Un jeune homme qui harcelait des ados sur Facebook a été reconnu coupable de viol via webcam. Un jugement inédit
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Publié le 25-09-2018 à 11h11 - Mis à jour le 25-09-2018 à 15h45
Cinq ans de prison avec sursis pour attentats à la pudeur, incitation à la débauche et viol via webcam, soit à distance, sans contact physique entre l’auteur et la victime : c’est le jugement, inédit, prononcé mardi matin par la 54e chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles contre Soufiane, 25 ans, qui avait harcelé une douzaine d’adolescentes sur Facebook. La plus jeune avait 13 ans.
Les faits se sont déroulés entre juin 2011 et mai 2016. Via trois profils Facebook, Soufiane chassait ses proies sur le net. Dans certains cas, les adolescentes qu’il avait réussi à amadouer leur envoyaient elles-mêmes des photos en sous-vêtements, tout à fait dénudées ou en train de se caresser. Sinon, il se les procurait via des connaissances. On a retrouvé dans son téléphone et son ordinateur de très nombreuses images d’adolescentes ainsi que des discussions clairement à caractère sexuel. Plusieurs jeunes filles ont tenté de mettre un terme à ses agissements en bloquant l’accès à leur profil Facebook : il réapparaissait sur Viber avec un autre numéro de téléphone. Le cyber-harcèlement était tenace, avec menaces à l’appui : si les jeunes filles refusaient de poursuivre, il balançait leurs photos compromettantes sur internet. Craignant d’être dénigrées par leurs amis, elles étaient piégées.
“Petit copain virtuel”
Une douzaine de jeunes victimes ont été identifiées. Dont E., qui avait 15 ans. Le 4 octobre 2015, en soirée, la fille est contactée par Soufiane, son “petit copain virtuel”, qu’elle n’a jamais rencontré. Il lui demande de brancher la webcam, de se déshabiller et de se pénétrer avec les doigts. À un moment, il lui demande d’introduire des objets dans son vagin. Elle refuse. Si Soufiane a reconnu les autres préventions, il a toujours nié ces faits-là.
A l’audience du 4 septembre, la défense a demandé l’acquittement pour le viol. Le parquet voulait lui clairement marquer le coup. “Ces webcams, ça devient un fléau. Cela doit suffire !”, s’est exclamée la substitute. Invoquant l’article 375 du Code pénal, qui définit le viol comme “une pénétration de quelque nature que ce soit par quelque moyen que ce soit”, elle estimait que les éléments constitutifs de l’infraction étaient réunis. “On ne dit pas que l’auteur doit être dans la même pièce que la victime, ni que c’est l’auteur qui doit pénétrer sa victime. On a ici les conditions du viol : la pénétration a eu lieu sous la menace, même si l’auteur n’était pas à côté d’elle”, avait plaidé la substitute. Il s’agit certes d’une “interprétation évolutive” de l’article 375,convenait-elle, “mais à l’époque, on ne pouvait pas imaginer qu’on allait par la suite obliger des personnes à commettre des actes sexuels sur eux-mêmes via la webcam”.
“Incontestablement forcée”
Le tribunal – une chambre à trois juges – a suivi ce raisonnement. “Il n’est pas contestable qu’un acte de pénétration sexuelle a bien eu lieu”, dit le jugement. La définition légale de l’infraction de viol inclut l’hypothèse où la victime doit faire des actes sur sa propre personne alors même qu’aucun contact physique n’a eu lieu avec l’auteur, poursuit-il.
L’absence de consentement de l’adolescente est incontestable : les éléments du dossier, et notamment les échanges via Webcam, révèlent le chantage, les insultes (du genre “pute horrible”) et les menaces de “te faire des trucs pas très bien” si elle refuse. A 23h11, il demande à la jeune fille de mieux se positionner face à la webcam…
Le prévenu a progressivement manipulé la victime de 15 ans qui était “indéniablement sous son emprise”, dit le jugement. A aucun moment, la jeune fille n’a consenti à la pénétration sexuelle. “Elle a été incontestablement forcée par la ruse et la contrainte morale”, dit le jugement.
Lâchement abrité derrière l’anonymat de Facebook
Le tribunal a donc considéré que toutes les préventions, y compris le viol, étaient établies dans le chef du prévenu qui a favorisé la débauche et la corruption de jeunes filles mineures en utilisant toutes les possibilités des réseaux sociaux pour obtenir des faveurs sexuelles.
L’auteur s’est lâchement abrité derrière l’anonymat de Facebook pour exercer un chantage odieux sur ses victimes, dit le jugement. Soufiane, qui n’a pas de casier judiciaire, est condamné à 5 ans de prison avec sursis probatoire (ne pas commettre d’infraction; entamer un suivi thérapeutique; suivre une formation; chercher un emploi...) pendant toute la durée de la peine.