Un vortex polaire va faire grelotter la Belgique: jusqu'à -20°C attendus la semaine prochaine

Les températures vont continuer à descendre cette semaine, jusqu'à atteindre un froid glacial début de semaine prochaine.

Sophie Devillers

Les températures vont continuer à descendre cette semaine, jusqu'à atteindre un froid glacial début de semaine prochaine.

Si la nuit est dégagée et le vent est faible, comme c’est prévu, le mercure pourrait frôler les moins 20 degrés, début de semaine prochaine, dans certaines vallées de Hautes-Fagnes. Il devrait faire jusque moins 15 en Hautes-Ardennes. Dans le centre du pays, les minimas pourraient aller jusque -10°C la nuit en Brabant wallon, et osciller autour des - 8°C, en ville, comme à Uccle, où il pourrait faire environ 0°C en journée. Glacial, quand on sait que les normales saisonnières tournent, les 26 et 27 février, autour des + 8 degrés en journée et de 2 degrés la nuit.... Jusque là, les températures baisseront très progressivement, avec une “plongée” dans la nuit de dimanche à lundi, avec les jours les plus froids lundi et mardi. En cause ? Pour David Dehenauw, le chef du bureau du temps à l’Institut royal de météorologie, ces journées à claquer des dents sont causées - et “c’est l’explication principale” - par un “vortex polaire”.

Un vortex polaire va faire grelotter la Belgique: jusqu'à -20°C attendus la semaine prochaine
©IPM

Un vortex polaire ? Il s’agit d’un phénomène naturel, situé aux pôles - en l’occurence, au Sud du pôle Nord . “C’est une sorte de ceinture d’air froid qui se situe au niveau des pôles, et qui est elle-même ceinturée par des vents, qui vont dans le sens anti-horlogique dans l’hémisphère nord, dans l’axe Ouest-Est. Ce sont des vents qui vont plutôt amener un flux d’Ouest, qui va donc amener en général dans nos régions, de la douceur. Cette ceinture se forme à l’automne et va perdre de son intensité au printemps”, détaille le climatologue Pascal Mormal, du service renseignements climatologiques et météorologiques à l’IRM. Habituellement, ce vortex, situé à 30 km d’altitude, maintient le froid au niveau de la stratosphère (entre 10 et 50 km d’altitude), et permet que nos régions soient soumis à un flux plus océanique.

Dôme d’air éclaté par la chaleur Mais ce n’est pas ce qui se passe en ce moment : la stratosphère de l’Arctique connaît en effet actuellement un réchauffement de plusieurs dizaines de degrés, sur quelques jours, elle qui peut pourtant descendre jusqu’à une température de moins 80°C. Conséquence : cela a pour effet d’éclater ce“dôme” d’air froid et donc de le morceler, de désorganiser la circulation au sein de la stratosphère. Cet éclatement du vortex a eu lieu début février. Certaines parties de ce courant sont perturbées, ce qui va ralentir le flux d’Ouest. Qui dit ralentissement du flux d’Ouest, dit développement d’air plus continental. Il s’agit ici d’un air froid, voire très froid. Plus précisément, cet air glacial nous vient actuellement de la Sibérie. Avantage : un ciel dégagé chez nous et donc de la luminosité. A noter que le vortex ne se trouvera donc pas lui-même au-dessus de la Belgique. Il est plutôt en train de se diriger vers l’Amérique du Nord.

C’est a priori paradoxal : un réchauffement en stratosphère peut donc amener dans notre atmosphère à nous, au niveau du sol, un net refroidissement. “Nous avons déjà assisté à ce genre de phénomène en 2013 et cela avait donné une fin d’hiver et un début de printemps très froid en Europe occidentale, ajoute Pascal Mormal. En Belgique, le 15 mars, nous avions enregistré à Elsenborn - 17, 9 °C et, le 13 mars, à Uccle, - 10, 1°C. C’est la date la plus tardive, à Uccle, où on est descendu plus bas que -10°C. On avait aussi connu des situations hivernales, qui s’étaient prolongées jusqu’en mai: aux alentours du 23, on avait encore observé de la neige au sol dans les Hautes Fagnes.”

Le réchauffement climatique ? Comment expliquer ce phénomène de vortex “capricieux” ? Certaines études - dont l’une publiée dans “Nature climate change” fin 2016 - font un lien entre ce type de modifications au niveau du vortex (et donc des températures plus froides chez nous) et la perte de glace en Arctique due au réchauffement climatique. Mais ces résultats n’ont pas convaincu tous les climatologues. Pour Pascal Mormal, il est en outre prématuré de tirer de telles conclusions. Et selon David Dehenauw, nous nous trouvons ici en face d’un phénomène parfaitement naturel, qui n’a rien à voir avec le dérèglement climatique. “Ce réchauffement dans la stratosphère est engendré par un anticyclone, qui n’a rien de bizarre, mais dont la puissance est remarquable. Avec un vortex polaire, les températures en altitude (à 30 km) sont normalement plus froides. C’est uniquement lorsqu’un anticyclone se forme en altitude que les températures seront plus élevées. C’est une loi naturelle.” Le réchauffement a été brutal, mais c’est un hasard de la nature, estime David Dehenauw, qui précise : “le phénomène même n’est pas vraiment rare, c’est surtout l’intensité, et le moment, qui causent l’impact sur le temps belge. Quand cela se produit en fin d’hiver, la Russie est déjà vraiment froide, et on a un transport d’air froid vers la Belgique. Si cela se produit en automne ou en été, ce sera moins spectaculaire au niveau des températures belges...”

D’autres météorologues sont plus prudents et évoquent simplement ce qu'ils appellent un “Moscou-Paris”, assez classique, mais qui se produit normalement plutôt au coeur de l'hiver. Il s'agit d' une coulée d’air froid venue de Sibérie, favorisée par un très puissant anticyclone qui bloque les précipitations venues de l’océan. Anticyclone lui-même actuellement activé par une dépression en Méditerranée.

Quelques statistiques :

La Belgique connaîtra des températures très froides ces prochains jours. A-t-on déjà connu une offensive hivernale aussi tardive ? “Il y en a eu 8 depuis 1901, toutes avant 1980, signale Fabian Debal (IRM). Mais la vague de froid la plus longue en février date de 1986. Elle a duré du 4 février au 4 mars. Cet hiver, on n’a pas encore connu une poussée hivernale pareille.” Pour une vague de froid officielle, “il faut cinq nuits consécutives de gel – on les aura – mais aussi 3 jours consécutifs de gel à Uccle. Lundi et mardi, on les aura. La question porte sur mercredi prochain.” Les records absolus ne seront pas battus, avertit son collègue Pascal Mormal. “En revanche, ces températures sont remarquables par l’intensité du froid à cette époque de l’année.” J.-C.M. et So.De.


Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...