Kazakhgate : la drôle d’audition d’Armand De Decker
Il pourrait s’auto-incriminer devant la commission parlementaire ce vendredi afin de mieux préparer… sa défense.
- Publié le 06-07-2017 à 21h46
- Mis à jour le 06-07-2017 à 23h13
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Il pourrait s’auto-incriminer devant la commission parlementaire ce vendredi afin de mieux préparer… sa défense.On a atteint le climax de la commission d’enquête parlementaire sur le Kazakhgate. Le moment charnière, celui où tout bascule. Armand De Decker est attendu ce vendredi, à 15h, devant les députés pour une audition très attendue et qui sera extrêmement suivie.
Armand De Decker, ex-président du Sénat et ministre MR, comparaît en sa qualité d’avocat de Patokh Chodiev, homme clé dans le Kazakhgate. Il avait été recruté par l’Elysée, fin 2010-début 2011, afin de défendre les intérêts de l’homme d’affaires belgo-ouzbek à Bruxelles. Mais l’audition du libéral, ce vendredi, pourrait tourner court.
Le secret professionnel de l’avocat
Dirk Libotte, un autre avocat de Chodiev, entendu mercredi après-midi par la commission parlementaire, a ainsi invoqué de façon rigoureuse le respect de son secret professionnel pour ne répondre à aucune question des députés. Mercredi soir, Jonathan Biermann, échevin MR à Uccle (la commune de l’ex-bourgmestre De Decker) et avocat d’une prévenue aux côtés de Chodiev, a adopté la même attitude. Si Armand De Decker les imite, son audition ne durera que quelques minutes.
Il pourrait cependant tenter d’adopter une attitude plus cynique, contre laquelle les commissaires essaient de se prémunir.
Les témoins entendus par une commission d’enquête parlementaire doivent prêter serment et jurer de "dire toute la vérité, rien que la vérité". En 1988, deux personnes, auditionnées par une commission d’enquête sur l’affaire dite Transnuklear, s’étaient auto-incriminées, elles avaient tenu des propos qui les accusaient elles-mêmes. Plus tard, devant le tribunal, les deux individus avaient fait valoir que les droits de la défense n’avaient pas été respectés par la commission parlementaire. Selon eux, ils avaient été mis sous pression par les députés pour cracher le morceau, sans avoir été correctement défendus. Le 6 mai 1993, la Cour de cassation avait validé leur raisonnement - c’est l’arrêt Transnuklear. Et toutes les préventions retenues contre les deux accusés suite à leur audition devant la commission d’enquête furent jugées irrégulières.
En d’autres termes : les députés avaient involontairement saboté le travail de la justice.
De Decker sera assisté par ses avocats
Ce type de situation se rencontre essentiellement lorsqu’une enquête parlementaire télescope une enquête judiciaire. C’est le cas avec le Kazakhgate. Armand De Decker pourrait ainsi s’inspirer de l’épisode Transnuklear pour anticiper une éventuelle défense devant un tribunal du fond. On reste là dans une pure hypothèse, rien ne dit que c’est son intention. En plus, M. De Decker n’est inculpé de rien du tout pour le moment. Mais les députés - qui espèrent obtenir des informations pertinentes pour les travaux - ont préféré prendre les devants.
Dans la foulée de l’arrêt Transnuklear, la loi de 1880 sur les enquêtes parlementaires avait été modifiée afin de rappeler aux témoins qu’ils ont le droit de se taire s’ils risquent de s’auto-incriminer.
Cela dit, cette précaution pourrait ne pas suffire. Le bureau de la commission Kazakhgate a donc décidé jeudi soir de lui permettre d’être assisté par ses avocats, toutefois sans qu’ils ne soient assis à côté de lui (ce qui a déjà été fait pour d’autres témoins). Il faudra voir comment cette situation sera gérée pratiquement. Les experts qui accompagnent les travaux de la commission devront être particulièrement vigilants, en réclamant, par exemple, le huis clos quand ils le jugent nécessaire.