Procès Wesphael: "Véronique Pirotton a été tuée", affirme l'avocat général

L'avocat général, Alain Lescrenier, est revenu, dans la deuxième partie de son réquisitoire sur la ligne du temps des événements des 30 et 31 octobre 2013, mais aussi avant, depuis la rencontre entre Véronique Pirotton et Bernard Wesphael.

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Que s'est-il passé dans la chambre 602 de l'hôtel Mondo à Ostende le 31 octobre 2013? L'accusation a posé un choix entre les trois hypothèses que sont le suicide, l'intoxication alcoolo-médicamenteuse et l'homicide. L'avocat général est formel, "Véronique Pirotton a été tuée" et, selon lui, l'intention d'homicide est parfaitement établie dans le chef de Bernard Wesphael, accusé du meurtre de son épouse. Après dix jours de procès, L'avocat général reste convaincu de la culpabilité de Bernard Wesphael et ne croit pas au suicide, ni à l'intoxication alcoolo-médicamenteuse. Certes, le taux d'alcoolémie relevé dans le sang de la victime était élevé (2,99 g/l) mais Alain Lescrenier ajoute que deux médicaments se trouvaient en dose toxique, mais pas en dose létale, dans le sang de la victime.

En toute logique, Alain Lescrenier rejoint les experts en médecine légale et en toxicologie, désignés par le juge d'instruction, qui ont exclu une mort par intoxication alcoolo-médicamenteuse. "Véronique était suivie depuis près de dix ans et cela faisait des années qu'elle combinait alcool et médicaments, elle était une personne tolérante", affirme l'avocat général.

Alain Lescrenier n'occulte pas non plus les trente-cinq zones hématiques relevées par les médecins légistes sur le corps de la victime et soutient que la blessure au dessus du nez ne correspond pas à une chute face contre terre, comme décrite par l'accusé lors de la reconstitution. Il n'oublie pas non plus les lésions internes "qui sont considérables" au niveau de la bouche et "qui résultent d'une compression extrêmement forte". Il se réfère au rapport d'autopsie qui conclut à une mort par étouffement, et à l'autopsie virtuelle "pas encore appliquée en Wallonie" qui renvoie la contre-expertise demandée par la défense au Moyen-Âge.

Il ajoute que la victime était déjà en état d'asystolie quand le réceptionniste et son ami ont débarqué dans la chambre 602 de l'hôtel Mondo. "Vingt-deux blessures ont été mises en évidence au niveau du larynx sans hématomes extérieurs au niveau des joues", constate l'avocat général qui est certain que la mort résulte d'un étouffement avec intervention d'un tiers. "Elle n'a jamais tenu le sac en plastique sur son visage et sa main droite placée en dessous de son corps le prouve", poursuit l'avocat général.

Si le suicide et l'intoxication sont impossibles, il reste la thèse de l'homicide pour l'avocat général, "étayée par plusieurs éléments dont quatorze fibres textiles de l'oreiller, extrêmement volatiles, retrouvées sur le visage de la victime", dit-il. "Cette présence soutient un contact très fort entre l'oreiller et la face de Véronique Pirotton juste avant les faits. En clair, il a probablement utilisé l'oreiller à un moment ou un autre pour étouffer la victime".

Concernant la lésion au foie relevée par les médecins légistes, l'avocat général note que le conseiller technique de la défense s'est trompé sur l'endroit de la lésion en n'étudiant que des photos. "La cage thoracique a été compressée, ce qui implique une lésion au niveau du foie et des poumons".

L'avocat s'est aussi penché sur la trace de fond de teint relevée à vingt centimètres du sol, sur une garde-robe en face de la salle de bains. "Cela veut dire que le corps est passé devant cet armoire, elle ne rampait pas, elle a été traînée vers la salle de bains car le meurtre a eu lieu dans la chambre".

