"Les visites domiciliaires ne sont pas la première exception à l'inviolabilité du domicile"
- Publié le 10-04-2018 à 06h35
- Mis à jour le 11-04-2018 à 10h10
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Troisième intervenante au colloque organisé par l’Institut des droits de l’homme du barreau de Bruxelles (voir ici), la juge d’instruction bruxelloise Geneviève Tassin a tenu à examiner le projet de loi sur les visites domiciliaires comme elle le fait de tout dossier : à charge et à décharge.
Ne pas se laisser guider par ses émotions
Lorsqu’elle a appris ce que ce texte prévoyait, elle a, confesse-t-elle, ressenti de l’indignation en songeant au rôle que le gouvernement voulait faire jouer au juge d’instruction, "ce juge que l’on veut transformer en juge de l’enquête, lequel sera au juge d’instruction ce que la margarine à l’huile de palme est au beurre de ferme bio".
"Et puis, je me suis demandé si, dans les appels de Manuela Cadelli (NdlR : la présidente de l’Association syndicale des magistrats), de Michel Visart (NdlR : l’ancien journaliste de la RTBF qui a perdu une fille dans les attentats de Bruxelles et se montre très actif auprès des migrants du parc Maximilien), des membres de l’opposition et de diverses organisations, il n’y avait pas un peu trop d’émotion et si l’on ne pêchait pas par amalgame à l’égard du texte du gouvernement."
Geneviève Tassin relève, par exemple, que tous ces opposants ont parlé "d’intimidation à l’égard des accueillants mais n’ont pas évoqué le fait que les étrangers visés étaient en séjour illégal".
Une série d’exceptions
Elle observe dans la foulée que le projet de loi ne donne pas le droit de casser la porte des maisons des hébergeurs, ni de fouiller dans leurs armoires mais aussi que ce ne serait pas la première exception au principe de l’inviolabilité du domicile.
Mme Tassin cite plusieurs exemples de textes, comme la loi sur les stupéfiants de… 1921, le Code pénal social ou la loi sur les douanes et accises, qui permettent à des policiers, des inspecteurs sociaux ou des douaniers de pénétrer dans des lieux (ateliers, locaux professionnels mais aussi domiciles privés) où des activités illégales sont soupçonnées.
Elle évoque, dans la foulée, les visites domiciliaires régulièrement menées par des juges d’instruction, "parfois chez la maman aveugle d’un suspect". Elle rappelle aussi que le projet de loi dit que les tiers hébergeurs d’étrangers en séjour illégal ne seront pas punissables.
Elle s’interroge également sur les raisons de la méfiance que l’Office des étrangers suscite auprès de certains milieux judiciaires ou médiatiques et se demande si elle est justifiée.
Elle affirme, enfin, que certains étrangers abusent de la situation et qu’on peut légitimement se demander comment il se fait qu’ils soient encore sur le territoire belge alors qu’ils ont multiplié les délits.
Selon elle, il est cohérent que l’exécutif veuille mettre en œuvre les décisions d’expulsion.
Blanc-seing inacceptable
Pourtant, in fine, Geneviève Tassin se déclare hostile au projet de loi parce qu’il cherche à instrumentaliser les juges d’instruction; parce qu’il donne à une autorité administrative un blanc-seing qu’on ne peut accepter; parce qu’on ne connaît pas les modalités de la procédure; parce que l’étape suivante consistera peut-être à se passer de toute forme d’autorisation d’un juge.
Et parce que tout cela n’est décidément pas rassurant.