Cinq cents dossiers en 2016 pour discriminations liées au handicap

An.H.
Cinq cents dossiers en 2016 pour discriminations liées au handicap
©michel petillo

Soit une hausse de 40 %, selon le Centre interfédéral pour l’égalité des chances. Une société inclusive ? La Belgique en est encore loin… En 2016, le nombre de dossiers ouverts par Unia pour discriminations liées au handicap est en forte hausse : on devrait dépasser les 500 dossiers, soit une augmentation de 40 % en un an. Dans le top 3 des motifs : l’accessibilité aux biens et services; l’emploi et l’enseignement.

Mobilité en rade

Prenons la mobilité, qui conditionne les autres accessibilités. Si on ne peut pas se déplacer, difficile de se rendre à l’école, au travail, au cinéma… Sur un total de 546 gares et points d’arrêt non gardés, seuls 24 étaient intégralement accessibles, selon le dernier décompte effectué en 2012.

Le métro bruxellois est un peu mieux loti : 41 des 69 stations étaient équipées d’ascenseurs pour les personnes à mobilité réduite en avril 2016. "Mais au moment du ‘lockdown’ de Bruxelles, en novembre 2015 après les attentats de Paris, quand on a réduit le nombre de bouches ouvertes pour raisons de sécurité, on n’a pas pensé à réserver des entrées accessibles aux personnes à mobilité réduite" , épingle Patrick Chalier, directeur d’Unia. Penser systématiquement la mobilité pour tous, ce n’est pas encore un réflexe.

Unia demande un plan d’action

La mobilité n’est pas le seul secteur qui pose problème aux personnes avec un handicap. Selon un audit réalisé par le département des infrastructures de la Fédération Wallonie-Bruxelles, un bâtiment scolaire sur dix seulement est accessible ou facilement aménageable.

Autre exemple : Internet. Seuls 15 % des sites belges sont considérés comme "anysurfer". c’est-à-dire qu’ils sont, par exemple, conçus pour basculer vers des explications vocales pour les personnes aveugles ou malvoyantes.

Le taux d’emploi des personnes handicapées pose un énorme problème : il était de 35 % en 2011, soit 22 % de moins que la moyenne des personnes en âge de travailler.

Rénover l’ensemble de l’infrastructure prendrait des décennies. Unia invite les autorités à mettre en place un plan d’action de mise en accessibilité de l’environnement existant (bâtiments, voiries, transports et information) pour toutes les catégories de personnes en situation de handicap avec un calendrier à court, moyen et long terme.

Patrick Charlier : "Les aménagements raisonnables sont d’abord un échec de la société"

Pour le directeur d’Unia, il faut d’abord viser l’accessibilité pour tous des trains, bâtiments, écoles...

D éfends tes droits avec Unia." Ce vendredi, veille de la Journée internationale des personnes handicapées, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances (Unia) lance une campagne en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap. "Il faut prendre des mesures concrètes et ambitieuses pour qu’elles puissent vivre dans la société de façon autonome" , déclare Patrick Charlier, directeur d’Unia. Comme le prévoit d’ailleurs la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée il y a 10 ans - le 13 décembre 2006 - et ratifiée par la Belgique en juillet 2009.

Pourquoi est-il encore nécessaire, aujourd’hui, de lancer une telle campagne ?

Parce qu’on ne considère pas encore les personnes en situation de handicap comme des sujets de droits, qui peuvent les revendiquer et les faire valoir. Le basculement n’est pas encore réussi. Quand on parle du handicap, on reste encore très fort, à la fois dans les réglementations, les pratiques et les mentalités, dans une conception médicale ou d’aide sociale, avec parfois une dose de paternalisme.

La Convention des Nations unies qui consacre les droits des personnes handicapées n’a pas encore touché sa cible ?

On a toujours trop tendance à parler du handicap comme d’une caractéristique de la personne. Le grand apport de la Convention, c’est de considérer le handicap comme une situation de la personne en relation avec son environnement. Cela conduit à penser de manière différente : c’est l’environnement qui n’est pas adapté à la personne avec une limitation ou une difficulté. Depuis 2011, Unia est l’organe de monitoring et de promotion de la Convention en Belgique. Pour nous, c’est un enjeu de la faire connaître et de faire savoir aux personnes qu’Unia est compétent pour faire valoir ces droits. On a donc décidé de faire une grosse campagne pour les dix ans.

En matière de mobilité, d’enseignement, d’emploi…, la société belge est encore loin d’être inclusive.

Absolument. Mais quand on regarde les autres critères de discrimination comme l’origine, la religion, l’orientation sexuelle… pour lesquels Unia est aussi compétent, on se rend compte que le handicap ne génère pas le même type d’hostilité ou de mépris. Les préjugés ou les stéréotypes sont différents. Il y a plus de bienveillance, même si c’est parfois teinté de paternalisme. Quand on fait un accompagnement, on se rend compte que les problèmes sont souvent dus à la méconnaissance et à un manque d’imagination pour trouver une solution adéquate. Mais il y a rarement des réactions très vives comme on les constate par exemple vis-à-vis des musulmans, des demandeurs d’asile ou des homosexuels.

C’est plus facile de lutter contre les discriminations liées au handicap ?

Cela permet plus facilement d’entrer en dialogue et de vaincre des résistances par la raison. On constate que c’est sur le thème du handicap qu’on obtient le plus facilement des solutions négociées pour avoir plus d’accessibilité et d’inclusion des personnes en situation de handicap. Le sens de notre travail, c’est d’inciter la société à cela.

Cela passe par certains aménagements raisonnables…

Il y a parfois une sorte de mythe autour de cela ! Quand je me trouve avec des associations ou des personnes concernées, je leur dis : parlons d’abord d’accessibilité avant de parler de ça. L’aménagement raisonnable, c’est un droit des personnes en situation de handicap, mais c’est d’abord un échec de la société au sens large qui n’a pas rendu l’école, les transports en commun, l’hôpital, les lieux de travail…. accessibles pour tous. Alors oui, l’aménagement raisonnable permet à la personne en situation de handicap de revenir à un niveau égal aux autres, d’avoir une participation égale. Mais certains de ces aménagements sont perçus comme des faveurs et pas comme un droit…

On en ferait alors trop aux yeux de certains ?

Quand on met une rampe dans un couloir pour une personne en chaise ou une loupe sur un ordinateur pour une personne malvoyante, cela ne suscite pas de réactions. Mais quand il s’agit d’aménagements immatériels, c’est parfois moins bien accepté.

Par exemple ?

Si les personnes en situation de handicap bénéficient de plus de possibilités de télétravail ou de plus de pauses, ça crée plus de crispations ou de difficultés. Idem quand des élèves ont droit à plus de temps pour passer un examen parce qu’ils sont dyslexiques ou dyscalculiques. Ce qui est important, quand on met ce type d’aménagements en place, c’est de les assumer et d’avoir une communication claire. Quand cela se fait de manière discrète, cela crée parfois des tensions.

Des gares et des trains accessibles aux chaises roulantes le sont aussi pour des mamans ou des papas avec des poussettes, des cyclistes, des seniors…

Mais oui ! L’accessibilité vaut pour tout le monde. Une société inclusive n’est pas centrée sur les personnes en situation de handicap mais pensée et réfléchie en termes de bâtiments, d’organisation, de travail, de rythmes scolaires, etc., pour toutes les personnes, quelles que soient leurs caractéristiques.

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