Procès Abdeslam : le silence est un droit absolu
Salah Abdeslam en use à son procès. Rien ne peut l'en empêcher
Publié le 05-02-2018 à 12h28 - Mis à jour le 05-02-2018 à 15h08
Salah Abdeslam en use à son procès. Rien ne peut l'en empêcher
Sans surprise, Salah Abdeslam, poursuivi en compagnie de Sofien Ayari, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, pour la fusillade de la rue du Dries, le 15 mars 2016, à Forest, qui fit des blessés parmi les forces de l’ordre, a refusé, lundi, au premier jour de son procès, de sortir du mutisme dans lequel il s’enferme délibérément et obstinément depuis son arrestation le 18 mars 2016.
Cette attitude a le don d’agacer les victimes de la fusillade, au centre du procès, mais aussi celles des attentats du 22 mars et celles des attentats de Paris, en novembre 2015, dont Abdeslam est le seul survivant. Pour autant, le prévenu ne fait qu’exercer un droit jugé essentiel par tous les juristes.
Bouddha enseignait qu’on “est maitre de ses silences et esclave de ses mots”. C’est sur cette maxime que repose le droit au silence consacré par la procédure pénale belge mais aussi par des textes internationaux.
Présomption d’innocence
Comme le rappelait encore récemment Me Olivier Klees dans un article publié par “Justice-en-ligne”, ce droit est fondamental dans un système où la charge de la preuve appartient non à celui qui est poursuivi mais au ministère public et où règne la présomption d’innocence.
De ces principes découlent les absences absolues d’obligations pour l’accusé de contribuer à la manifestation de la vérité et de s’auto-accuser.
En quelque sorte, le droit à un procès équitable, consacré par la Convention européenne des droits de l’homme, induit que l’accusé bénéficie du droit de se taire. La loi belge autorise, elle, de manière explicite l’auteur présumé d’une infraction pénale à conserver le silence face aux accusations dont il fait l’objet.
L’exercice de ce droit peut aller très loin. C’est ainsi que tout récemment le tribunal correctionnel de Malines a acquitté un homme qui avait refusé de donner ses codes d’accès GSM aux enquêteurs et qui était poursuivi en raison de cette attitude. Selon son avocat, Me Johan Platteau, cette affaire aurait pu créer un dangereux précédent, en contradiction avec le droit au silence dont bénéficient non seulement les accusés mais aussi les suspects, dès les premiers stades d’une enquête pénale.
Et le droit de mentir?
Un accusé peut dire la vérité: on vient de voir qu’il pouvait aussi se taire; mais peut-il mentir? En tant que tel, le droit de mentir n’existe pas. La loi belge ne dispose d’aucun droit de la sorte au profit de qui que ce soit. Le mensonge est d’ailleurs expressément sanctionné dans plusieurs matières du droit.
Devant son juge pénal, l’accusé ou le prévenu peut ne pas dire toute la vérité. S’il ment, il ne sera pas poursuivi pour ses mensonges mais il devra en subir les conséquences, explique Me Klees.
Lorsqu’un suspect choisit cette voie, la plupart du temps, son avocat l’en dissuade car il sait que le mensonge, “loin d’être une issue utile pour ses clients, peut au contraire les desservir”, observe Me Klees. “La pratique regorge d’exemples démontrant que si le juge est convaincu que certains arguments de défense ne sont que des contre-vérités, il condamnera plus sévèrement que dans le cas contraire.”
De plus, relève-t-il, si les avocats jouissent d’une immunité de plaidoirie, celle-ci ne va pas jusqu’à leur octroyer le droit de mentir.
Pour en revenir au droit au silence d’un accusé ou d’un prévenu, Me Klees relève que son exercice peut également entraîner chez le juge des réactions de désapprobation. C’est donc un choix dangereux lui aussi.