De possibles "intérêts communs" entre Chodiev et les diamantaires anversois
Selon l’ex-substitut Van Calster, le lobby des diamantaires en faveur de la transaction pénale fut très intense.
- Publié le 23-03-2017 à 17h26
- Mis à jour le 23-03-2017 à 17h31
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Y a-t-il eu une convergence d’intérêts, début 2011, entre les affaires judiciaires des diamantaires anversois et celles du "trio kazakh" (Chodiev, Ibragimov et Machkevitch), au cœur du Kazakhgate ? Pour Peter Van Calster (photo d'illustration), l’ex-substitut du procureur du Roi d’Anvers, il s’agit là d’une piste crédible. Une piste qui expliquerait, a-t-il dit mercredi en commission d’enquête parlementaire sur le Kazakhgate, la précipitation avec laquelle la loi élargissant la transaction pénale a été votée au printemps 2011.
A cette époque-là, tous les regards se tournaient vers Anvers. L’hypothèse était qu’il fallait fixer rapidement, avant que les faits ne soient prescrits, un cadre légal permettant la conclusion d’une transaction financière avec des diamantaires accusés de fraude fiscale. Mais en 2012, une autre lecture des événements émerge. Le milliardaire Patokh Chodiev, défendu par l’avocat/sénateur MR Armand De Decker, a été le premier - avec ses complices du trio kazakh - à profiter de la nouvelle loi, dès juin 2011. Or cet acte (et le fait que le trio échappait à des poursuites pénales) aurait permis à la France de conclure un important contrat militaire avec le Kazakhstan.
Quelle est la bonne piste ? Celle des diamantaires ou celle du trio (qui a justifié la création de la commission d’enquête) ? Pour Peter Van Calster, les deux convergent. "Il me revient que, peut-être, tout à coup, le moment était là [pour faire passer la loi sur la transaction pénale] et qu’on pouvait servir des intérêts communs." Il avouera ne pas avoir de preuve de ce qu’il avance, mais "ce n’est pas une piste inconcevable".
"Une activité accrue"
C’est ce "tout à coup", dont parle l’ex-substitut, qui doit être éclairci. Si, début 2011, il semblait nécessaire de tirer du pétrin le trio kazakh, Peter Van Calster pointe qu’au même moment, d’importants dossiers impliquant des diamantaires apparaissent (dont Monstrey, Omega Diamonds et HSBC). "Début 2011, et surtout après le vote de la loi (en juin 2011, NdlR) , il y a eu une activité accrue" de négociations sur des transactions pénales. "Il y avait déjà des pourparlers avant le vote, a-t-il insisté, ils se sont poursuivis après…"
Pour lui, le lobby diamantaire a joué un rôle. Les auditions de mercredi et celles de la semaine dernière ont démontré que la loi sur la transaction pénale était prête dès l’été 2009. Toutefois, faute d’accord politique, la loi a été emportée par la chute du gouvernement Leterme en avril 2010. Disparue des radars politiques, elle réapparaîtra soudainement au Parlement en mars 2011, avant son adoption peu après.
Pour Robert Tilkin, un ancien directeur de l’inspection spéciale des impôts (ISI) à Anvers, également auditionné mercredi, le secteur diamantaire s’était montré très intéressé en 2008-2009 par une telle loi - ce qui contredit les propos d’Yves Liégeois, l’avocat général d’Anvers auditionné mercredi dernier. Peter Van Calster a abondé dans le sens de M. Tilkin, pointant notamment le travail des "avocats des diamantaires" Raf Verstraeten et Axel Haelterman.

Yves Liégeois
Le face-à-face anversois: Van Calster et Liégeois, ennemis intimes
Deux Anversois aux conceptions opposées. La commission Kazakhgate a entendu tour à tour le procureur général d’Anvers, Yves Liégeois, et le substitut du procureur du Roi anversois Peter Van Calster. C’est peu dire que ces deux hommes se détestent. Peter Van Calster a été, depuis 2005, en charge de tous les dossiers relatifs au secteur du diamant jusqu’à ce qu’il en soit écarté, en 2012, par le procureur du roi d’Anvers Herman Dams. Cela ressemblait fort à une sanction infligée à un homme qui semblait déranger. Alors que M. Van Calster enquêtait sur une fraude présumée dans le secteur diamantaire portant sur plusieurs dizaines de millions d’euros et entendait bien traîner les acteurs du dossier devant la justice, son bureau fut perquisitionné à la demande du parquet général, le substitut étant soupçonné d’avoir falsifié un P.-V. dans ce dossier impliquant au moins 180 diamantaires. Avant cette perquisition controversée, le parquet général d’Anvers avait déjà essayé à plusieurs reprises de mettre hors-jeu le parquet anversois dans cette affaire. Les tiraillements entre les deux parquets avaient même fait réagir la classe politique. Dès octobre 2011, Yves Liégeois, dont on dit qu’il était plus enclin à passer par des transactions, s’était plaint du comportement de Peter Van Calster. Lequel, à son tour, n’avait pas hésité à déposer plainte contre M. Liégeois pour faux en écriture et calomnie, accusations dont le procureur général avait été lavé par la Cour de cassation qui avait abandonné les poursuites.