Guy Vanhengel : "L’aéroport doit reculer de 1.800 mètres"
Publié le 18-02-2017 à 07h40 - Mis à jour le 24-02-2017 à 07h14
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Entretien réalisé par Mathieu Colleyn
Le ministre bruxellois donne du temps au fédéral dans le dossier du survol. Le gouvernement bruxellois doit changer de méthode, dit-il. Le stade national peut encore être prêt en 2020. Malgré les "sabotages".
Guy Vanhengel est ministre Open VLD du Budget à la Région bruxelloise. Son parti est au pouvoir en Flandre, au fédéral et à Bruxelles. Pour "La Libre", il évoque les trois grands dossiers chauds du moment : le survol de Bruxelles, la gouvernance et le projet de nouveau stade national.
La Région bruxelloise en appelle au fédéral dans le dossier du survol. Votre parti y est représenté. Vous relayez ?
Dans les délais qui sont fixés maintenant, je ne vois pas comment on peut s’en sortir. Je suis d’Evere, la commune où l’activité aéronautique a démarré en Belgique. L’aéroport de départ s’est d’abord déplacé vers Melsbroek. En 1958, quand l’exploitation commerciale a démarré on a décalé vers Zaventem. Et puis la ville a grandi, l’activité de l’aéroport aussi. La logique serait de continuer à faire reculer l’aéroport.
Cela veut-il dire que la Flandre doit accepter plus de nuisances ?
La dispersion des nuisances doit se faire selon la densité de la population.
De combien l’aéroport doit-il reculer ?
L’idéal, c’est 1 800 mètres. C’est l’option la moins chère : 800 mètres ont déjà été expropriés. Mais essayer de régler cela en alimentant le conflit n’a aucun sens.
Qu’allez vous faire dès lors ?
A Bruxelles, il ne va rien se passer. Les normes de bruit sont là. Point à la ligne. La Flandre prépare un nouveau conflit d’intérêts mais nous, on ne bougera pas.
Côté francophone, on a l’impression que la Flandre veut développer l’aéroport sans subir les nuisances. Le beurre et l’argent du beurre en somme.
Juste. Et la perception flamande, c’est quoi ? La même… Mais par rapport à Bruxelles.
Mais cela fait deux ans et demi que rien ne se passe au niveau fédéral…
On doit laisser le temps au ministre Bellot. C’est un homme de raison… discret. Mais jusqu’où le kern le laisse aller ? Ce n’est pas parce qu’il a la compétence qu’il a le mandat pour progresser.
Votre gouvernement est allé en justice et vos normes pourraient faire fuir des compagnies. A-t-on le luxe du temps ?
Oui. La soupe ne sera pas mangée aussi chaude qu’elle est servie. L’exagération par rapport aux amendes n’est pas très intelligente de la part de Brussels Airport. C’est contraire à leurs intérêts. Manifestement, comme dans tous les dossiers, la N-VA joue aussi un rôle "anti-Brussel".
Quel est votre message au fédéral ?
Laissons travailler Bellot de façon discrète avec des acteurs mandatés dont la première tâche sera de suivre l’effet de l’application des normes bruxelloises. Nous n’allons pas revenir dessus mais il est utile d’objectiver les choses. Travaillons sur l’avenir de l’aéroport afin de déterminer qui va prendre en charge les investissements pour reculer les pistes. C’est sur cette base qu’il faudra créer une loi aéroportuaire et une autorité de contrôle indépendante. Si François Bellot parvient à ficeler cela pour la fin de la législature pour que ce soit repris tel quel par les prochains gouvernements, on aura fait un bon travail.
Votre ministre-Président Rudi Vervoort (PS) plaide pour le décumul entre les mandats de député et de bourgmestre ou échevin. Tout le monde n’est pas d’accord au VLD, non ?
Dans tous les groupes il y a des pour et des contre le décumul… en dehors des écologistes. Mon parti n’a pas de position tranchée, on est plutôt à se demander s’il faut encore 19 communes.
Ce débat est lié au décumul ?
C’est lié à la réduction du nombre de mandataires. A Bruxelles, la proportion de mandataires n’est pas si élevée avec 1 000 mandataires pour 1,2 million d’habitants. En Brabant flamand, il y a 3 000 mandataires pour 1,1 million d’habitants. Le triple !
Mais vous dites quand même qu’il y a trop de communes à Bruxelles…
C’est le grand débat qui anime l’opinion publique flamande : la gestion d’une région totalement urbanisée comme Bruxelles serait plus efficace en rassemblant plus de compétences vers le niveau régional. D’où la question : a-t-on encore besoin de 19 communes ? Jadis, quand on a fusionné les corps de pompiers, tout le monde a trouvé cela normal. C’est garanti, ces deux débats vont s’entremêler. Vous allez voir.
D’accord avec une réduction du nombre de parlementaires régionaux ?
Cela doit être décidé au niveau fédéral. Mais du moment que la représentation néerlandophone est garantie dans des proportions identiques. Ce qui me dérange, et c’est pour cela que je ne suis pas très chaud pour ce débat, c’est qu’on est de nouveau occupés avec nous-mêmes. Ce n’est pas pour cela qu’on est élus.
Des questions se posent… en matière de transparence notamment.
