Droits de succession: un accord entre Régions et fédéral attendu ce jeudi
Publié le 15-11-2016 à 09h22 - Mis à jour le 15-11-2016 à 10h21
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/GKMDIURMPBGXFCFD64BWFPS4GM.jpg)
Samedi, "L’Echo" annonçait que la Wallonie allait mettre en place sa propre amnistie fiscale (voir ci-contre). Une amnistie qui doit porter sur les droits de succession éludés ces dernières années par des contribuables "indélicats". Renseignements pris auprès du ministre wallon du budget, Christophe Lacroix (PS), cette "DLU" wallonne est, en fait, négociée avec le gouvernement fédéral et les autres Régions. "Des réunions techniques ont lieu toutes les semaines depuis plusieurs mois et la volonté est d’aller vite", précise la porte-parole du ministre wallon.
Après avoir croisé le fer avec le gouvernement fédéral qui avait annoncé son intention de mettre en place une quatrième DLU, le gouvernement wallon a finalement décidé de collaborer. D’autant qu’en Flandre, une décision identique a été prise et qu’un accord est intervenu avec le Fédéral. Les Wallons reprochaient au fédéral de viser notamment les droits de succession qui sont une compétence régionale. Le gouvernement de Charles Michel avait quand même décidé d’avancer, laissant de côté l’épineuse question des droits de succession qui semble désormais en passe d’être réglée.
Mais le débat entre Région et fédéral n’est pas simple. Plusieurs questions restent à trancher. Comme par exemple, les taux d’imposition - plus favorables qu’une amende - qui seront réclamés aux contribuables ayant décidé de régulariser des revenus jusque-là non déclarés. Ou la clé de répartition du produit des régularisations entre le fédéral et les entités fédérées, pour ce qui concerne, notamment les affaires vieilles de plus de dix ans (lire plus loin).
Un troisième aspect ennuie les Wallons : la durée d’application de cette DLU. "Pour nous , explique encore la porte-parole du ministre Lacroix , elle doit être limitée dans le temps. Elle ne peut en aucun cas être permanente."
Limitée dans le temps
Il restera ensuite à présenter au gouvernement wallon, les coûts et recettes de ce nouveau dispositif pour une acceptation définitive au Sud du pays.
Précisons encore que la volonté wallonne est d’aller un peu plus loin en l’étendant aux droits d’enregistrement. Mais sur cette question, il semble que nous en sommes encore au stade de l’idée générale.
En région bruxelloise également, la volonté est d’aller vers un dispositif de régularisation pour l’ensemble des impôts régionaux, confirme, sans donner de détails, le cabinet de Guy Vanhengel (Open VLD), ministre bruxellois des Finances. "Cela ne doit pas se limiter aux droits de succession mais doit concerner également, et au minimum, les droits d’enregistrement et les donations", ajoute-t-il toutefois. Le cabinet rappelle au passage, que la dépendance du budget bruxellois aux droits de succession et aux droits d’enregistrement est particulièrement importante.
Un texte global
"Nous travaillons à un texte global en concertation avec le fédéral et les autres Régions", poursuit la porte-parole du ministre Vanhengel. Une réunion technique est prévue jeudi, avant une concertation entre les ministres régionaux et fédéral des Finances. Objectif : un texte définitif et une entrée en vigueur au premier trimestre 2017.
Renseignements pris, aucune note à ce sujet n’a encore atterri sur la table du gouvernement bruxellois. Et le ministre-président, Rudi Vervoort (PS), n’a pas répondu aux demandes d’information de "La Libre".
Toutefois, il apparaît déjà qu’un arbitrage politique sera nécessaire en vue de répartir les éventuelles recettes de ces opérations de régularisation. Johan Van Overtveldt (N-VA), ministre fédéral des Finances, confirme. "Les accords de coopération (entre Régions et fédéral, NdlR) doivent régler légalement la question de la répartition des recettes liées aux dossiers mixtes, explique son cabinet dans un mail envoyé à "La Libre". Il s’agit de dossiers où il n’est plus possible d’établir une répartition entre l’impôt régional et l’impôt fédéral compte tenu du fait que la succession remonte à plus de 10 ans et que les banques ne gardent leurs pièces que pendant 10 ans…"
Le gouvernement fédéral se garde bien, à ce stade, de livrer le moindre taux d’imposition, ou le moindre rendement budgétaire escompté via les futures DLU régionales.
