"Je pense qu’il est sage de laisser la place" : Vincent Blondel annonce à La Libre qu'il ne briguera pas un troisième mandat de recteur à l’UCLouvain
Sa dernière rentrée est marquée par la fusion avec Saint-Louis Bruxelles. Jamais, dit-il à La Libre, l’université n’a été aussi impliquée dans le déploiement socio-économique de la société.
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- Publié le 18-09-2023 à 19h51
- Mis à jour le 19-09-2023 à 08h47
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”J’ai encore de belles années devant moi et beaucoup d’énergie.” Vincent Blondel achève cette année son deuxième mandat de cinq ans comme recteur de l’UCLouvain. Comme recteur de l’UCLouvain-Saint-Louis Bruxelles même, la fusion des deux établissements étant à présent effective. “Exercer ce rôle de recteur a été un véritable privilège, j’en ai apprécié chaque seconde”, confie-t-il à La Libre.
Des élections rectorales sont prévues à l’UCLouvain-Saint-Louis Bruxelles, en cette année académique. Comptez-vous briguer un troisième mandat ?
La décision n’a pas été facile à prendre, mais je pense qu’il est sage de laisser la place. Dix ans, c’est une belle durée. J’ai investi beaucoup d’énergie. Un renouvellement est une bonne chose. Mes deux prédécesseurs directs avaient fait un mandat. D’autres avant eux en avaient entamé un second qu’ils avaient interrompu, ayant atteint la limite d’âge. En ce qui me concerne, j’aurais pu me présenter une troisième fois mais je ne le ferai pas. Ma volonté est d’en informer la communauté bien en amont, d’où cette annonce aujourd’hui. D’ici là, je m’investirai à fond jusqu’au 1er septembre prochain.
Et ensuite ?
Je continuerai sans doute à enseigner, si c’est possible. Mais je me lancerai probablement dans quelque chose de différent. Je serai attentif aux opportunités qui se présenteront. J’ai l’intention de rester actif. Je serai sûrement en retrait de la vie académique de l’UCLouvain, tout en demeurant très attaché au monde universitaire et à celui de l’enseignement supérieur en Belgique et en Europe. Ces dernières années, j’ai été sollicité par plusieurs universités internationales.. Mais je pense que je privilégierai un futur en Belgique. En tout cas, je serai en total soutien avec la personne qui me succédera, pour assurer une transition la plus efficace possible.
Qu’avez-vous envie de retenir de vos deux mandats ?
L’UCLouvain a connu plusieurs avancées majeures, dont la croissance importante du nombre d’étudiants et la mise en place de partenariats européens. Notre université récolte quasiment la moitié des financements européens en matière de recherche en Fédération Wallonie-Bruxelles. En outre, son rayonnement international est très important. Il faut évoquer aussi la fusion avec Saint-Louis Bruxelles qui se concrétise maintenant, ainsi que le rapprochement très fort avec notre université sœur, la KULeuven. L’implication de l’université dans la société, dans un contexte qui a beaucoup changé et qui changera encore beaucoup, n’a jamais été aussi importante.
Quels sont les derniers défis que vous souhaitez relever ?
Cette rentrée-ci est la rentrée de la fusion avec Saint-Louis. Un projet de très longue haleine, puisque les premières discussions remontent à 2015. Il y a eu beaucoup de réticences mais progressivement, avec persévérance, elles ont pu être surmontées. L’UCLouvain, aujourd’hui, ce sont huit campus avec un total de 40 000 étudiants, dont un sur trois à Bruxelles, dans les secteurs de la santé (Woluwe), des sciences humaines et sociales (Saint-Louis, dans le centre) et en architecture (à Saint-Gilles). Bruxelles, où l’UCLouvain compte aussi un hôpital universitaire, les cliniques universitaires Saint-Luc, qui accueillent un patient sur deux dans la capitale.
L’actualité de l’UCLouvain, c’est donc la fusion avec l’université Saint-Louis Bruxelles. En quoi une telle décentralisation est-elle importante ?
Cette présence très large en Wallonie et à Bruxelles est le résultat de notre histoire. Chassés de Leuven il y a cinquante ans, on a fait ce choix qui s’est renforcé avec les années, d’être présents aussi bien à Bruxelles qu’en plusieurs endroits de Wallonie. L’UCLouvain est en effet présente à Woluwe depuis un demi-siècle. Cette approche multi-sites, qui offre aux étudiants la proximité des lieux de formation tout en faisant partie d’une grande université internationale, est une spécificité. La proximité géographique permet de rendre l’enseignement universitaire plus accessible.
Comment l’UCLouvain va-t-elle s’impliquer à Bruxelles ?
