Les élèves en immersion ne sont pas moins bons en français que les autres
Une recherche présentée ce mercredi mesure les bienfaits de l’immersion. Que les chercheurs conseillent néanmoins de ne pas généraliser maintenant.
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- Publié le 07-05-2019 à 19h39
- Mis à jour le 07-05-2019 à 19h40
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Une recherche présentée ce mercredi mesure les bienfaits de l’immersion. Que les chercheurs conseillent néanmoins de ne pas généraliser maintenant.
En Fédération Wallonie-Bruxelles, l’enseignement en immersion connaît un succès grandissant. Mais est-il vraiment la panacée ? Et devrait-on le généraliser ? Il y a cinq ans, pour tenter de répondre à ces questions, des chercheuses et chercheurs de l’UCLouvain et de l’UNamur (1) se sont lancés dans un vaste travail multidisciplinaire dont les résultats seront rendus publics ce mercredi.
1. Une recherche pourquoi, sur qui, comment ?
Les chercheurs ont vu grand : ils ont simultanément examiné l’enseignement en immersion et l’enseignement "classique" des langues, l’immersion dans le primaire et dans le secondaire, et l’immersion en anglais et en néerlandais, le tout sur deux années scolaires, de septembre 2015 à juillet 2017. Leur objectif : analyser l’impact de l’apprentissage des langues sur le fonctionnement cognitif, linguistique et socio-affectif des apprenants.
Concernant l’immersion, ils ont observé deux cohortes : des enfants de cinquième puis de sixième primaire et des jeunes de cinquième puis de sixième secondaire. Au total, 22 écoles et plus de 900 élèves ont été impliqués, ainsi que des parents, des enseignants et des directions.
2. Au moins aussi bons en français
Certains parents hésitent à opter pour l’immersion par peur d’un impact négatif sur la maîtrise de la langue maternelle. À tort. Les données observées permettent aux chercheurs d’affirmer que les élèves en immersion obtiennent en français des résultats au moins équivalents, voire meilleurs.
3. Meilleurs dans la langue d’immersion
Concernant la langue cible, les élèves en immersion font preuve d’une meilleure maîtrise que ceux qui ne le sont pas. "C’est plus visible pour le néerlandais que pour l’anglais, constate Kristel Van Goethem, spécialiste de la linguistique néerlandaise. Les élèves en immersion ont un vocabulaire plus riche et font moins d’erreurs lexicales ou grammaticales." En secondaire, on relève aussi leurs meilleures compétences écrites.
4. Le néerlandais, plus difficile et moins attrayant
"On ne relève chez les élèves en immersion aucun des avantages cognitifs non verbaux souvent attribués aux personnes bilingues, relève Morgane Simonis. Probablement parce que ces fonctions, comme la vitesse d’association d’idées, sont entraînées par d’autres pratiques que le bilinguisme." Par contre, il y a des spécificités socio-affectives. Si tous les élèves rencontrés paraissent relativement motivés à apprendre une langue étrangère, certains le sont moins que d’autres.
Les moins motivés de tous sont les élèves de l’enseignement traditionnel pour le cours de néerlandais. L’immersion ne compense d’ailleurs que partiellement la mauvaise image de la langue de Vondel. Dans le traditionnel comme en immersion, l’anglais est considéré comme plus attrayant et plus facile que le néerlandais. "Notez, constate Laurence Mettewie, spécialiste de la linguistique néerlandaise, qu’il y a un lien direct entre la perception du conflit entre néerlandophones et francophones et celle du néerlandais. Plus le conflit est considéré comme grave et important, plus le néerlandais a une image négative." A contrario, plus il y a de contacts de qualité avec des néerlandophones dans la vraie vie, plus l’image de cette langue est positive.
5. Conclusion : l’urgence de trouver des profs enthousiasmants
Les chercheurs constatent que l’immersion attire un public plutôt privilégié aux niveaux socio-culturel, familial et scolaire. C’est une des raisons pour lesquelles il ne faut pas surestimer ce type d’enseignement. On trouve effectivement des effets positifs en immersion mais qui ne sont pas nécessairement dus à l’immersion. "Généraliser ce type d’enseignement serait par conséquent une erreur, conclut Philippe Hiligsmann, enseignant à l’UCLouvain. Nous préconisons plutôt d’investir d’urgence dans un enseignement des langues de qualité partout."
L’idée est d’importer pour tous les outils clés qui en font la réussite, comme de favoriser les contacts naturels avec des locuteurs natifs (dont des profs enthousiastes et enthousiasmants) et de repenser le lien entre langues et matières de cours. Seulement, avec la pénurie bien réelle de profs de langues, la réalité confronte ces suggestions à un problème de taille…Monique Baus
(1) L’équipe de recherche UCLouvain-UNamur est constituée de Philippe Hiligsmann, Benoît Galand, Laurence Mettewie, Fanny Meunier, Arnaud Szmalec, Kristel Van Goethem, Luk Van Mensel, Amélie Bulon, Audrey De Smet, Isa Hendrikx et Morgane Simonis.