Procès Wesphael: comprendre en 9 points les arguments des différentes parties
Ce jeudi, les 12 membres du jury de la cour d'assises de Mons doivent se prononcer sur la culpabilité de Bernard Wesphael accusé du meurtre de son épouse, Véronique Pirotton, dans la chambre 602 de l'hôtel Mondo à Ostende le 31 octobre 2013. Avant le verdict, LaLibre.be a compilé les arguments des avocats de l'accusé, de la partie civile et de ceux de l'avocat général.
Publié le 06-10-2016 à 15h48 - Mis à jour le 06-10-2016 à 17h57
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Le jury d’assises a tranché: Bernard Wesphael n’a pas tué son épouse Véronique Pirotton. Le verdict a été lu en audience publique devant la cour d'assises du Hainaut à 16h35.
Avant le verdict, LaLibre.be avait compilé les arguments des avocats de l'accusé (Me Bauwens), de la partie civile (Me Smessaert) et de ceux de l'avocat général (Alain Lescrenier).
Véronique Pirotton étouffée par un coussin?
Les blessures de Véronique Pirotton. Le premier point soulevé par Me Smessaert, l'avocat des parties civiles lors de sa plaidoirie était le rapport d'autopsie qui parle de trente-cinq zones hématiques sur le corps de Véronique Pirotton. "C'est énormissime", a-t-il expliqué. "Le foie déchiré, la forme de huit dents imprimée sur le haut des lèvres supérieures, des hémorragies, etc. Soyons clairs: ces éléments ne s'expliquent pas dans la version de monsieur Wesphael! Les légistes, à 100% indépendants, sont hyper formels là-dessus et ils n'ont aucun intérêt à mentir."
Un argument relevé également par l'avocat général Alain Lescrenier lors de son réquisitoire qui soutient que la blessure au-dessus du nez ne correspond pas à une chute face contre terre, comme décrite par l'accusé lors de la reconstitution. Il n'oublie pas non plus les lésions internes "qui sont considérables" au niveau de la bouche et "qui résultent d'une compression extrêmement forte".
Une lutte sur le lit? "L'accusé avait des blessures sur les mains", explique Me Smessaert, avocat des parties civiles. D'après les experts, une telle plaie saigne durant cinq minutes. "Comment expliquer alors que les mains de monsieur Wesphael saignent encore quand il est dans l'ascenseur (NdlR : après être descendu à la réception) ?" Véronique Pirotton portait également des traces de défense sur ses mains, que la version de l'accusé "n'explique pas".
Me Smessaert a quant à lui évoqué des coups dans le lit de la chambre. "Comment sont-ils arrivés là? On ne sait pas... Mais cela démontre qu'il y a eu une bagarre" , ce que nie l'accusé. "Ca n'explique rien! Ca n'explique pas les blessures de Véronique Pirotton. Quelqu'un qui est étouffé, il se débat! Pourquoi n'y a t-il pas d'autres lésions chez monsieur Wesphael, à part une égratignure?", s'est défendu Me Bauwens l'avocat de Bernard Wesphael.
L'avocat général et celui des parties civiles sont convaincus que Bernard Wesphael a étouffé Véronique Pirotton avec l'oreiller. Pour Me Bauwens, sa forme rebondie est incompatible avec celle d’un oreiller qui viendrait d’être appliqué sur la tête de quelqu’un. De même, les blessures à la tête ne peuvent avoir été causées sur un matelas.