Le bénéfice immédiat de la fusion est de combiner les expertises des deux institutions. Il s’agit notamment de contribuer au déploiement socio-économique de la capitale. L’UCLouvain, c’est quand même une success story à Louvain-la-Neuve, avec le développement par nos étudiants d’entreprises comme Aerospacelab (satellites artificiels) ou E2 Drives (avec ses moteurs pour vélos électriques). De son côté, Saint-Louis apporte une expertise extrêmement poussée de programmes bilingues et trilingues dans lesquels sont inscrits plus de la moitié de ses étudiants. Ces programmes s’organisent conjointement avec la KULeuvent, également présente à Bruxelles. Cette dernière a acquis des bâtiments à côté de Saint-Louis qui accueilleront des milliers d’étudiants dans le futur. Cinquante ans après la scission, l'UCLouvain et la KULeuven, vont donc se retrouver sur un campus multilingue bruxellois: tout un symbole. En outre, nos étudiants sont impliqués dans les grands enjeux de développement de la ville. L’université apporte un éclairage multidisciplinaire sur une série de thèmes tels que la mobilité, l’énergie, l’urbanisme, la santé publique et l’inclusivité.
Le ministre-Président Jeholet et la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur, Françoise Bertieaux (MR tous les deux), évoquent l’idée de réaliser un certain “ménage” dans les filières proposées aux étudiants. Qu’en pensez-vous ?
Faut-il organiser toutes ces filières ? Doit-il y avoir autant d’étudiants dans certaines d’entre elles ? Il y a une tension permanente entre ceux qui estiment que l’université doit produire des personnes directement employables, et ceux qui voient le monde changer et parlent de former le regard critique des citoyens qui assureront les mutations de la société de demain. Il faut trouver le juste équilibre. Cela étant, on peut supprimer certains programmes, ce n’est pas cela qui fera baisser le nombre d’étudiants, ni augmenter le financement par étudiant qui a diminué de 20 % en 15 ans.
À quoi est due cette explosion du nombre d’étudiants ?
Il y a des liens avec la démographie, avec l’accès à l’enseignement supérieur, avec le flux des étudiants en provenance de l’international, et avec l’allongement de la durée des études. Si chaque étudiant reste plus longtemps, il y a en permanence plus d’inscrits.
Cela pourrait-il être résolu avec les nouvelles règles de réussite ?
Il est un peu trop tôt pour le dire. On suit très attentivement l’ensemble des résultats des universités au niveau du Cref (le Conseil des recteurs francophones). Cela représente un million de notes d’examens par année académique.
Avez-vous un premier retour des résultats pour 2022-2023 ?
On n’a pas encore l’ensemble des chiffres collationnés par le Cref, mais d’après ce dont je dispose pour l’UCLouvain, je peux dire que les taux de réussite pour septembre ne sont pas très différents des années précédentes. J’imagine qu’il en sera de même ailleurs. En janvier et juin, 45 % des examens présentés en Bac 1 étaient réussis, ainsi que 65 à 70 % pour le reste du bachelier et 80 % en master. En septembre, on est traditionnellement un peu en dessous de cela.
Si les taux de réussite n’augmentent pas, faut-il en déduire que les aides à la réussite ne sont pas efficaces ?
De gros efforts sont déployés à ce niveau-là. Des dispositifs spécifiques sont bien sûr mis en place pour soutenir les étudiants. Mais dans tous les parcours, l’aide à la réussite, c’est aussi la mise à disposition de locaux, de nouveaux outils, la volonté d’augmenter l’encadrement, etc. Tout cela contribue à faire du parcours des étudiants un parcours de réussite. Enfin, l’aide à la réussite, c’est aussi l’orientation et la réorientation éventuelle.
Il y a un an, lors de cette même interview de rentrée, vous évoquiez la possibilité d’aligner davantage les rythmes annuels de l’enseignement supérieur sur ceux de l’obligatoire. Pourquoi rien ne s’est-il passé ?
Les grandes dates de l’année académique sont fixées par décret. Tout changement doit donc passer par une modification de ce texte. Je plaide personnellement pour que notre calendrier soit plus en phase avec celui de l’enseignement obligatoire, avec une année plus douce comportant des évaluations plus continues. Ce serait bénéfique globalement pour toutes et tous. L’étudiant démarrerait l’année académique plus tôt, début septembre. Les examens auraient lieu avant les vacances de Noël, ce qui permettrait deux semaines de vraies vacances et la reprise des cours tout de suite après. L’idée serait aussi de synchroniser une des deux semaines de Pâques avec l’obligatoire. Enfin, la session de rattrapage serait organisée avant les grandes vacances qui deviendraient aussi un vrai repos. J’appelle cette évolution de mes vœux car il est peu raisonnable de conserver l’actuel décalage important entre le supérieur et l’obligatoire. Cela met des familles en difficulté et rend une série d’activités plus compliquées. Évidemment, un tel changement aurait des conséquences dans d’autres secteurs. Il faut donc examiner les choses globalement. Mais je pense que si on attend que tout le monde soit d’accord, on n’avancera jamais.
- > Vincent Blondel était l’invité du Café sans filtre de Maxime Binet, ce mardi matin sur LN24.