Le PS passe en force sur la friche Josaphat malgré le blocage d’Ecolo : retour des tensions au gouvernement bruxellois
Les coprésidentes d’Ecolo et de Groen, Rajae Maouane et Nadia Naji, se sont fendues d’un communiqué pour rappeler “l’importance cruciale” des espaces verts à Bruxelles. Le PS, de son côté, entend avancer sur la construction de 509 logements sur la friche Josaphat malgré le blocage au gouvernement bruxellois.
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Publié le 13-02-2023 à 12h31 - Mis à jour le 13-02-2023 à 15h03
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Le communiqué conjoint des présidentes d’Écolo et de Groen a pu surprendre les non-initiés ce lundi matin. “À Bruxelles, nous devons augmenter le nombre de logements financièrement accessibles et renforcer la nature en ville, ont souligné Rajae Maouane et Nadia Naji. Les espaces naturels sont d’une importance cruciale pour la Région de Bruxelles-Capitale, pour la santé et le bien-être des citoyens et citoyennes. Ce sont des poumons verts qui, à Bruxelles et en Belgique, sont menacés car progressivement grignotés.”
Le gros dossier rouge qui fâche
Pourquoi communiquer, un lundi matin, un message déjà bien connu des verts ? La réponse se trouve dans un terrain désaffecté de 25 hectares à cheval sur Schaerbeek et Evere.
À Bruxelles, la friche Josaphat est le gros dossier rouge qui fâche.
”Certains veulent faire croire qu’à Bruxelles, on n’a pas d’autres choix que de bétonner nos espaces verts pour créer du logement."
Dans son communiqué, Rajae Maouane, coprésidente d’Écolo, cible, sans les citer les socialistes. ” Certains veulent faire croire qu’à Bruxelles, on n’a pas d’autres choix que de bétonner nos espaces verts pour créer du logement. C’est faux. Josaphat en est un bon exemple : construire des centaines de logements de qualité, accessibles aux Bruxellois, et préserver la nature, c’est possible ! Il suffit de construire et de densifier là où le sol est déjà bétonné”
Le dossier du plan d’aménagement directeur (PAD) Josaphat empoisonne depuis des mois la vie du gouvernement de Rudi Vervoort. Il figure depuis juillet 2022 à l’ordre du jour de tous les gouvernements bruxellois. Mais est reporté chaque semaine sans même plus être débattu, en raison d’un profond désaccord entre socialistes et écologistes.
Construire 500 logements, sans passer par le gouvernement
Le projet pourrait toutefois avancer sans recevoir l’accord des verts… Certains écologistes dénoncent en tout cas une manœuvre des socialistes visant à contourner le gouvernement bruxellois dans le dossier, tout en s’asseyant sur les critiques exprimées lors de l’enquête publique.
”Les socialistes ont l’intention d’avancer, malgré le fait que le PAD est bloqué au gouvernement, en coupant le terrain en deux et en demandant un permis de lotir simple”, nous indique une source écologiste qui parle “d’un déni de démocratie”.
En effet, depuis 5 ans, le gouvernement a entamé un dialogue compétitif – mode d’attribution des marchés publics – avec les conseils d’administration de 4 organismes publics bruxellois : Citydev, SLRB (Société du logement de la région de Bruxelles-capitale), Fonds du logement, et SAU (la Société d’Aménagement Urbain). Ceux-ci doivent valider, avant le 9 mars, le choix du consortium d’entrepreneurs censé réaliser les travaux. Le projet immobilier sur la table porte sur la construction de 509 logements (dont 52 % de logements publics). Au PS, on entend bien que ces différents conseils d’administration passent au vote avant l’échéance, comme prévu.
Selon l’analyse de la SAU, qui est aussi celle du PS, la construction d’une partie de la friche ne nécessite en effet pas de validation du gouvernement bruxellois, puisque l’exécutif dispose déjà de la maîtrise foncière du terrain.
”Il n’y a pas de passage en force”
“Il n’y a pas de passage en force, nous indique Gilles Delforge, directeur de la SAU. Le PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol) rend en fait déjà l’ensemble du terrain constructible. Et en termes planologique, le PRDD (Plan Régional de Développement Durable) prévoit plus spécifiquement que le site Josaphat peut être construit. Il y a eu différentes étapes. En mars dernier, on a sélectionné un candidat pressenti pour ce plan. Ce qui est soumis aux différents CA ce mois-ci, c’est l’attribution du marché, en principe à ce candidat, pour la réalisation de la première phase du développement du site, dans le cadre du dialogue compétitif”.
Si on attend, ça peut coûter “30 % plus cher”
La SLRB apporte une précision utile. “La date de validité des offres se termine le 9 mars. Si on ne tranche pas avant cette échéance, les candidats pourraient revoir leurs offres, qui datent d’avant la guerre en Ukraine, à la hausse. Ça coûterait 30 % plus cher, au moins. Dans l’optique de construire des logements abordables, ce n’est pas l’idéal…”
Côté socialiste, on souligne - à raison- que cette évolution du dossier s'inscrit dans la suite logique du dialogue compétitif initié par le gouvernement, en parallèle à la révision du PAD Josaphat. "Mais reconnaissons-le, il y a une volonté de dire à Ecolo: on avance maintenant. Sinon, on sera au pied du mur", glisse une source PS.
Dans le camp écologiste, on y voit une “manœuvre” politique, qui ne passe pas. On se demande pourquoi, si un PAD global n’est pas nécessaire, le PS en a-t-il déposé un lui-même pour la friche Josaphat.
En juillet dernier, Rudi Vervoort (PS), ministre-président bruxellois, et Pascal Smet (Vooruit), secrétaire d’État à l’Urbanisme, ont d’ailleurs remis ce dossier sur la table. Le nouveau projet de PAD comprend la création de 1 194 logements (contre 1 600 précédemment), dont 50 % de logements publics. Il propose de construire la moitié de ces logements sur la friche, avec des espaces verts censés occuper 40 % de la superficie du projet (13 ha). Des écoles, une salle de sport, ainsi qu’un parc de 1,28 ha dédié à la biodiversité sont aussi prévus.
”La proposition de Rudi Vervoort est inacceptable”, avait rétorqué en juillet Alain Maron (Écolo), ministre bruxellois de l’Environnement et Elke Van den Brandt (Groen), ministre de la Mobilité, quelques jours plus tard.
Une enquête publique très critique
Écolo et Groen, en effet, veulent conserver davantage d’espaces naturels dans la capitale.
Le cas Josaphat est spécifique. Une biodiversité s’est développée autour de l’ancienne gare de triage désaffectée. Le premier PAD s’était en outre heurté à la résistance opiniâtre de riverains et de citoyens, ainsi que de passionnés de nature. En pratique, les verts ne contestent pas la construction de logements sur la partie nord du PAD, déjà bétonnée, mais bien sûr la friche en elle-même.
Pour Rudi Vervoort, le projet conserve suffisamment de nature. La construction de logements publics constitue par ailleurs la priorité absolue des socialistes sous cette législature. Le PS estime que, puisque les verts ont donné leur accord, il n’est pas question de tout remettre en question.
Ce premier feu vert est toutefois remis en question, selon Écolo. Car le projet a été soumis à une enquête publique dont les conclusions, rendues en mars, sont critiques vis-à-vis du projet. Ecolo tient à ce que ces recommandations soient prises en compte.
Ce clivage entre la préservation en priorité la nature ou la construction de logements sociaux à Bruxelles déchire socialistes et écologistes depuis le début de la législature. Ce lundi, les tensions ont franchi une nouvelle étape.
