Comment Mayeur et Courtois ont décroché le Grand départ du Tour de France
Les 6 et 7 juillet, Bruxelles accueille les deux premières étapes de la Grande boucle. C’est la Ville sous l’ère Mayeur qui a acheté le plateau du Tour pour cinq millions d’euros. Face à Copenhague et à la Vendée, la Belgique d’Eddy Merckx a été plus forte. Récit.
Publié le 28-06-2019 à 08h44 - Mis à jour le 28-06-2019 à 10h07
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Les 6 et 7 juillet, Bruxelles accueille les deux premières étapes de la Grande boucle. C’est la Ville sous l’ère Mayeur qui a acheté le plateau du Tour pour cinq millions d’euros. Face à Copenhague et à la Vendée, la Belgique d’Eddy Merckx a été plus forte. Récit.
La rencontre au sommet se déroule en 2016 dans un grand restaurant parisien. Ce jour-là, Yvan Mayeur et Alain Courtois ont sorti leur meilleur atout pour tenter de convaincre Christian Prudhomme de faire passer son édition 2019 par la capitale belge. Il faut dire que l’actuel directeur du Tour de France est l’un des organisateurs les plus courtisés de la planète. Les villes d’Europe s’arrachent son événement qui se hisse désormais à la troisième place dans le classement des manifestations sportives les plus prisées au monde, derrière la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques. "La Coupe du monde et les JO ? Nous ne pouvions pas les obtenir, commente Alain Courtois. Un championnat d’Europe ? Nous l’avions eu en 2000. Et on ne l’aura probablement plus jamais. Que restait-il ? Le Grand départ du Tour de France."
Bille en tête, l’ancien échevin libéral des Sports à la Ville de Bruxelles et son bourgmestre socialiste de l’époque décident de mettre les bouchées doubles pour tenter de décrocher le Graal. Ce midi-là, Eddy Merckx a fait le déplacement à leurs côtés, de même que le commentateur sportif belge Rodrigo Beenkens. " Je me souviens encore de ce qu’Eddy avait déclaré ce jour-là, se remémore Yvan Mayeur. Il avait dit à Prudhomme : ‘Si le Tour 2019 peut faire une étape à Bruxelles, ce serait merveilleux’. Comme à son habitude, il était trop humble."
La Ville de Bruxelles et ses dirigeants voient en effet plus grand et briguent non seulement une seconde étape mais carrément aussi le Grand départ du Tour 2019.
L’après-attentats et le soutien indéfectible de Hidalgo
L’année 2019 célèbre non seulement les cent ans du Maillot jaune (porté 111 fois par Eddy Merckx, un record encore aujourd’hui) mais également les cinquante ans de la première victoire du Cannibale au Tour de 1969. De quoi fournir des arguments de poids pour Bruxelles qui, rappelons-le, n’avait plus accueilli cet événement sur son territoire depuis 1958. "Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela rapporte à une ville en termes de visibilité internationale et de retombées économiques, insiste M. Mayeur. Alain et moi plaidions pour le Grand départ car nous souhaitions que le Tour soit présent à Bruxelles pendant au moins une semaine. Une étape, un jour, cela nous semblait trop faible compte tenu de ce qu’Eddy incarnait. Par ailleurs, nous recherchions un événement qui puisse redonner un souffle nouveau à notre ville."
Quelques mois plus tôt, Bruxelles est en effet touchée en plein cœur par des attaques terroristes. Le centre-ville connaît par ailleurs de nombreuses difficultés économiques liées à diverses mesures prises dans le secteur de l’Horeca et à l’intégration non progressive du fameux piétonnier. "J’avais réussi à obtenir un fort soutien d’Anne Hidalgo, la maire de Paris, raconte l’ancien bourgmestre. Nous recherchions ensemble un événement positif qui puisse relier nos villes, toutes deux touchées un peu plus tôt par ces événements dramatiques." Pour rappel, l’arrivée du Tour de France a lieu depuis plusieurs décennies à Paris, sur les Champs-Élysées. En mai 2017, lors de la conférence de presse officialisant le choix de Bruxelles comme ville de départ de la Grande boucle 2019, Anne Hidalgo était d’ailleurs présente afin d’immortaliser le moment. Cinq mois plus tôt, Yvan Mayeur et Alain Courtois signaient avec ASO (Amaury Sport Organisation) et son patron Christian Prudhomme un contrat d’une valeur de cinq millions d’euros pour l’achat du plateau du Tour. "Nous avons été chercher ce contrat avec les dents, se félicite Yvan Mayeur. Face à nous, nous avions de solides concurrents, Copenhague et la Vendée en tête."
L’année 1969 du Cannibale comme argument-massue
Cité du vélo s’il en est, la capitale du Danemark se démarque largement de Bruxelles en faisant du cyclisme un véritable mode de vie. " J’ai négocié avec les gens de Copenhague lors d’une rencontre internationale des maires", se souvient M. Mayeur. Après plusieurs heures de discussion, l’argument-massue du bourgmestre de Bruxelles fait visiblement mouche auprès des Danois. "Pour nous, ce qui était essentiel, c’était d’avoir le Grand départ en 2019. Pas en 2018 ni en 2020 mais en 2019. Soit cinquante années tout juste après la première victoire d’Eddy au Tour de France."
Le Cannibale continue à faire rêver à travers le monde. La Vendée, terre du Maillot jaune, est également sensible à l’argument. "Je me souviens encore de ce hasard heureux, s’amuse Alain Courtois. Nous avions organisé les 70 ans de Merckx à l’hôtel de ville. Par le plus grand des hasards, on nous annonce qu’une délégation de politiques de la Vendée, de passage à Bruxelles, visite les lieux. Je les ai accueillis et nous leur avons fait rencontrer Eddy. Immédiatement, ils furent sous le charme. Le chef de cette délégation, un certain Yves Auvinet, est devenu le président du département de la Vendée l’année suivante. Auvinet nous avait dit à l’époque : ‘Si c’est pour Merckx, c’est d’accord. On vous laisse l’année 2019 et on prend l’année 2018’." À souligner aussi que la Vendée ne pouvait de toute façon pas recevoir le Grand départ du Tour la même année que l’organisation du Vendée Globe, course à la voile en solitaire à travers le monde qui a lieu tous les quatre ans.
Ce que l’on sait moins par contre, c’est que la Ville d’Anvers avait également déposé sa candidature pour le Tour de France 2020, dans le but de célébrer le centenaire des Jeux olympiques d’Anvers (1920). Dans ce grand puzzle politico-sportif, inutile de dire que si la cité de Bart De Wever décrochait le départ de la Grande boucle en 2020, une autre ville belge, en l’occurrence Bruxelles, repartait bredouille. "J’avais déclaré à Christian Prudhomme que refuser Bruxelles en 2019 pour Merckx et accepter Anvers en 2020 pour De Wever, le Belge francophone moyen allait avoir beaucoup de mal à comprendre. C’était mon rôle politique que de le dire", s’échauffe encore Yvan Mayeur. Depuis le départ, la Ville de Bruxelles a fait cavalier seul dans ce dossier et a pris la Région de vitesse en ne la conviant pas à la fameuse conférence de presse de mai 2017. L’arrivée de Philippe Close au mayorat de la Ville de Bruxelles en juin 2017 a contribué à réchauffer les relations entre les deux entités et… à remettre la Région dans le coup.