Me Sven Mary peut-il toujours représenter Salah Abdeslam?
Publié le 07-02-2018 à 06h45 - Mis à jour le 07-02-2018 à 10h35
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"Jugez-moi, faites ce que vous voulez de moi. Moi, c’est en mon Seigneur que je place ma confiance, je n’ai pas peur de vous, de vos alliés et de vos associés. Je place ma confiance en Allah et c’est tout". C’est en ces termes que Salah Abdeslam a manifesté, lundi, toute sa défiance à l’égard du tribunal correctionnel de Bruxelles, qui le juge pour sa participation dans la fusillade de Forest, le 18 mars 2016, quatre jours avant les attentats de Bruxelles.
Son procès se poursuivra jeudi avec, au programme, les plaidoiries des dernières parties civiles et de la défense. Salah Abdeslam a déjà fait savoir qu’il ne serait pas présent. C’est son droit. Mais son avocat, Me Sven Mary pourra-t-il, au regard des paroles de son client, le représenter et plaider ? Ce n’est pas certain.
Car les paroles de Salah Abdeslam, qui affirme qu’Allah est son seul juge, équivalent à dire qu’il ne reconnaît pas la légitimité du tribunal. Et son avocat, s’il prend la parole, ne peut dès lors dire qu’une chose, jeudi, en ouverture : "Je souhaite me distancer des paroles de mon client car moi, avocat, je reconnais la légitimité du tribunal". A moins de se lancer dans une défense de rupture, ce qui paraît difficile pour un avocat qui plaide quotidiennement devant le même tribunal correctionnel de Bruxelles.
Un ténor du barreau, contacté par "La Libre", reconnaît le problème : "Nous ne sommes pas en guerre comme cela a pu être le cas pour les révolutionnaires algériens en révolte contre l’Etat français, qui étaient jugés par des tribunaux militaires. Le tribunal correctionnel de Bruxelles est légitime. Il est désigné par la loi, en conformité avec la Constitution et la convention de sauvegarde des droits de l’homme. L’avocat qui assiste Salah Abdeslam ne peut donc, à mon sens, raisonnablement contester la légitimité du tribunal. Il est même dans l’impossibilité de le faire", note cet avocat, qui préfère rester anonyme, car il ne veut pas donner l’impression qu’il donne des leçons à Me Sven Mary.
Salah Abdeslam paraît maître du jeu
Or, Salah Abdeslam conteste la légitimité du tribunal. L’avocat, poursuit ce ténor expérimenté dans des défenses complexes en assises comme en correctionnelle, est indépendant de son client et agit dans l’intérêt de ce dernier : "Il ne doit pas être le perroquet de son client. Rien n’empêche l’avocat de plaider dans ce qu’il estime être l’intérêt de son client et de développer son argumentation".
Mais, pour agir de la sorte, il faut qu’il ait toujours le mandat de son client. Et il faudrait que Me Mary s’assure que Salah Abdeslam accepte qu’il se distancie de lui, décrypte notre ténor.
Si Abdeslam accepte, il n’y a pas de problème : Me Mary pourra plaider. Et s’il n’accepte pas, Me Mary devra se retirer. Salah Abdeslam a-t-il déjà décidé ? Il a encore 24 heures pour le faire. Me Sven Mary n’était pas joignable mardi pour répondre à nos questions.