Décès de Philippe de Schoutheete, grand diplomate belge et européen

Formé à l’école des Spaak et Harmel, il a été au coeur de la construction européenne.

Ch. Ly.
Décès de Philippe de Schoutheete, grand diplomate belge et européen
©Photo News

L’un des plus fins diplomates de la Belgique et de l’Europe, Philippe de Schoutheete de Tervarent, est décédé jeudi à Bruxelles à l’âge de 84 ans, annonce sa famille. Il venait de publier à l’Académie royale de Belgique un livre didactique sur l’euro, dont il fut un des artisans en négociant pour la Belgique le traité de Maastricht.

Ce Traité entré en vigueur en 1993 allait ouvrir la voie à l’Union économique et monétaire. Philippe de Schoutheete était alors le représentant permanent de la Belgique auprès de l’UE, une position clé qu’il tint entre 1987 et 1997. Au sein du Coreper, le comité des ambassadeurs auprès de l’UE, il devint un doyen très écouté.

L’Allemagne, l’été de 1945

Né à Berlin en 1932, d’un père diplomate et d’une mère française très proche du général De Gaulle, Philippe de Schoutheete a été marqué par la guerre. Ce fut un événement fondateur de sa génération qui vit la construction européenne comme une nécessité vitale pour réparer les erreurs de la société tout entière. "J’ai traversé l’Allemagne en voiture durant l’été 1945", dira-t-il plus tard. "C’est évidemment quelque chose qu’on oublie pas."

Devenu diplomate en 1959, il fut envoyé au Caire pour rétablir les relations avec l’Egypte rompues à la suite de la mort du dirigeant congolais Lumumba. D’importants intérêts étaient en jeu puisque l’Egypte avait saisi de nombreux biens belges, dont les Tramways du Caire, le réseau électrique de la ville, deux grands hôtels et des champs pétroliers. Le jeune diplomate négocia discrètement avec un ami de Nasser pour contourner la colère du Raïs. Il fut ensuite porte-parole de Paul-Henri Spaak et de Pierre Harmel. De là date sa très grande amitié avec Etienne Davignon. Il rédigea le rapport Tindemans sur l’Union européenne en 1975. Il fut à deux reprises posté en Espagne, un pays qu’il affectionnait et où il cofonda la Fondation Carlos De Amberes. On le vit chef de cabinet de Charles-Ferdinand Nothomb, directeur général du ministère des Affaires étrangères, mais c’est son empreinte sur la diplomatie multilatérale qui fut le point marquant de sa carrière.

Un orfèvre du multilatéral

Gentleman aristocrate, l’homme avait un grand sens de l’humour, qui pouvait être cassant si quelque chose lui déplaisait. Mais fin diplomate, il n’avait pas d’égal pour trouver la voie du milieu et le compromis. Ce fut là qu’il excella pour défendre les intérêts de l’Europe. Dans une contribution qu’il rédigea pour "La Libre Belgique" en pleine crise irakienne en 2003, il expliqua les grands principes qui doivent selon lui guider la diplomatie multilatérale : s’exprimer clairement sur ses principes et sa politique, admettre que des désaccords sont inévitables, les surmonter "sans en aucun cas condamner ou vitupérer contre ceux qui les formulent", enfin, être prévisible car "rien ne fait autant de dégâts que l’imprévu". Il termina son article par une phrase prophétique, dont on mesure tout le poids aujourd’hui en Irak et en Syrie: "Le monde d’après Saddam Hussein aura sans doute besoin de beaucoup de diplomatie."

Très actif à la retraite

A la retraite, Philippe de Schoutheete est resté très actif. Il fut conseiller du commissaire Michel Barnier (chargé aujourd’hui de négocier le Brexit au nom de l’exécutif européen), représentant de l’Ordre de Malte auprès de la Commission européenne, professeur à l’UCL et au Collège d’Europe et membre de l’Académie royale. Le roi Albert II l’avait fait Baron en 1993.

Marié et père de deux fils, Philippe de Schoutheete sera enterré mercredi prochain à Bruxelles.

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