Michel Foret: "Il y a beaucoup plus de protestants qu’on ne le pense en Belgique"
Publié le 30-10-2017 à 09h02 - Mis à jour le 30-10-2017 à 09h08
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L’ex-ministre libéral Michel Foret - un protestant - se confie sur sa foi. Entretien Frédéric Chardon Michel Foret (MR), ancien ministre wallon et ancien gouverneur de la Province de Liège, est un protestant pratiquant. "Aucune honte à cela et je ne l’ai jamais dissimulé", précise-t-il d’emblée. A l’occasion des 500 ans du protestantisme, ce calviniste discret évoque ses convictions religieuses.
Le libéralisme belge a connu quelques grands formats qui étaient protestants. Comment expliquez-vous ce lien ?
Vous faites notamment allusion à Jean Rey (ancien président de la Commission européenne et ministre belge, fils d’un pasteur protestant suisse, NdlR). On peut effectivement établir un parallèle. L’apport de Luther, c’est une émancipation de l’homme, c’est le passage du Moyen Âge vers les temps modernes. Le principe de sa pensée, c’est que l’homme reçoit la grâce par l’amour de Dieu lui-même : il n’a pas à passer par des indulgences. Donc l’homme est libre, même s’il a des devoirs. Par conséquent, il peut lire la Bible, l’interpréter et se détacher du sacerdoce liturgique, du poids de l’Eglise, de la papauté. Ma conviction profonde, c’est que le libéralisme en politique, c’est cela aussi : la défense de la liberté sous toutes ses formes.
Les protestants ne devraient-ils pas être davantage visibles en Belgique ?
Les dernières statistiques parlent de 20 000 protestants en Belgique. C’est très peu. Mais elles sont aussi impossibles à établir. Les catholiques considèrent comme catholiques tous ceux qui sont baptisés… Or, on sait toute la distance qu’il peut y avoir entre le baptême et une pratique réelle. Les protestants le sont souvent sans le savoir eux-mêmes : beaucoup de gens détachés de la religion continuent à croire qu’ils ont une relation directe avec Dieu. On peut les qualifier de protestants.
Il y a beaucoup plus de protestants qu’on ne le pense en Belgique. Le protestantisme est reconnu mais vit dans une situation de grande minorité. Le réflexe que l’on aura dans la presse ou dans le monde politique, c’est de faire appel à ce que peut penser l’évêque ou le cardinal. On n’interroge pas spontanément une autorité protestante. Les choses ont tout de même changé. Le catholicisme a connu une évolution considérable depuis Vatican II. Il reste tout de même encore des marges importantes entre protestants et catholiques. Quoiqu’on puisse encore avoir des surprises : ces intégristes qui ont empêché le pasteur de prêcher en chantant des Ave Maria… (lire ci-dessous)
Quel regard portez-vous sur le courant évangéliste ?
Je ne puis qu’admirer cette foi. Mais je suis admiratif et inquiet en même temps : je reste parfois pantois devant certains excès. Regardez certaines évolutions telles qu’elles apparaissent aux Etats-Unis… Certains mouvements évangélistes par leurs excès sont aussi dommageables que des mouvements intégristes. Il ne faut pas se le dissimuler. Moi, je suis dans un mouvement plus raisonné et classique au sein du protestantisme.
Vos convictions vous ont-elles donné une éthique particulière dans votre carrière de mandataire politique ?
Je l’espère. C’est à d’autres de juger. En tant que gouverneur durant les 11 dernières années de ma carrière, je devais avoir, plus que d’autres encore, un devoir de réserve, une vue la plus libre et la plus détachée possible. Mes convictions libérales et ma religion m’y ont aidé, je pense.
Engagement politique : beaucoup de libéraux
Politique Avec au cœur du cœur de leur foi, les grands principes de liberté et la liberté de conscience, il n’est évidemment pas étonnant que beaucoup de protestants belges se soient engagés au sein du Parti libéral et de ses diverses déclinaisons depuis l’émergence dudit parti en 1846. Au niveau idéologique, les protestants sont attachés aux valeurs démocratiques et égalitaires. Des historiens se sont dès lors interrogés sur une théorie du vote protestant, notamment par rapport à l’émergence de la gauche libérale puis de la gauche tout court en Wallonie.
En maçonnerie On précisera aussi qu’il n’est pas incompatible d’être protestant et franc-maçon. Pas surprenant donc que plusieurs personnalités majeures du Parti libéral soient ou aient été protestantes, comme Walthère Frère-Orban, le fondateur du parti, Eugène Goblet d’Alviella, Paul Hymans, Pierre Orts et le président de la Commission européenne Jean Rey. Et plus récemment Michel Foret. Comme précisé ci-dessus, des protestants ont aussi contribué au développement du Parti ouvrier belge, comme Elisée Fauvieau ou Isabelle Blume