"Véronique Pirotton a été tuée. Volontairement? Oui, quand on utilise de tels moyens, c'était volontaire et ce caractère se déduit du nombre de lésions constatées et du désordre qui régnait dans la chambre. On y trouve toutes les caractéristiques d'une scène de crime, à tout le moins d'une sérieuse bagarre, ce qui correspond à ce que les voisins ont entendu". Selon l'avocat général, Bernard Wesphael a cessé d'être le gentil chien qu'on caresse et il s'est retourné contre son maître.

"L'intention de donner la mort est pour moi évidente", affirme l'avocat général qui a demandé aux jurés de prononcer la culpabilité de Bernard Wesphael pour meurtre. "Combien de temps est-il resté à califourchon sur Mme Pirotton à l'étouffer? Au minimum trois à quatre minutes et il a donc eu le temps de réflechir à ce qu'il faisait. Il a essayé de maquiller l'homicide en suicide en plaquant un sac en plastique sur le visage de Véronique Pirotton."

L'audience a été suspendue et reprendra mercredi matin avec la plaidoirie de la défense.

L'avocat général pointe des mensonges dans le chef de l'accusé

L'avocat général, Alain Lescrenier, est revenu, dans la deuxième partie de son réquisitoire sur la ligne du temps des événements des 30 et 31 octobre 2013, mais aussi avant, depuis la rencontre entre Véronique Pirotton et Bernard Wesphael. "La ligne du temps commence en mai 2012, le jour où Bernard et Véronique se découvrent une passion, à un moment où chacun est libre de toute attache sentimentale", déclare le ministère public."Il s'agit incontestablement d'un coup de foudre. Elle est sans doute conquise par cet homme à l'apparence soignée, avec qui elle a un certain nombre de points d'intérêt en commun. Elle espère avoir trouvé un homme qui va prendre soin d'elle."

"Mais il n'a rien du prince charmant. Le château est hypothéqué et le cheval acheté à crédit. Il est en fin de carrière politique, il échoue deux fois à la présidence, il vend sa maison pour épurer ses dettes,... De son confortable traitement de député, il ne reste pas grand chose pour participer aux frais du ménage", relève Alain Lescrenier.

Véronique Pirotton se rend vite compte qu'elle est confrontée à un "désert culturel", et c'est comme ça qu'elle renoue avec Oswald D. "Bernard Wesphael affirme qu'il a pardonné cette incartade à sa femme. (...) Mais ce que le dossier démontre, c'est qu'il se montre jaloux, qu'il tente d'isoler Véronique de ses amis." L'accusé "souffre manifestement de l'infidélité de Mme Pirotton, il se méfie, et a aussi un autre bon motif de la surveiller: l'alcool. Elle va d'ailleurs se plaindre qu'elle se sent épiée". Selon les dires de Bernard Wesphael, il a eu des doutes sur l'infidélité de son épouse le 16 septembre 2013, jour de sa tentative de suicide. Or, Victor, le fils de la victime, indique lors de son audition que cela fait cinq mois que Bernard Wesphael connaît l'existence d'Oswald D., souligne l'avocat général. "Elle ne cachait pas qu'elle envisageait le divorce. Mais, et c'est peut-être là l'ambigüité de Véronique, elle lui dit quand même qu'il peut la rejoindre à Ostende."

"La relation que Véronique entretient avec les deux hommes de sa vie ne la satisfait plus. Elle a décidé de repartir sur de nouvelles bases et laisse une porte ouverte à son mari, celle de venir à Ostende." Cependant, des différents contacts SMS entre la victime et l'accusé le 30 octobre 2013, Alain Lescrenier retire une chose: ce jour-là, elle part avec l'idée et l'envie d'être seule. "Bernard Wesphael s'impose." Selon le magistrat, le restaurant que la victime réserve sur la digue pour deux personnes n'est pas pour Oswald, qui est à Liège, ni pour l'accusé, mais bien pour le seul homme de sa vie: son fils.