Le désordre dans la chambre. Alain Lescrenier, l'avocat général, avait parlé du désordre retrouvé dans la chambre. "Véronique Pirotton a été tuée. Volontairement? Oui, quand on utilise de tels moyens, c'était volontaire et ce caractère se déduit du nombre de lésions constatées et du désordre qui régnait dans la chambre. On y trouve toutes les caractéristiques d'une scène de crime, à tout le moins d'une sérieuse bagarre, ce qui correspond à ce que les voisins ont entendu."
Pour la défense, cela ne prouve rien. "À ce moment-là, si on prend des photos dans ma chambre d’hôtel, on parle d’une scène de guerre" , ironise l’avocat de Bernard Wesphael. "Le seul désordre que j'ai vu, c'est dans la salle de bain."
L’étouffement par l’oreiller. L'Institut National de Criminalistique et de Criminologie (INCC) a démontré que l’oreiller gauche avait été appliqué de manière forte et prolongée sur le visage de Véronique Pirotton. Pour l'avocat général, "cette présence soutient un contact très fort entre l'oreiller et la face de Véronique Pirotton juste avant les faits. En clair, il a probablement utilisé l'oreiller à un moment ou un autre pour étouffer la victime".
"Si vous mettez la trace de dents en lien avec cette analyse de l'oreiller, je pense que ça devient un peu plus clair, si c'était encore nécessaire", a déclaré Me Smessaert qui évoque aussi une trace de sang de Bernard Wesphael et Véronique Pirotton retrouvée sur le lit.
Pour la défense, le nombre de fibres d'oreiller trouvées sur la langue et dans la gorge de Véronique Pirotton est insuffisant pour prouver qu’il est la cause de la mort.
Le conseil de l'accusé mentionne aussi les empreintes dentaires, mimées mardi par l'avocat général et Me Moureau, pour qui ces marques résultent de l'étouffement. Sauf que ces empreintes, précise Me Bauwens, ne se retrouvent pas sur l'intérieur des lèvres, mais à l'intérieur des joues, vers le fond de la bouche.

Véronique Pirotton traînée jusqu'à la salle de bain ?
Le tapis. C’était la thèse déployée par l’accusation : Bernard Wesphael aurait traîné Véronique Pirotton jusqu'à la salle de bain après l'avoir étranglée. "Le tapis a été vérifié. Quand on traîne un corps sur un tapis, ça doit laisser des traces et on n’en a aucune" , a critiqué Me Tom Bauwens.
La trace de fond de teint. L'avocat général a évoqué la trace de fond de teint relevée à vingt centimètres du sol, sur une garde-robe en face de la salle de bain. "Cela veut dire que le corps est passé devant cette armoire, elle ne rampait pas, elle a été traînée vers la salle de bain car le meurtre a eu lieu dans la chambre". Pour la défense, on aurait alors dû avoir un hématome sur le visage mais il n’en est rien.
Pas de fibres textiles de la victime sur les vêtements de l’auteur. Me Bauwens est revenu sur l'analyse des fibres réalisée par les experts de l'INCC. "Pour une strangulation ou un étouffement, le mode de fonctionnement est le même: on se rapproche de la victime, et il y a clairement parfois un transfert primaire de fibres de l'auteur vers la victime." La chemise blanche de l'accusé et le t-shirt noir de la victime ont été analysés et rien n'a été retrouvé. "Qu'on me l'explique hein! Qu'on me montre la pièce du dossier alors!"

Le crime camouflé en suicide ?
Le sac plastique. Les premières constatations réalisées par les policiers dans la chambre 602 de l'hôtel Mondo montrent que le sac en plastique se trouvait à côté de la tête de la victime dans la salle de bain. D'après l'accusé, il se trouvait sur le visage de Véronique Pirotton lorsqu'elle est morte. "Dans les deux hypothèses, le coussin vient avant le sachet. Comment se fait-il que l'on retrouve des fibres issues de la taie de l'oreiller gauche de la chambre sur le visage de la victime, mais pas sur le sachet?"
"Elle n'a jamais tenu le sac en plastique sur son visage et sa main droite placée en dessous de son corps le prouve" , a expliqué l'avocat général. Bernard Wesphael "a essayé de maquiller l'homicide en suicide en plaquant un sac en plastique sur le visage de Véronique Pirotton."
L'alcoolémie et les médicaments. L'avocat général reste convaincu de la culpabilité de Bernard Wesphael et ne croit pas au suicide, ni à l'intoxication alcoolo-médicamenteuse. Selon lui, l'alcoolémie relevée dans le sang de la victime était élevée (2,99 g/l) mais Alain Lescrenier ajoute que deux médicaments se trouvaient en dose toxique, mais pas en dose létale, dans le sang de la victime. "Véronique était suivie depuis près de dix ans et cela faisait des années qu'elle combinait alcool et médicaments, elle était une personne tolérante", affirme l'avocat général.
Les avocats de Bernard Wesphael, avaient quant à eux révélé les conclusions d'une contre-expertise du médecin qu'ils avaient sollicité. Pour eux, la cause la plus probable du décès serait une intoxication due au mélange d'alcool et de médicaments.