Un ouvrage pour convaincre les magistrats de se faire comprendre des justiciables
Sortie d’un ouvrage destiné à convaincre les magistrats de mieux se faire comprendre par les justiciables.
Publié le 29-01-2018 à 15h47 - Mis à jour le 29-01-2018 à 15h55
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Pour nombre de justiciables, le vocabulaire des tribunaux est souvent à ce point abscons qu’ils ne savent pas toujours à quelle sauce ils ont été mangés par leur juge.
C’est la raison pour laquelle l’Association syndicale des magistrats (ASM) poursuit depuis quinze ans un travail visant à rendre le langage de la justice plus compréhensible. Elle vient d’éditer une nouvelle version de son ouvrage "Dire le droit et être compris".
Derrière cette œuvre se cache une équipe de rédaction dont la cheville ouvrière est Michel Leys. Comme l’écrit dans sa préface l’ancien président de la Cour constitutionnelle, Paul Martens, nous sommes en face à la fois d’un manuel de grammaire et d’un ouvrage de sociologie juridique.
L’auguste juriste a beau regretter que les auteurs fassent la peau à des locutions latines dont il célèbre le sens et l’élégance, il reconnaît que le livre de l’ASM aidera les professionnels de la justice à établir un compromis entre leur goût des belles phrases et leur devoir d’être lisibles.
Défunt ou "de cuius" ?
En attendant, citons, pour l’exemple et pour le plaisir, quelques-uns des conseils que les auteurs distillent à leurs lecteurs de terrain.
Encourageant ceux-ci à privilégier le langage de la vie courante, ils leur proposent notamment de remplacer les mots "auteur d’un enfant" par "le père ou la mère", "culpeux" par "condamnable", "émender" par "réformer", "mouvoir une action" par "introduire une action", "ouïr le procureur du Roi" par "entendre", "pristin état" par "état antérieur", "promériter" par "avoir droit à", etc.
Les auteurs recommandent aussi aux juges d’éviter les locutions latines. Il est vrai que "le défunt" parle davantage au commun des mortels que le "de cuius" et que le fait d’indiquer que "la preuve incombe au demandeur" est plus facilement compréhensible que d’asséner un "actori incumbit probatio".
Des termes plus abordables
Les auteurs insistent encore sur l’utilité de ne pas truffer un jugement ou un document juridique de mots techniques. Première règle : se demander si ces mots sont absolument indispensables. Si ce n’est pas le cas, il vaut mieux les remplacer par des termes plus abordables. Exemples : on dira plus facilement "pension alimentaire" qu’"aliments" tout court; "décision" que "dispositif", "capacité financière" d’une partie que "faculté contributive", "contrat qui engendre des droits et des obligations pour chaque partie" que "contrat synallagmatique."
Ils demandent également aussi aux acteurs judiciaires de désigner les parties par leur nom, sauf dans la présentation de celles-ci, moment où le maintien de termes comme "demandeur", "défendeur", "intimé" ou "appelant" se justifie. Par la suite, il vaut mieux parler de "Monsieur Abélard" ou du "prévenu Alain Nabuchodonosor" que du "sieur" ou du "susnommé".
On pourrait multiplier les exemples de ces recommandations. Elles visent toutes à rendre les jugements compréhensibles en évitant les mots compliqués, les phrases interminables ou encyclopédiques, les négations multiples, la syntaxe étrangère au français courant.
Les auteurs vont même plus loin : ils entendent convaincre les juges, par des exemples concrets, d’aider le citoyen à s’orienter dans l’acte judiciaire, qu’il soit pénal ou civil. Il est ici question de vocabulaire, de grammaire mais aussi de méthodologie, de raisonnement et d’information.
On l’a dit, l’ouvrage s’adresse surtout aux magitrats mais il sera utilement consulté par les avocats, les greffiers, les huissiers, les notaires, les experts et… le lecteur lambda qui s’y promènera avec un réel plaisir.