"Face à la juge, Salah Abdeslam a commis un attentat"
Publié le 07-02-2018 à 13h54 - Mis à jour le 07-02-2018 à 15h01
Salah Abdeslam, par son attitude lundi à son procès, a immanquablement marqué des points auprès de la frange la plus radicale, sensible aux discours djihadistes : c’est l’avis de l’islamologue Alain Grignard, membre du Centre étude sur le terrorisme et la radicalisation (CETR, Université de Liège). L’islamologue, qui travaille depuis 30 ans dans le domaine de l’islamisme radical et du terrorisme au sein de la police judiciaire fédérale, estime que Salah Abdeslam a géré, de main de maître, sa communication. "En premier lieu, il a dissipé les doutes qui auraient pu naître chez ses fans par rapport à son engagement. Il a montré un visage qui correspond au personnage que ses supporters peuvent attendre de lui", note M. Grignard. Et de pointer sa belle barbe de djihadiste.
"Il est venu délivrer un message sans doute appris par cœur", dit M. Grignard : "Il ne reconnaît pas la loi des hommes. Dieu est son seul maître. Et surtout, il insiste sur la victimisation des musulmans. Il a, en quelque sorte, commis un attentat", décrypte M. Grignard. Car, poursuit-il, "un attentat, c’est commettre une action pour avoir une réaction ou un influx psychologique chez son adversaire, tout en stimulant ses sympathisants". Cette stimulation de ses sympathisants est passée, note encore notre expert, par "le fait qu’il réenfile le costume qu’il n’aurait jamais dû quitter. Salah Abdeslam a en plus joué sur la fragmentation de la société, en plaçant d’un côté, les musulmans discriminés et de l’autre, le reste de la société". Il a donc ainsi marqué des points auprès de cette frange radicale sensible à un tel discours, conclut M. Grignard : "Il a choqué et c’est une forme d’attentat, vu toute la théâtralisation de ce procès."
Un futur héros ? Salah Abdeslam pourrait-il devenir un héros dans les milieux djihadistes ? M. Grignard ne l’exclut pas : "Oui, comme les détenus de Guantanamo. Il est devenu un ‘surmusulman’. C’est d’ailleurs sa seule porte de sortie, l’au-delà", car il ne sortira sans doute jamais de prison.