Et puis Bernard Wesphael arrive, la soirée passe, et le lendemain matin, les caméras "permettent de dire qu'ils avaient une attitude d'amoureux". L'accusé indique que ce matin-là, Véronique Pirotton lui a dit qu'elle voulait un enfant de lui. "Qu'elle lui ait demandé faire un enfant, je le crois. C'était dans sa personnalité d'avoir deux faces. Il a cru que les choses allaient s'arranger", commente l'avocat général.

Il aborde ensuite les coups de téléphone de l'amant à l'hôtel, à trois reprises, peu après 15h le 31 octobre. "Il sait parfaitement que Bernard Wesphael est là. Il téléphone parce qu'il ne supporte pas de le voir avec Véronique. Point à la ligne."

Alain Lescrenier pointe par contre un trou dans le programme du couple entre le moment où il quitte l'hôtel Mondo à 15h26 et où on le retrouve sur les caméras de la ville, entrant dans un snack pitta, environ deux heures plus tard. "Que se passe-t-il? Ca, c'est vraiment une question à laquelle l'enquête n'a jamais su répondre." Elle quitte l'hôtel sobre, puis sur les caméras, elle n'a plus une démarche stable. "Comment expliquer aussi les deux grammes de différence dans leur taux d'alcool? C'est énorme!" "Il dit qu'ils ont été dans un bar à Ostende. Mais on a enquêté et personne n'a vu leur trace." "Je ne l'accuse pas de l'avoir fait boire, elle n'avait pas besoin de lui pour ça. Mais ce qu'il nous dit, ça, c'est un de ses mensonges!", martèle Alain Lescrenier.

Le deuxième mensonge pointé est le fait que l'accusé dit qu'il dormait lorsque son épouse est morte. Les témoignages des occupants des chambres 601 et 502 sont en effet "concordants sur l'heure et le contenu de ce qu'ils ont entendu, et ça n'a rien à voir avec ce que Bernard Wesphael nous raconte". Il revient aussi sur cette tache de sang frais constatée par le réceptionniste sur le poignet de l'accusé lorsqu'il vient chercher du secours, vers 22h55. "Le sang, ça se remarque. Il ne faut que quelques minutes pour qu'une écorchure sèche... Cette goutte de sang confirme donc le timing donné par les occupants des chambres 601 et 502."

"Il lui plaque le sachet sur la figure, l'empêche de respirer et elle meurt"

"Examinons l'histoire que je vais vous raconter. Dans mon histoire, les treize points relevés s'expliquent parfaitement", a poursuivi lors de sa plaidoirie Me Moureau, avocat des parties civiles au procès de Bernard Wesphael devant la cour d'assises du Hainaut. Il a décrit, gestes à l'appui, son scénario de l'hypothèse à charge, "peut-être celui qu'une caméra aurait pu filmer". La victime, au moment des faits, est coincée entre plusieurs choses, pointe l'avocat: une crainte à l'égard de Bernard Wesphael, et puis il y a Victor, "qui a, c'est vrai, une bonne relation" avec l'accusé. Il avance toutefois des éléments qui ont fait que finalement, malgré la situation, Véronique Pirotton accepte la venue de Bernard Wepshael à la mer: elle se sent probablement coupable d'avoir repris des relations avec Oswald, "et il y a le côté attachant de Bernard Wesphael". "Quel que soit ce que vous pensiez de cela, c'est nécessairement avec son accord et même son assentiment qu'il va venir à Ostende", déclare Me Moureau. "Et ça se passe bien, on fait un bon repas, on boit mais pas trop. (...) Le lendemain, on les voit au petit-déjeuner, et ça se passe toujours bien."