Les successions, le gros morceau des dossiers de régularisation
Voici comment fonctionne la quatrième campagne de régularisation fiscale.
1 - Qu’est-ce que la DLU-4 ? La quatrième opération de régularisation fiscale est entrée en vigueur le 1er août 2016. Elle permet aux contribuables ayant éludé divers impôts de se mettre à l’abri du fisc et d’éventuelles poursuites judiciaires. Pour ce faire, ils doivent s’acquitter de l’impôt normalement dû augmenté d’une amende.
2 - Qui peut participer ? Les particuliers comme les entreprises peuvent rentrer un dossier au Point de contact régularisations (PCR) de l’administration fiscale. Une régularisation est théoriquement impossible si le fisc ou une instance judiciaire a déjà ouvert une enquête au moment du dépôt du dossier. En revanche, il est possible de participer à la DLU-4 (une seule fois) si on a déjà participé à l’une des trois précédentes amnisties fiscales.
3 - Quelles sont les règles ? La procédure diffère en fonction du fait que le capital régularisé est prescrit ou non. Si le capital à régulariser est encore enrôlable par le fisc (donc non prescrit), le contribuable doit payer l’impôt normalement dû augmenté d’une amende de 20 % (à partir de 2017, ce sera 22 %). Si le capital à régulariser est hors de portée du fisc (donc prescrit), un prélèvement de 36 % (à partir de 2017, ce sera 37 %) est opéré sur le montant ayant échappé à l’impôt. Le délai de prescription est de sept ans pour la plupart des revenus (travail, intérêts, dividendes…) et de dix ans pour les successions. Rappelons que la prescription vis-à-vis de l’administration fiscale n’empêche pas des poursuites judiciaires. Et contrairement aux trois précédentes opérations d’amnistie fiscale, il est cette fois impossible de régulariser partiellement sa situation (par exemple, uniquement le capital non prescrit).
4 - Pourquoi les successions sont-elles exclues ? Les droits de succession étant un impôt régional, l’accord des Régions est nécessaire pour que le fédéral les incorpore dans la DLU-4. Si la Flandre est facilement parvenue à un accord avec le fédéral, ce n’est encore le cas ni de Bruxelles ni de la Wallonie. Ce blocage pose des problèmes concrets rendant quasiment impossible d’atteindre le rendement de 250 millions d’euros inscrit au budget fédéral. En effet, un contribuable ayant omis de déclarer l’héritage d’un compte luxembourgeois ou suisse ne peut pas se mettre en ordre. Prenons le cas d’un Belge ayant hérité d’1 million d’euros qui génèrent chaque année 40 000 euros d’intérêts. Le fédéral devrait pouvoir bénéficier d’une éventuelle opération de régularisation sur les intérêts générés par cet héritage (c’est une compétence fédérale). Mais comme la DLU-4 exige que les dossiers de régularisation soient complets, il faudrait aussi régulariser la succession non déclarée (compétence régionale). ce qui est impossible tant qu’il n’y a pas d’accord avec les Régions.
"Le contribuable est coincé"
"Selon mon expérience, plus de 2/3 des dossiers de régularisation fiscale concernent des successions non déclarées, témoigne Denis-Emmanuel Philippe, avocat (Bloom Law) et professeur de droit fiscal à l’Ulg. Les contribuables concernés sont coincés aussi longtemps qu’un accord de coopération n’aura pas été conclu entre la Région wallonne et l’Etat fédéral. D’ici septembre 2017, le fisc belge commencera à recevoir des informations sur les comptes financiers (comptes bancaires, produits d’assurance, parts de Sicav…) que des Belges détiennent au Luxembourg. Il pourra donc demander des renseignements sur l’origine du capital, notamment à propos du paiement des droits de succession". On comprend pourquoi l’exclusion des droits de succession de la DLU-4 pourrait plomber son rendement. D’un autre côté, les contrôleurs du fisc disposeront l’an prochain de nouvelles armes pour traquer la fraude. Pour autant que l’administration fiscale ait suffisamment de moyens, la lutte contre la fraude pourrait contrebalancer le rendement faiblard de la DLU-4.