Des ex-collaboratrices politiques témoignent: "Tous les vieux politiciens ont une réputation de gros dégueu"
Publié le 26-10-2017 à 07h31 - Mis à jour le 26-10-2017 à 14h51
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La scène se déroule il y a quelques semaines, juste après une conférence de presse gouvernementale. Le porte-parole d’un des ministres discute "en off" avec quelques journalistes. Il aperçoit alors une jeune technicienne du cabinet où il travaille. Collaboratrice fraîchement engagée, elle se tient à distance, ne sachant pas s’il est de bon ton qu’elle s’adresse à des journalistes toujours avides d’informations politiques. Le porte-parole l’interpelle alors à haute voix : "Ah, viens ici, je ne t’ai pas encore baisée aujourd’hui !" La jeune femme, mal à l’aise, n’a pu qu’esquisser un sourire intimidé à la suite de cette phrase à double sens venant d’un personnage influent de son environnement de travail.
"Ses mains descendaient vers ses seins…"
Depuis le séisme provoqué par l’affaire Weinstein aux USA, les réseaux sociaux regorgent de témoignages de femmes victimes de harcèlement sexuel, de propos déplacés, de la concupiscence non partagée de leur supérieur hiérarchique. Il semble que le monde politique, tout comme Hollywood, soit particulièrement perméable à ces dérives. La dureté de l’univers des cabinets, où les collaborateurs sont révocables dans l’instant sur un caprice de leur ministre, accentue le problème. Nous avons interrogé plusieurs conseillères sur leur expérience. Voici deux témoignages éclairants.
"Je me souviens avoir eu une petite stagiaire un peu boulotte, pas très à l’aise dans son corps, raconte l’ex-directrice de la communication d’une formation politique. Elle était assise en face de moi dans mon bureau et voilà un responsable du top du parti qui rentre dans la pièce. Il lui a posé les mains sur les épaules et la massait en descendant vers ses seins… Je lui ai crié d’arrêter ça tout de suite. La fille était tétanisée et n’osait rien dire. Il est parti, scandalisé par ma réaction. Ce comportement, c’est aussi une question de génération. Les vieux n’ont jamais appris le respect de la femme. Tous les anciens en politique ont une réputation de gros dégueu."
"En politique, il n’y a pas de règles"
Le monde politique, c’est aussi l’absence de règles. Les "harceleurs" peuvent dépasser les bornes un peu plus facilement qu’ailleurs. "Dans le privé, contrairement à la politique, il y a des règles, il y a une personne de référence à contacter si on est confronté à du harcèlement, analyse encore l’ancienne attachée de presse. Mais, en politique, rien de tout cela : tout est flou, tu ne reçois pas d’objectifs à atteindre, il n’y a pas d’évaluation, pas de code éthique sur le comportement adéquat entre collègues, etc. En politique, c’est l’impunité : personne ne doit réellement rendre de compte. Après mon passage en politique, il m’a fallu des mois pour retrouver une attitude normale avec mon patron dans le privé, pour être moins froide. J’avais tendance à repousser toute forme de proximité."
"Le ministre ne voyait que notre cerveau…"
Il faut toutefois nuancer cette vision noire. Les mandataires politiques, les chefs de cabinet, ne disposent pas d’un droit de cuissage sur leurs collaboratrices... Parfois même, ce sont les femmes qui jouent les séductrices. " Moi, j’ai subi du harcèlement quand j’avais 16 ans. C’était dans un job étudiant, j’ai été coincée par un type… Mon expérience politique n’a jamais débouché sur ce genre de situatio n. Je n’ai jamais eu de mains aux fesses. J’ai reçu des propositions déplacées mais il n’y avait rien de répréhensible , confie une ex-collaboratrice d’un ministre wallon. Au contraire, l’élu pour lequel je travaillais voyait ses conseillères comme des outils de travail et non comme des objets sexuels. On aurait surgi en bikini dans son bureau, il n’aurait vu en nous que le cerveau… C’était déconcertant pour les filles du cabinet, on en plaisantait même entre nous. Il ne faut pas voir d’office les femmes comme des victimes qui ne savent pas se défendre. Etre une femme, cela peut aussi être une arme pour obtenir ce que l’on veut d’un homme qui se trouve dans la hiérarchie…."