Après le petit-déjeuner, selon l'accusé, le couple est remonté et dans sa chambre, a eu des rapports sexuels puis a dormi. La victime lui aurait aussi dit qu'elle voulait arrêter la pilule pour avoir un enfant de lui. "Lors de l'autopsie, on n'a pas retrouvé de résidus d'œstrogènes. A mon avis, la pilule, elle ne la prenait pas!", souligne l'avocat. "D'après Bernard Wesphael, ils ont eu des rapports sexuels deux fois entre 10h et 13h. La première fois, il a été jusqu'au bout. La deuxième fois, il a fini sur le tapis, où aucune trace n'a par ailleurs été retrouvée... Est-ce que c'était le bon moyen pour faire un enfant?" s'interroge Me Moureau. Ce dernier reprend aussi les différents SMS et appels passés par l'accusé et la victime lors de ce créneau horaire. "Je ne vois pas l'espace pour faire l'amour deux fois dans ce laps de temps!"

Pour l'avocat, à partir des appels d'Oswald D., "ce faiseur d'embrouilles", à l'hôtel Mondo l'après-midi du 31 octobre, l'ex-député wallon est "vigoureusement fâché". "On ne fait pas ça à Bernard Wesphael!"

Et puis il y a "une période mystérieuse", entre le moment où le couple quitte l'hôtel à 15h26 et la pitta. "Que s'est-il passé, alors qu'il est très fâché?" D'après l'accusé, ils sont allés boire une verre dans un café du centre-ville. "On les reconnaît partout, mais là non! Où sont-ils allés? Il ne nous le dira pas!" Il rappelle que sur les images des caméras de l'hôtel, Véronique Pirotton quitte l'établissement sans tituber. "Mais une heure après, elle est bien entamée! Et qu'on ne vienne pas me dire que les médicaments ont fait monter le degré d'alcool à 3g/l. Non! C'est une donnée scientifique." "Je pense que c'est là que ça se passe", déclare l'avocat à l'attention des jurés, "mais vous n'êtes pas obligés de me croire".

Pour Me Moureau, une fois remontée dans la chambre 602 ce soir-là, Véronique Pirotton n'a qu'une seule envie: dormir. "Elle enlève tous ses vêtements, qu'on retrouve éparpillés, comme quelqu'un qui n'a qu'une seule idée en tête: dodo! Un effet notamment de l'alcool et des médicaments", décrit-il. Elle manque d'ailleurs un appel et un SMS à 21h28. "Et lui, pendant ce temps, pendant qu'elle dort, il rumine ses échecs, (...) il consulte sa boîte à messages... et il va farfouiller dans son sac pour prendre son GSM." "Et là que constate-t-il? Qu'elle a repris contact avec Oswald D. Et ça, voyez-vous, ça va le rendre enragé. On ne fait pas ça à Bernard Wesphael! Et il va la frapper sur le lit, c'est ce que les témoins entendent. Il va tenter de l'étouffer avec un coussin, c'est en tout cas l'explication des fibres et gémissements. Le pull sur le lit: expliqué. La tache de sang: expliquée. Les blessures de défense: expliquées", indique Me Moureau.

"Et elle, elle hurle. Puis elle s'échappe du lit à quatre pattes, mais pour aller où? Soit il la traîne dans la salle de bains avec une idée derrière la tête. Comment ça se termine? Avec un choc brutal, que les voisins décrivent aux alentours de 23h00: c'est Véronique qui tombe sur le dos dans la salle de bains avec Bernard Wesphael sur elle, utilisant son bras pour maintenir la tête de la victime", ajoute Me Moureau, gestes à l'appui. "Il la tient par terre avec un genou dans le foie et, avec la main droite, il lui plaque le sachet en plastique sur la figure et il l'empêche de respirer. Et elle meurt de cette épouvantable façon. Parce que mourir étouffé, ça doit être atroce."

