Christine Defraigne: "Un vieux spécimen a dit qu’il me voulait dans son lit mais pas en politique"
Publié le 26-10-2017 à 12h13 - Mis à jour le 26-10-2017 à 12h50
Christine Defraigne (MR) a accepté de confier son expérience du sexisme ordinaire. La présidente du Sénat est heureuse que les femmes qui ont été harcelées ressentent désormais le courage de le dénoncer.
Vous confirmez que la politique est davantage frappée par le sexisme ?
La politique reste un milieu très macho. On a beau dire le contraire, ça reste un bastion masculin. Même s’il y a plus de femmes qu’avant. Cela a une influence sur le fait que la parole se libère et que le harcèlement et l’outrage aux bonnes mœurs ne peuvent être passés en pertes et profits de la vie professionnelle de toute femme.
Il y a le sexisme exercé sur les simples collaboratrices mais il y a aussi le sexisme qui touche les élues.
Ah oui, ça, on veut des femmes sur des listes mais, après, ça devient plus compliqué… Vous savez, moi, je suis une bonne Liégeoise : je ne rechigne jamais à une plaisanterie, j’essaie de garder de l’humour. Mais la difficulté, c’est de tracer la frontière entre la plaisanterie entre hommes et femmes, la vitalité et la joie de vivre, et le sexisme en politique. Cette frontière est franchie quand la remarque ou la plaisanterie a pour vocation de rabaisser l’interlocutrice, de la décrédibiliser professionnellement, de sous-entendre qu’elle n’est pas votre égale et qu’elle n’est pas sa place.
Qu’avez-vous vécu personnellement ?
Récemment, avec ma collègue écolo au conseil communal de Liège, alors que nous intervenions en plein débat budgétaire, l’échevin des Finances nous a jeté au visage : "Est-ce qu’on va encore les entendre longtemps, ces femelles ?" Voilà le franchissement dont je parlais. On porte atteinte à nous en tant que femmes faisant de la politique. Heureusement, le bourgmestre l’a recadré et lui a demandé de se calmer. Son machisme condescendant, ce n’était pas la première fois. Bon, quand mon voisin direct au parlement wallon, Gilles Mouyard (MR), me fait une petite plaisanterie lourdingue, je peux l’accepter et m’en tirer par une pirouette. Mais, ici, la ligne est franchie car l’intention était de nous rabaisser.
La mentalité envers les femmes actives en politique a-t-elle évolué en au fil du temps ?
Oui. Au début de ma carrière, la première fois que j’ai été candidate, je me suis fait dire par un vieux spécimen du genre, aujourd’hui retraité : "Moi, Defraigne je la veux bien dans un lit mais pas en politique". Ça a été dit en public, devant des connaissances à moi et des amis. J’ai dû commencer ma carrière comme cela. Devant mon envie de faire de la politique, un autre spécimen m’avait aussi conseillé de faire passer mon lit en frais généraux…