Le centre fermé pour familles ouvrira dans dix jours : voici à quoi il ressemble
Après les parlementaires et les ONG, c'était au tour de la presse de visiter ce centré controversé
- Publié le 19-07-2018 à 15h37
- Mis à jour le 19-07-2018 à 16h49
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Un toboggan jaune, deux balançoires vertes, un petit terrain de football avec un seul goal, une maisonnette... La plaine de jeux du centre fermé pour familles a tout pour plaire aux enfants. Enfin, presque. Ils devront faire fi des hauts grillages verts foncé, cerné d'un trompe-l'oeil imitant un champ de blé. Légèrement transparent, ce panneau mal photoshopé cache tout aussi mal les avions qui atterrissent toutes les cinq minutes à quelques mètres de là, dans un vacarme parfois assourdissant. "Des casques anti-bruit seront distribués aux enfants - s'ils le souhaitent - qui jouent dehors", assure Freddy Roosemont, directeur de l'Office des Etrangers (OE), ajoutant que les nuisances sonores ont été examinées et jugées normales. "Tout dépend du vent et du type d'avion". Pour rappel, différentes études ont démontré qu'une exposition à un bruit excessif peut générer des troubles du sommeil, de l'apprentissage, de l'hypertension et rendre agressif.
Centre fermé pour familles de Steenokkerzeel
Construites à proximité de l'aéroport pour des raisons pratiques, les unités familiales jouxtent le centre pour adultes 127bis. Á sa gauche, on distingue la tour de Belgocontrol. À sa droite, le centre fermé de transit Caricole. Derrière les clôtures, des passionnés d'avion, des 'spotters', se hissent sur des échelles pour prendre les meilleurs clichés possibles.
Les familles pas encore identifiées
L'extension familiale du 127bis devrait ouvrir dans une dizaine de jours, après que le chantier a essuyé de nombreux retards. Destiné à accueillir les familles en séjour irrégulier en attente de leur rapatriement, ce projet très controversé est régulièrement critiqué. La campagne "On n'enferme pas un enfant. Point." a d'ailleurs réuni quelques 303 organisations. En juin, la Commissaire aux droits de l’homme a également appelé dans une lettre le secrétaire d’Etat, Theo Francken (N-VA) à ne pas "revenir à des pratiques anciennes qui compromettent les droits de l’enfant".
Les familles qui y seront placées n'ont pas encore été identifiées, l'arrêté royal permettant leur enfermement n'ayant pas encore été signé. D'après Freddy Roosemont, le centre devrait toutefois rapidement tourner à plein régime. "Sur les premiers mois de l'année, nous avons accueilli 100 personnes dans les maisons de retour. Près de 40 se sont évadées. Elles n'ont pas toutes été retrouvées et les recherches ne sont pas à l'ordre du jour. Sont-elles encore en Belgique ? On l'ignore", explique Freddy Roosemont, qui n'exclut pas des tentatives d'évasion ici. Un scénario toutefois peu probable, estime le directeur de l'Office des Etrangers. "Un père pourrait s'évader. Mais cela revient à laisser sa femme et ses enfants derrière lui".
Pour rappel, l'administration insiste sur l'approche en cascade de la détention. Cela signifie que les familles n'iront en centre fermé que si elles n'ont pas coopéré pour un retour volontaire. Une approche que l'Office des Etrangers juge nécessaire, vu le taux d'évasion (37 % en 2017). Cependant, elle pourrait s'avérer être un frein au retour, vu l'aspect inéluctable de la détention. Une famille qui sait qu'elle ira, si elle n'obtempère pas, en centre fermé sera-t-elle plus encline à collaborer ? Rien n'est moins sûr.
Quatre semaines maximum de détention
Sur le site, quatre maisons de huit ou de six personnes font face à une pelouse forcée à pousser plus vite que la nature ne le permet. Chaque unité compte une machine à laver, une cuisine, un salon avec télévision, des lits superposés pour enfants et une chambre séparée pour les parents, avec vue sur les clôtures. Entre 22h et 6h, leurs habitants devront rester à l'intérieur. À terme, le centre pourrait être agrandi : d'autres habitations pourraient être érigées sur les dalles de béton pour l'instant vierges.

Dans un autre de ces containers recouvert d'un bardage en bois, on trouve la salle commune et la salle de classe, où des enfants âgés de 0 à 17 ans pourront suivre des cours. "En deux semaines, on ne peut pas leur apprendre grand chose", souligne Freddy Roosemont. "Dans les centres pour adultes, les cours de langue et d'informatique ont beaucoup de succès. Les plus grands pourront manifester leur intérêt pour telle ou telle matière". Au total, 19 personnes (psychologue, instituteur, infirmier, éducateurs, coaches et personnel de sécurité) ont été engagées pour faire tourner le centre.

La durée de détention ? Deux semaines, prolongeables de deux semaines, soit quatre semaines maximum. Un timing serré au niveau juridique, si les familles introduisent des recours, mais aussi au niveau de l'organisation. "Il faut trouver et réserver plusieurs places dans le même avion, ce qui peut prendre deux à trois semaines", indique Freddy Roosemont. Quid si le délai est dépassé ? Les familles retourneront en maisons ouvertes, dites aussi maisons Tuterlboom, qui constituent une alternative à la détention. Quant au coût de la détention, l'Office des Etrangers a botté en touche, nous renvoyant à la Régie des Bâtiments. À noter que, dans un centre pour adultes, le maintient en centre fermé coûte 192 euros par jour.
Les associations sur le pied de guerre
Droit à l'information, à un interprète, à l'assistance juridique, aux soins médicaux et psychologiques, à la communication et aux visites, possibilité de s'acheter un GSM dans le centre (sans interdit et sans appareil photo) ou d'utiliser celui du centre, accès (limité) à internet, détente et activités récréatives... Durant la visite de presse, ces services ont été mis en avant par l'administration. Ceux-ci laissent malgré tout les organisations de défense des droits des migrants sceptiques. "C'est merveilleux !", ironise Sotieta Ngo, directrice du Ciré (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Etrangers). "Des nounours au mur et des ballons de foot aux couleurs de la Belgique ne changent rien. Un centre fermé, c'est une prison pour étranger. Quel que soit le confort, quels que soient les aménagements, cela reste de la détention". Et d’ajouter que le secteur associatif est sur le pied de guerre, en attendant la première détention d’enfants.