Véronique Pirotton était "une petite souris coincée entre deux matous"

La victime était "une petite souris coincée entre deux matous, dont l'un l'a détruite et l'autre l'a tuée", a décrit Me Moureau lors de sa plaidoirie mardi, faisant allusion à Oswald D., l'amant de Véronique Pirotton, et à Bernard Wesphael. "Le moment clé de ce dossier, quel que soit ce qui s'est passé avant, est le moment où il se rend compte que Véronique est morte", a souligné Me Moureau après avoir exposé plus tôt son scénario des faits. "Parce qu'à ce moment-là, son esprit fonctionne. Il pourrait dire que c'est une bagarre qui a mal tourné, qu'elle l'a attaqué. (...) Mais il ne fait pas ça. Il va prendre le temps de réfléchir."

"Il n'y a pas eu un gros complot flamand pour couler le pauvre député wallon emprisonné à Bruges", ajoute-t-il. "Les enquêteurs ont fait leur travail et ils ont respecté la présomption d'innocence de l'accusé. Il se sont penchés sur l'hypothèse du suicide. (...) On va quand même aller voir dans les siphons de douche et de l'évier, pour voir si elle n'a pas vomi des cachets. (...) Vous voyez bien que l'enquête n'est pas que à charge! "

"Comment se fait-il que Bernard Wesphael continue à nier? C'est impressionnant! ", s'étonne le conseil des parties civiles. "Parce qu'il n'y trouve que des avantages! Comme tous les accusés qui nient, il espère échapper à la juste sanction qui sera réclamée par l'avocat général. Deuxième raison: ne pas devoir être confronté moralement lui-même à cet acte qui ne fait pas partie de ses valeurs."

Troisième raison: "comme tous les accusés qui nient, il se dispense de devoir vous expliquer, à vous jury, comment il l'a fait et pourquoi il l'a fait. Et puis, il a juré dans les yeux de sa fille et de son meilleur ami. (...) Tout ce soutien, il le perdrait s'il avouait." "Il perdrait aussi le droit à l'usufruit de sa maison, c'est la loi. Alors ce n'est probablement pas le mobile, mais ça fait une cinquième bonne raison de ne pas avouer. Ne pas avouer, c'est un excellent calcul politique qui ne lui procure que des avantages! Il a décidé délibérément, quel que soit le mal que ça peut faire à Victor, et aux parties civiles, de poursuivre dans sa négation."

L'avocat a conclu sa plaidoirie sur la personnalité de Véronique Pirotton. "Qui était cette femme sur laquelle des personnes sont venues déverser des torrents de boue? " "C'était une femme fragile, devenue un enjeu entre deux hommes aussi manipulateurs que menteurs, entre deux hommes qui la veulent. Avec Oswald, qui se faisait une gloire de piquer la femme d'un député qu'il vomissait, et l'autre, à bout de souffle financier, imbu de lui-même, qui veut se la garder pour lui tout seul: 'si elle ne m'appartient plus, elle n'appartiendra à personne'. C'était une petite souris coincée entre deux matous, dont l'un l'a détruite et l'autre l'a tuée."

"Quel gâchis, mesdames et messieurs. Une femme si belle, si pleine de vie, qui ne pensait qu'à l'avenir. Ne restera, après ce procès, que le malheur des familles. Et je dis le malheur de Saphia, mais aussi celui de Victor. S'il est acquitté, Saphia ira fêter sa libération avec lui. S'il est condamné, elle retournera le voir en prison. Victor lui, quel que soit le verdict, n'a plus qu'un choix: c'est d'aller voir sa maman au cimetière."

"Je pense au malheur de monsieur Sohet, au manque de tante Lisette. Ce qui me touche probablement le plus, c'est le malheur de Nadine, sa soeur. Quelques jours avant ce procès, j'ai perdu ma jeune soeur", a poursuivi non sans émotion l'avocat. "Je sais ce qu'elle ressent et qu'elle va ressentir encore longtemps. Mais il y a quelque chose de plus fort que ce malheur: c'est la vérité. Votre vérité. Celle que vous devez à Victor. Nous vous faisons confiance."

L'audience reprendra à 13h30 avec le réquisitoire du ministère public, Alain Lescrenier.

