Des études de droit plus "professionnelles" pour moderniser le métier d'avocat
Publié le 28-02-2018 à 14h11 - Mis à jour le 28-02-2018 à 14h12
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C’est l’une des propositions du rapport sur la modernisation du métier d’avocat. Les universités ne sont pas convaincues.Maîtres Patrick Henry et Patrick Hofströssler, les deux experts chargés de réfléchir à l’avenir du métier d’avocat, que le ministre de la Justice souhaite moderniser, ont remis lundi un rapport de 650 pages à Koen Geens (CD&V). Il contient 38 propositions.
Refonte des études rejetée par les universités
La première concerne la formation des juristes. Les deux avocats suggèrent de répartir les deux années de master en droit en une année théorique et en une année préparatoire à l’exercice du métier. Les étudiants choisiraient entre le monde judiciaire, le notariat ou le conseil aux entreprises. Les experts entendent aussi revaloriser le stage (qui ne durerait plus que deux ans au lieu de trois) en prévoyant un encadrement de plus grande qualité.
Les doyens des universités ne souhaitent toutefois pas aller dans cette direction, estimant que le rôle de l’université n’est pas de former des professionnels et que les études de droit doivent demeurer une formation générale.
Pour Mes Henry et Hofströssler, la modernisation du métier est rendue nécessaire par les évolutions socio-économiques de la société. A leurs yeux, dans un avenir proche, l’avocat ne sera plus un expert du droit mais "un expert-gestionnaire de données ayant un impact juridique". L’un des enjeux cruciaux de ces prochaines années est, disent-ils, lié au développement de l’intelligence artificielle. Il faut que les cabinets d’avocats prennent ce développement à leur compte et ne laissent pas le marché leur échapper, au profit d’entreprises étrangères au secteur. Des incitants fiscaux semblables au tax shelter, qui a été appliqué au monde du cinéma, pourraient les y aider.
Les deux experts suggèrent aussi de permettre aux avocats d’étendre le champ de leurs activités professionnelles, en exerçant des activités complémentaires. Ils songent à des métiers comme syndic, mandataire, agent de sportif ou d’artiste, lobbyiste, etc. Ils ne sont pas hostiles à la suppression de l’incompatibilité entre la profession d’avocat et celles de notaire ou d’huissier de justice.
S’ils considèrent que l’avocat qui accepte un mandat politique doit s’interdire de mener une action pour ou contre l’autorité au sein de laquelle il exerce son mandat, ils sont contre l’interdiction de tout cumul entre les fonctions de juriste et de politique.
Ils plaident aussi pour la création de postes d’avocats salariés; pour une "forfaitisation" au moins partielle des rémunérations; pour l’autorisation de l’exercice de la profession par le biais d’une société ; pour une intervention accrue des avocats dans les actions collectives.
Liquidateurs judiciaires
Autre originalité : les experts proposent de donner aux avocats le rôle "de liquidateur judiciaire de dommages" à la suite de catastrophes comme celle de Ghislenghien. Il faudrait aussi que le caractère fondamental du secret professionnel de l’avocat soit consacré par le Code pénal et que tout litige lié au secret professionnel soit tranché par un juge ad hoc, le juge du secret. En matière disciplinaire, les auteurs du rapport recommandent la mise en place d’un conseil de discipline commun avec les notaires et les huissiers.
Ils se déclarent par ailleurs favorables à la création de deux barreaux communautaires, un point qui n’a pas l’aval, à ce jour, de l’assemblée générale d’Avocats.be. Enfin, l’instauration de l’égalité des genres dans les organes de la profession leur tient à cœur.