son épouse, mais elle n'en a jamais été le témoin. Elle n'a jamais non plus vu Véronique agir de manière violente.

"Lorsque j'ai appris que mon frère était en prison et que Véronique était morte, c'était atroce. On est parti le chercher, on pensait qu'on allait le libérer." "C'est impossible qu'il ait tué sa femme. Mon frère est incapable de tuer quelqu'un, de faire du mal à qui que ce soit. Je le connais, c'est une personne qui refuse la violence. On a vraiment vécu des choses assez difficiles mais on s'est est sortis. "Il m'avait dit que Véronique irait peut-être à la mer et qu'il pourrait la rejoindre. Je lui ai dit de la laisser prendre du recul, il m'a dit qu'il ne voulait pas, qu'il voulait être avec elle et que son couple fonctionne."

Patrick D., ami de longue date de Bernard Wesphael, connaissait aussi la victime, et était donc au courant de ses problèmes d'alcool. "Il ne lui en fallait pas beaucoup. Parfois, elle était normale, et puis elle partait en vrille après trois verres de vin. Elle n'a pas attendu Bernard pour commencer à boire." Il souligne par ailleurs le fait que la victime était une femme "charmante, très gentille." "Elle était toujours là pour son fils."

Selon lui, son ami est quelqu'un de "nonchalant", parfois "trop casanier, fort introverti". "Bernard avait besoin qu'on l'aide à s'extérioriser." Le témoin se trouvait chez le couple le 29 septembre 2013 et décrit une soirée sympathique, sans haussements de voix.

Il confirme aussi que Bernard Wesphael comptait prendre un appartement mais sans pour autant vouloir rompre avec son épouse. "On sentait bien qu'il était déçu de la voir s'écrouler."

Le témoignage de cet ami a été l'occasion pour le président de pointer l'importance de l'oralité des débats d'une cour d'assises. Le témoin s'est en effet plaint de la traduction de certains de ses propos lors de son audition par les enquêteurs brugeois. "J'ai dit que c'était une bonne mère de famille, on a écrit que j'avais dit que c'était une bonne femme de ménage!"

Enfin, Me Mayence a indiqué, lors d'un commentaire, que Victor avait dit lors de son audition le lendemain des faits que sa mère lui avait dit qu'il pouvait le rejoindre à la mer, et que Bernard pouvait aussi venir s'il voulait se réconcilier avec elle.

L'audience a été levée. Elle reprendra lundi à 9H30 avec l'audition d'autres témoins de moralité.

Des témoins de l'entourage politique se succèdent à la barre

Plusieurs témoins ayant rencontré Bernard Wesphael dans un contexte politique ont été entendus jeudi en début d'après-midi. Ils évoquent une personne sincère, qui recherche toujours la conciliation. Paul Lannoye l'a connu à la fin des années 70, dans le cadre de la formation du mouvement Ecolo.

"C'était un garçon intéressant qui avait un certain avenir." Il le décrit comme "un bon vivant", qui avait beaucoup d'attentions pour sa fille. Les deux hommes avaient prévu, avec d'autres, d'organiser une conférence de presse en novembre 2013 pour alerter l'opinion publique sur les dangers du traité européen sur la stabilité, la coordination, et la gouvernance (TSCG), qui n'aura donc pas lieu. "Lorsque j'ai appris son inculpation pour assassinat, j'ai été stupéfait. Ca ne collait pas avec la personnalité que je connaissais", conclut-il.

Caroline Bertels, qui a été vice-présidente du Mouvement de Gauche, parle des "qualités de démocrates" de l'accusé. "La réaction qui domine toutes les autres chez lui, c'est la recherche de la conciliation." Selon elle, au moment des faits, il se rendait compte qu'il y avait un danger avec le parti, qu'il fallait se recentrer, que le mouvement pourrait difficilement émerger."

Pour Marc Bolland, bourgmestre de Blegny, Bernard Wesphael est une personne "profondément sincère", avec une "bienveillance permanente". Il est par ailleurs revenu sur les débats autour de la levée de l'immunité parlementaire du député wallon, mentionnant une "pression médiatique insoutenable", et une position "sans nuance" du magistrat instructeur sur le fait qu'il s'agissait d'un assassinat.

Enfin, un autre témoin a souligné les qualités de Bernard Wesphael en tant qu'éducateur dans une institution pour jeunes délinquants. "Il avait de réelles capacités sur le plan éducatif et gardait un calme surprenant" face à la violence qui pouvait venir de certains jeunes.

Tous s'accordent pour dire que l'accusé aimait le vin et les rencontres amicales, mais n'avait pas de problèmes avec l'alcool.