Pour l'avocat de la famille Pirotton, "Wesphael est un homme politique qui se défend comme un homme politique"

Avocat de la famille Pirotton, partie civile au procès de Bernard Wesphael devant la cour d'assises du Hainaut, Me Philippe Moureau ne croit pas un instant en l'innocence de l'ancien parlementaire accusé du meurtre de son épouse. Me Moureau regrette que l'accusé s'est défendu comme un homme politique en usant de tous les outils, médiatiques ou autres, dont dispose un homme politique. Me Philippe Moureau a débuté mardi matin sa plaidoirie sur ces mots: "nous ne sommes pas venus à Mons pour voir condamner un innocent. Cela serait totalement insupportable pour un avocat et sans intérêt pour les parties civiles. Nous sommes venus chercher la vérité, pas celle des médias, ni celle de Bernard Wesphael, mais LA vérité". L'avocat avoue que s'il avait le moindre doute sur l'innocence de Bernard Wesphael, il laisserait l'avocat général avec son réquisitoire et il irait se rasseoir.

"Monsieur Wesphael est un homme politique qui se défend comme un homme politique. Il ne dit pas la vérité mais il communique sa vérité. Il a des réseaux. Ce n'est pas moi qui pourrais appeler en pleine nuit la présidente du Sénat, des professionnels qui soignent son image dans les médias, des réseaux fraternels, mais je ne m'attarderai pas là-dessus", poursuit l'avocat.

Me Moureau ajoute qu'un homme politique doit avoir le contrôle de lui-même, "ce que nous avons pu voir durant ces audiences", et être capable d'éclipser certaines choses. "C'est Charles Pasqua qui disait que lorsque vous êtes emmerdé dans une affaire judiciaire, il faut inventer une affaire dans l'affaire, et puis une autre affaire dans cette affaire. C'est ce que Bernard Wesphael a fait. Je regrette que durant ces trois semaines de débats, on n'ait pas vu l'homme mais uniquement l'homme politique."

Me Smessaert justifie la thèse de l'homicide en 13 points

Me Smessaert, avocat néerlandophone des parties civiles, a livré sa plaidoiri. Selon lui, 13 points montrent qu'il "n'y a pas d'autre solution" que l'homicide. L'avocat, qui participe à sa première cour d'assises, a demandé aux jurés de regarder "l'ensemble du tableau". Le premier point soulevé par Me Smessaert est le rapport d'autopsie. "Trente-cinq zones hématiques, c'est énormissime", a-t-il souligné. "Le foie déchiré, la forme de huit dents imprimée sur le haut des lèvres supérieures, des hémorragies, etc. Soyons clairs: ces éléments ne s'expliquent pas dans la version de monsieur Wesphael! Les légistes, à 100% indépendants, sont hyper formels là-dessus et ils n'ont aucun intérêt à mentir."

Vient ensuite le rapport de l'Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC). "Les résultats de l'analyse des fibres soutiennent très fortement l'hypothèse que le visage de la victime a eu, peu avant sa mort, un contact intense avec l'oreiller gauche", or, cet oreiller ne se trouvait pas dans la salle de bains. "Si vous mettez la trace de dents en lien avec cette analyse de l'oreiller, je pense que ça devient un peu plus clair, si c'était encore nécessaire", déclare l'avocat.

Troisième élément: la trace de fond de teint retrouvée sur l'armoire à l'entrée de la chambre, à 20 cm du sol, "alors qu'ils ne se sont jamais trouvés là", selon la version de l'accusé. "Je n'ai pas de réponse, et l'accusé non plus."

De plus, d'après le réceptionniste de l'hôtel Mondo, le bras droit de la victime se trouvait sous son corps. "Si on met cela en lien avec le rapport d'autopsie, cela montre qu'un suicide est impossible. Déjà avec un sachet en plastique, c'est impossible. Soyons francs. Mais en plus, ses mains ne se trouvaient pas près de son visage." Le foie déchiré peut par ailleurs s'expliquer, pour les conseils de la partie civile, par "un genou qui a été mis dans cette zone, avec le bras de la victime sous son corps pour qu'elle ne puisse pas se défendre".

