Le procès Wesphael a mis en lumière une série de "couacs" plus que navrants
La justice sort à la fois grandie et meurtrie de l’affaire Wesphael. Éclairage.
Publié le 07-10-2016 à 18h27 - Mis à jour le 07-10-2016 à 18h29
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Le procès de Bernard Wesphael, accusé du meurtre de sa femme, Véronique Pirotton, dans une chambre d’hôtel, à Ostende, le 31 octobre 2013, a livré, jeudi, devant la cour d’assises du Hainaut, à Mons, le verdict que l’on sait. Acquittement au bénéfice du doute.
La justice sort de toute cette affaire à la fois grandie et meurtrie. Grandie, car la session d’assises s’est déroulée de façon exemplaire. Meurtrie, car les débats ont mis en lumière toute une série de manquements. On ne peut, en effet, s’enlever de la tête l’idée que plusieurs couacs ont émaillé les presque trois années qui séparent la date du drame et celle de l’arrêt de la cour.
1 L’instruction et l’enquête. Les débats ont montré qu’elles n’avaient vraiment pas été un modèle de qualité. Pour Bernard Wesphael et son conseil, Me Mayence, la juge d’instruction Christine Pottiez a instruit uniquement à charge de Bernard Wesphael. Certains sont allés jusqu’à prétendre que les justices brugeoise et gantoise étaient trop contentes de "se faire" un homme politique wallon. Tout cela paraît très exagéré et est même injurieux pour la justice flamande. Quand Me Mayence prétend que les enquêteurs se sont contentés de suivre la piste la plus évidente dès lors qu’ils avaient Bernard Wesphael sous la main, il approche peut-être davantage de la vérité.
Quoi qu’il en soit, il faut constater que la première qualification, l’assassinat, s’est au fil du temps muée en prévention de meurtre et que cette thèse n’a pas résisté aux débats d’assises même si l’acquittement a été obtenu au bénéfice du doute. A l’audience, le côté quelque peu "léger" de l’enquête a été souligné par la défense mais aussi par l’avocat général, ce qui en dit long sur les failles du dossier.
2 Le flagrant délit. Cette notion a été retenue par la juge d’instruction pour justifier de la mise sous mandat d’arrêt de M. Wesphael sans qu’il ait été demandé la levée de son immunité parlementaire. La thèse a été vivement contestée par les plus fins juristes (mais soutenue par d’autres fines lames). Les commissions des poursuites des Parlements wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’ont pas voulu remettre en cause la façon dont la justice a agi en l’occurrence. Cela restait encore, jeudi soir, en travers de la gorge de Me Mayence et l’issue du procès semble démontrer qu’il y avait au moins matière à discuter.
3 La détention préventive. Elle a duré dix mois et pour beaucoup, elle ne se justifiait pas. On ne peut toutefois se mettre à la place de la chambre du conseil de Bruges et de la chambre des mises en accusation de Gand mais force est de constater qu’une fois libéré, M. Wesphael a respecté toutes les conditions (d’ailleurs abandonnées en cours de route) liées à sa libération. Son acquittement pose la question de la détention inopérante (voir page 5).
4 Le report du procès. Beaucoup, à juste titre, ont regretté que le procès n’ait pu se tenir, comme initialement prévu, en février 2016 en raison de défauts grossiers dans la traduction des pièces du dossier. A cette occasion, la réputation de la justice en a pris un coup. Il faut dire que certaines erreurs défiaient l’entendement. Exemple: dans une récente chronique dans "La Libre" (4/10), le juge d’instruction Michel Claise relevait qu’un témoin avait déclaré, en français, que Véronique Pirotton était une bonne épouse ce qui est devenu, in fine, "bonne femme de ménage". Tout cela fait plutôt désordre.
5 Les expertises. Le moins que l’on puisse dire c’est que les conclusions des rapports des différentes expertises psychiatriques et toxicologiques étaient contradictoires. L’auteur du premier rapport psychiatrique, demandé par le parquet de Bruges, a, par exemple, donné le spectacle plutôt pitoyable d’un spécialiste concluant au fait que Bernard Wesphael était un menteur sur la base de...la lecture d’articles de magazine. Cela a reposé, pour la énième fois, la question de la fiabilité de telles expertises.
6 Les témoignages. L’un d’eux a fait scandale, celui de l’amant de Véronique Pirotton, dont le rôle, très ambigu, n’a cessé de planer sur ce procès. Il n’était pas dans la chambre 602 le soir du drame mais son passage devant la cour d’assises a donné lieu à une sainte colère du président Morandini. On ne voudrait pas aujourd’hui être à la place d’Oswald dont le comportement ne fut sans doute pas étranger à la dérive, établie celle-là, du couple Wesphael-Pirotton.
7 La médiatisation. La manière dont certains médias ont suivi l’affaire Wesphael ne grandit pas la presse. Titres choc, choix d’un camp, parti pris, prestations ahurissantes sur certains plateaux de télé, on aura tout vu et tout lu au cours des mois qui ont précédé le procès et pendant le cours de celui-ci. Cela a provoqué "l’écœurement" de l’avocat de M. Wesphael, Me Jean-Philippe Mayence, et incité le président de la cour d’assises, Philippe Morandini, à mettre en garde les jurés contre une possible instrumentalisation par les médias.
Quoi qu’il en soit le gâchis est énorme. Une jeune femme est morte, elle laisse un adolescent orphelin et un homme, aujourd’hui blanchi, a vécu l’enfer. Lourd bilan.