Un témoin livre des détails sur les crises de Véronique Pirotton

Un témoin de moralité de Bernard Wesphael a apporté une information importante devant la cour d'assises du Hainaut, jeudi après-midi. Cette femme a assisté à une scène où Véronique Pirotton avait mélangé de l'alcool avec des médicaments, dont du Baclofène. En quelques minutes, la victime a montré des signes d'ivresse inquiétants et, le soir, elle tentait de mettre fin à ses jours. La témoin raconte que Véronique était une autre femme quand elle était en crise et ne pensait à rien. Le témoin connait Bernard Wesphael depuis des années, "mon mari était la figure paternelle dont il rêvait. Bernard était un dialiste parfois très naïf, ébloui par les diplômes, mais il confondait souvent diplôme et intelligence". Elle était au courant des incidents entre l'accusé et ses différentes compagnes et raconte que Véronique Pirotton avait mis plusieurs fois Bernard à la porte.

Elle se souvient que le 16 septembre 2013, elle avait un rendez-vous avec Véronique dans un café à Liège. "Elle est arrivée en retard et semblait fatiguée. Elle m'a dit qu'elle avait eu une relation avec un autre homme, un collègue, mais on n'en a plus parlé. Cependant, elle a bu un demi litre de vin et a pris des médicaments. On s'est quittées et elle n'était pas saoule. Une demi heure plus tard, Bernard m'appelait pour dire qu'elle était ivre dans la rue. Je n'ai pas compris comment elle a pu piquer une crise un quart d'heure plus tard. Le soir, elle a fait une tentative de suicide et elle s'est retrouvée à l'hôpital".

Elle ajoute que Bernard était inquiet des humeurs de Véronique, dans les semaines qui ont précédé les faits du 31 octobre 2013. "Il voulait la faire soigner, il a fait venir un médecin de garde quand elle était en crise, elle était affolée. Quand elle était en crise, elle était une autre femme, hors d'elle même et ne pensait même plus à son fils. Elle se sentait toujours victime".

Bernard Wesphael soutient depuis le début de l'affaire qu'il n'a pas tué son épouse et que celle-ci était entrée en crise après avoir bu de l'alcool et pris des médicaments. Les experts en médecine légale, désignés par son avocat avaient conclu à une mort par intoxication alcoolo-médicamenteuse.

"Mon père est un pacifiste"

"C'est difficile de résumer un grand homme comme ça en quelques mots." C'est par cette phrase que la fille de Bernard Wesphael a entamé, non sans émotion, son témoignage jeudi matin devant les assises du Hainaut. "Mon père est mon meilleur ami. C'est un pacifiste et je tiens à le mettre en avant car c'est quelque chose qui lui est potentiellement reproché."

"Je l'ai entendu une fois élever le ton en 23 ans, lorsque j'avais fait une soirée à son insu et qu'il a été prévenu par les voisins que ceux-ci allaient appeler la police. Il est rentré et a dit 'tout le monde dehors'. Il n'est pas agressif, c'est quelqu'un de très doux et très à l'écoute."

D'emblée, Saphia a également tenu à souligner combien Véroniqe Pirotton était "une femme exceptionnelle". "Je la respecte énormément, je ne veux pas qu'on retienne uniquement le fait qu'elle avait des zones d'ombre. (...) C'est une des personnes les plus brillantes avec lesquelles j'ai parlé." "J'avais beaucoup d'affection pour elle et mon père en avait énormément."

"Quand j'entends dire que mon papa est insensible à ce qui est arrivé à sa femme, c'est faux, car j'ai vu mon père dans une détresse émotionnelle horrible avant et après les faits. Il a énormément souffert. Il l'aimait profondément et n'était en aucun cas indifférent à sa situation. Il a toujours voulu l'aider", a-t-elle déclaré.

Saphia admet qu'elle a trouvé leur mariage un peu précipité. "Ils me l'ont annoncé le jour où je l'ai vue pour la première fois. Je les ai encouragés in fine." La fille de l'accusé regrette de ne pas avoir pu y participer, ayant déjà des vacances prévues à cette date. "Ca aurait été symboliquement très fort pour mon papa et moi, puisque c'était dans la maison d'un artiste que nous aimions beaucoup tous les deux (Léo Ferré ndlr)."

Elle est ensuite revenue sur une scène datant du mois de novembre 2012, après une fête de famille dans une salle, à laquelle participaient Bernard Wesphael, son épouse, Saphia, Victor et Fémi, le fils de l'accusé. "Nous sommes partis. Quand je suis arrivée à la voiture, Véronique pleurait. (...) On a pris la route, elle a fait une crise très forte. Elle disait qu'elle en avait marre, que personne ne pouvait la comprendre. Elle criait, hurlait, Victor lui disait d'arrêter. Elle essayait d'ouvrir la porte, elle voulait sauter hors de la voiture. Quand on est arrivés chez moi, j'ai dit aux enfants de monter en attendant. Elle est sortie en courant. Je l'ai rattrapée, elle a essayé de me griffer, elle disait qu'elle voulait se jeter dans la Meuse", raconte la témoin. "C'est la première fois que je la voyais dans un tel état de détresse, et je ne l'ai plus jamais revue ainsi." "Le lendemain, elle m'a envoyé un message qui disait: 'Je suis désolée mais parfois, j'en ai assez de cette vie."