Le cinquième point mis en avant par Me Smessaert est le sac en plastique, retrouvé dans la salle de bains. D'après l'accusé, il se trouvait sur le visage de Véronique Pirotton lorsqu'elle est morte. "Ce sachet est plein de maquillage. C'est peut-être encore mon esprit de synthèse flamand, mais je ne pense pas que ça nécessite beaucoup d'explications..."

"L'accusé avait aussi des blessures sur les mains", poursuit-il. D'après les experts, une telle plaie saigne durant cinq minutes. "Comment expliquer alors que les mains de monsieur Wesphael saignent encore quand il est dans l'ascenseur?" Véronique Pirotton portait également des traces de défense sur ses mains, que la version de l'accusé "n'explique pas".

Me Smessaert aborde encore la trace de sang retrouvée sur le lit, "endroit où a été retrouvé l'oreiller qui a été utilisé pour... vous pourrez compléter". Ce sang est un mélange de celui de Bernard Wesphael et de la victime, qui n'était pourtant pas avec lui dans le lit.

Les neuvième et dixième points sont les témoignages des occupants des chambres 502 et 601. On parle de "choses lourdes qui tombent au sol, de choses violentes". "La vérité sort de la bouche des enfants", pointe l'avocat. "Or, rappelez-vous ce que les enfants du couple d'Anglais ont dit: 'le monsieur à côté a l'air très fâché'. Le monsieur donc, pas la madame. Alors que selon les dires de l'accusé, il dormait." Les bruits entendus depuis la chambre 601 étaient "très agressifs" et il y avait des "gémissements". "Ont-il entendu comment elle a été étouffée?"

Le témoignage de l'amie du réceptionniste s'ajoute également à la liste. Elle a vu dans le bar le couple se disputer. "Elle a senti que la tension montait."

Avant-dernier élément: les coups dans le lit. "Comment sont-ils arrivés là? On ne sait pas... Mais cela démontre qu'il y a eu une bagarre", ce que nie l'accusé.

Enfin, le pull de Véronique Pirotton se trouvait dans le lit de la chambre. "C'est bizarre, pour quelqu'un qui n'est pas dans le lit." "Est-ce que la bagarre a commencé dans le lit et s'est poursuivie jusque dans la salle de bains? Poser la question, c'est y répondre."

"On voit à présent le tableau final: c'est un homicide", avance Me Smessaert. "Il ne s'agit clairement pas de suicide. Même la défense ne vise plus trop le suicide. On ne le fait pas en présence d'un tiers! On prend des dizaines de comprimés. (...) Plein de lésions ne sont pas expliquées non plus par la thèse du suicide." "La thèse d'un accident est possible, mais elle est ici exclue, car comment expliquer les fibres sur le visage, le foie déchiré, le sachet en plastique?"

"Même si la partie adverse va se concentrer sur un fragment du tableau, et vous allez peut-être douter, je vous demande de regarder l'ensemble. Il y a suffisamment de liens entre les éléments." "C'était ma première cour d'assises. Ce qui m'a frappé le plus, c'est le temps qu'on a passé sur certains éléments. Mais le temps passé sur certains points n'est pas proportionnel à leur importance", insiste le conseil de la famille de la victime.

"Peu importe ce que vous retenez le plus de Véronique. La question c'est: est-ce qu'elle a mérité de mourir d'une telle façon? (...) Je ne pense pas qu'elle ait mérité de ne pas voir grandir son fils et qu'elle ait mérité de mourir de cette façon. Je ne pense pas qu'elle ait mérité, monsieur Wesphael, d'être étouffée, parce que c'est ça", a conclu Me Smessaert.

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