On doit progresser en matière de transparence. Le gouvernement bruxellois doit changer de méthode. Le gouvernement flamand fonctionne autrement. Ne viennent à l’agenda que les dossiers qui sont ficelés. Les notes qui sont à l’agenda, sont des quasi-communiqués de presse. Le travail de fond se fait dans le kern, par le biais de "non papers", des notes de travail préparatoires qui ne sont pas rendues publiques.
Est-ce que les rémunérations des politiques posent problème à Bruxelles ?
Pas que je sache. Mais allez savoir dans ces 1 000 mandats ? Il faut absolument faire un cadastre, ce qui n’a jamais été fait.
Un "conflit d’intérêts évident" à l’Union belge
Croyez-vous encore à la construction du stade pour l’Euro 2020 ?
Oui. Parce que je crois qu’on en a besoin. Nous travaillons à l’image internationale de la capitale avec le centre de congrès, le musée d’art moderne, le pôle médias à Reyers et le réaménagement du site du Heysel. Nous avons également besoin d’un stade comme dans les pays avoisinants.
Le choix du parking C a été annoncé au printemps 2013. Presque quatre ans plus tard, le permis n’est toujours pas délivré. Etait-ce le bon choix ?
L’idée existe depuis 2008. Cela prend du temps et ce n’est pas propre à la Belgique. Un processus de 10 à 15 ans pour ce type de projet, ce n’est pas anormal. Mais nous ne nous attendions pas à tant de sabotage. L’histoire de ce chemin vicinal à Grimbergen, c’est de l’absurde pur. Pour un stade neuf, tous les critères sont remplis par le parking C.
Ce n’est pas ce qu’on dit dans l’environnement immédiat du parking. Les craintes sont fortes quant à l’impact du projet sur la mobilité.
Je lis beaucoup de choses dans les journaux mais je lis aussi les dossiers. Une étude d’incidence dit l’inverse : l’organisation rationnelle du parking va permettre une meilleure utilisation du Ring. Au niveau bruxellois, le tram est prévu.
C’est aussi un projet immobilier qui va drainer de l’activité.
Il y a trois parties. Le stade, le campus innovation qui ne va pas drainer des dizaines de milliers de personnes et le parking sous terrain de 10 000 places. A l’arrière, un pavillon bistrot. Tout cela dans un parc de 17 hectares qui va entourer les nouvelles constructions. En mobilité, nous donnerons toutes les garanties.
A temps pour le 2020 ?
Ce serait l’idéal. Si ce n’est pas prêt, il y aura un autre championnat en 2024, non ?
Quel est le deadline ?
Le promoteur dit toujours que si cet été, voire au début de l’automne, il peut se mettre à travailler, il sera apte à construire le stade dans les temps.
Le Sporting d’Anderlecht n’a pas l’air enthousiaste à l’idée de devenir locataire du stade…
Le RSCA était demandeur d’une infrastructure plus vaste. Ils ont parcouru ce chemin avec nous. Ils ont signé un accord de principe assez détaillé avec le constructeur pour devenir le locataire principal du stade. Entre-temps il y a eu des changements de management au sein d’un club. On est dans une phase de transition au niveau de la direction, ce qui nous mène à une difficulté quant à savoir qui veut quoi. Le promoteur a un accord avec un loyer de 9,7 millions sur 30 ans, je le rappelle.
Le club a peur de ne pas pouvoir remplir un stade de 60 000 places.
La capacité du stade a été décidée en accord avec le Sporting. L’actuel public d’Anderlecht vient à 95 % de l’extérieur de Bruxelles. Au parc Astrid, il y a un problème d’accessibilité tarifaire, il doit y avoir moyen de faire faire venir dans le troisième anneau de ce stade, la population bruxelloise à des tarifs abordables.
De puissants intérêts semblent s’opposer au stade. Que dites-vous de la position de Bart Verhaeghe, patron du FC Bruges, vice-président de l’Union belge et promoteur du projet commercial Uplace à Mechelen ?
Bart Verhaeghe est dans une situation de conflit d’intérêts. Surtout en tant qu’investisseur pour Uplace qui voit d’un mauvais œil le développement du Heysel.
Il doit se retirer ?
C’est à l’Union de se prononcer mais je dénonce ce conflit d’intérêts. Ses intérêts sont commerciaux avant d’être sportifs. Il utilise son club et cette affaire dans un autre contexte. Il n’y a que les aveugles pour ne pas le voir.
La N-VA s’y oppose également.
La N-VA locale oui. En Flandre, la Mobilité, c’est Ben Weyts qu’on pousse vers un avis négatif. Le promoteur peut démontrer que le projet est un plus. Mais cela coince. Je rappelle que pour le sentier vicinal, il y a un jugement du juge de paix qui risque de coûter un os à Grimbergen… Il y a des astreintes.
Bio express
- 10 juin 1958 : naissance à Bruxelles.
- 1978-1982 : instituteur, collaborateur à "Het Laatste Nieuws" et Radio Contact.
- 1982-1988 : porte-parole d’Annemie Neyts, Guy Verhofstadt et Patrick Dewael.
- 1995 : élu député bruxellois.
- 2000-2004 : ministre bruxellois des Finances et du Budget.
- 2002-2003 : ministre flamand des Sports.
- 2004-2009 : ministre bruxellois des Finances et du Budget.
- 2009-2011 : vice-Premier ministre fédéral.
- Depuis 2011 : ministre bruxellois des Finances et du Budget.