Elle confirme par ailleurs que l'accusé entendait effectivement louer un appartement pour pouvoir y travailler deux ou trois jours par semaine et voir Fémi. Il n'avait pas l'intention de quitter Véronique, "d'une part parce qu'il l'aimait, mais aussi parce qu'il aimait Victor, qui était devenu comme son troisième enfant."

"Avec mon papa, nous avons probablement une relation un peu atypique, car il a une propension à se confier à moi de façon assez importante. Je suis au courant de ses ressentis, de ses joies, et réciproquement", poursuit Saphia. "S'il était coupable, je l'aurais soutenu bien sûr, en l'accompagnant dans son incarcération etc., mais je n'aurais pas clamé son innocence comme je l'ai fait. Je suis persuadée qu'il est innocent et de sa sincérité, je connais le contexte. Mon père ne me mentirait pas."

Bernard Wesphael a enlacé sa fille lors d'une interruption d'audience à la suite de ce témoignage.

"Je n'ai jamais vu Bernard s'énerver"

L.S. et M.C., anciens collaborateurs de Bernard Wesphael, ont décrit jeudi devant la cour une personne "pas colérique". "Je ne l'ai jamais vu s'énerver, pourtant Dieu sait si, parfois, il aurait pu", a déclaré le premier. L.S. est devenu est 2004 le collaborateur parlementaire de l'accusé, et l'est resté jusqu'en 2014.

"Il nous arrivait de boire un verre, mais il n'avait pas de problème particulier" avec l'alcool, raconte-t-il. "Nous avions d'excellents rapports, qui n'étaient pas hiérarchiques." Le témoin ajoute que son mariage avec Véronique Pirotton avait été pour lui "une surprise", mais Bernard Wesphael lui parlait peu de sa vie privée.

M.C. a travaillé avec lui pendant 20 ans, mais elle l'a connu avant car il était marié à son amie, Acia I., et le couple avait une petite fille, Saphia. "Ils étaient très amoureux." Lors de leur séparation, après plusieurs années de mariage, "il l'a aidée à partir dans les meilleures conditions possibles. Ils habitaient tout près, il n'y avait pas de problèmes entre eux deux. Encore aujourd'hui, ce sont deux personnes qui ont de bons souvenirs ensemble."

"Je ne l'ai jamais vu se mettre en colère. A la limite, c'est moi qui gueulait et lui qui se taisait!", explique-t-elle encore.

Outre sa fonction de collaboratrice, la témoin était devenue l'amie de l'accusé, "sa confidente". "C'est quelqu'un de gentil, qui faisait facilement confiance." Au sujet de son mariage avec Mme Pirotton, M.C. précise ne pas avoir compris. "Quelqu'un de 55 ans ne se marie pas en deux mois! On savait, par réputation à Liège, qu'elle faisait partie des gens qui avaient des problèmes d'assuétudes, qu'elle était malade." "J'ai eu l'impression que leur mariage a été un marché de dupes. Il donnait l'impression que c'était quelqu'un qui avait les moyens, or c'est faux, ce n'est pas parce qu'on est parlementaire qu'on est riche. Elle pensait qu'il allait financer les travaux de sa maison, qu'ils allaient acheter un appartement de luxe, aller au restaurant,... Mais Bernard ne répond pas à ces critères-là, il n'avait pas l'envergure financière nécessaire. Lui rêvait d'un grand amour, il pensait qu'il avait rencontré la femme idéale, mais ça n'existe pas!"

Elle indique qu'elle ne l'a jamais vu saoul. Parfois, il était joyeux, et à ce moment-là "c'est bien simple, il tourne les talons et il s'en va. Il ne prend même pas sa voiture".

L'avocat général a ensuite interpellé Bernard Wesphael au sujet des quelques fois où il n'avait pas dormi chez Véronique Pirotton alors qu'elle n'allait pas bien. "C'est un peu contradictoire avec ce que vous nous avez raconté au sujet de la mer, que vous ne vouliez pas l'abandonner, non?" "Je suis parti quelques fois c'est vrai, j'avais besoin de souffler. Je retournais chez moi, j'ai été une seule fois à l'hôtel. Je veux dire que j'ai essayé par tous les moyens de l'aider systématiquement à sortir de la situation dans laquelle elle se trouvait. Le nombre de fois où nous n'avons pas passé la soirée ensemble est très limité", a-t-il répondu.

"Ces raccourcis me sont insupportables", a rétorqué Me Mayence. "Victor en est le meilleur témoin. Bernard Wesphael était présent lors de ces crises et il est resté. Il est peut-être parti quelques fois, mais à côté de cela, il était là aussi à d'extrêmes nombreuses reprises dans des situations difficiles. Je ne voudrais pas qu'on fasse des assimilations avec ce qui se passe à Ostende!"

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