Deux journalistes hébergeuses de migrants poursuivies pour trafic d’êtres humains

Sarah Freres
Deux journalistes hébergeuses de migrants poursuivies pour trafic d’êtres humains
©AFP

En matière d’hébergement et d’aide aux migrants, mieux vaut connaître les limites légales à ne pas dépasser. Poussée trop loin, la solidarité peut mener au tribunal, voire à la prison. Myriam Berghe, journaliste pour "Femmes d’Aujourd’hui" et Anouk Van Gestel, rédactrice en chef de "Marie Claire Belgique" ne le savent que trop bien. Toutes deux hébergeuses, elles sont aujourd’hui poursuivies en justice pour organisation de trafic d’êtres humains, avec dix autres personnes dont certaines ont effectivement organisé des transferts de migrants vers le Royaume-Uni.

Interrogées par "Moustique", les deux journalistes défendent avec force "leurs actions solidaires" et refusent toute comparaison avec des trafiquants d’êtres humains. "Depuis trois ans, je consacre ma vie à essayer d’aider des gens et je me retrouve poursuivie pour trafic d’êtres humains. C’est infamant", explique Myriam Berghe dans l’hebdomadaire. Toutes deux admettent toutefois avoir flirté avec l’illégalité : l’une s’est renseignée pour faire passer un mineur en Angleterre - elle n’est jamais passée à l’acte - et l’autre a utilisé Western Union pour récupérer de l’argent pour un migrant. "J’ai peut-être franchi la ligne jaune mais jamais la rouge", concède encore la journaliste littéraire. En outre, parmi les migrants qu’elles ont hébergés, certains sont soupçonnés d’être des passeurs.

Une première en Belgique

L’affaire risque de faire grand bruit. En effet, c’est la première fois que des hébergeuses sont jugées pour trafic d’êtres humains en Belgique. Dans un premier temps, le tribunal correctionnel de Termonde avait été saisi de cette affaire. Onze des douze accusés étant francophones, leurs avocats ont toutefois demandé le renvoi de l’affaire devant un tribunal francophone. Ce qui a été accepté ce lundi. C’est donc le tribunal de première instance francophone de Bruxelles qui devra trancher. Pour les avocats de la défense, ce renvoi est un soulagement. "J’ai l’impression qu’à Termonde, ça tournait à l’acharnement, souffle Alexis Deswaef, avocat d’Anouk Van Gestel. Le changement de langue est un droit. Mon espoir est que le dossier soit traité avec plus de sérénité et que la distinction sera faite entre une citoyenne solidaire et des trafiquants d’êtres humains, qui doivent évidemment être poursuivis."

Jusqu’à dix ans de prison

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes affichent leur soutien envers les deux journalistes. Beaucoup s’interrogent aussi sur les conséquences d’un tel procès : à l’avenir, la générosité mènera-t-elle à des poursuites judiciaires ?

Parmi les personnes qui ont comparu devant le tribunal de Termonde ce lundi matin, cinq ont été placés en détention en attendant le procès. Les deux journalistes n’ont quant à elles pas été incarcérées mais elles risquent jusqu’à dix ans de prison. Le temps qu’il soit traduit, le dossier devrait être rouvert à Bruxelles à l’automne, après les congés judiciaires.

En attendant, Mehdi Kassou, porte-parole de la Plateforme citoyenne, se prépare déjà. "On va suivre ce procès de près. Je pense qu’il fera parler de l’hébergement, notamment en mal. Mais peu importe. Face à des tentatives de criminalisation, on trouvera toujours une réponse à la hauteur. Depuis le début, on rappelle que l’hébergement a un but humanitaire : manger, dormir, soigner. On a sensibilisé tout le monde pour respecter les règles et je crois que l’on a bien fait. Mais on sent quand même toujours des tentatives de nous décrédibiliser."

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