Pourquoi y a-t-il une pénurie d'enseignants alors que le métier n’a jamais autant attiré?
Dans l’officiel, les élèves ont perdu six semaines de cours, selon leurs parents. Pourquoi ?
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- Publié le 07-02-2020 à 20h17
- Mis à jour le 09-02-2020 à 18h32
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Dans l’officiel, les élèves ont perdu six semaines de cours, selon leurs parents. Pourquoi ?
La Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel (Fapeo) a mené un large sondage pour tenter de mesurer la pénurie actuelle d’enseignants. Combien d’heures de cours vos enfants perdent-ils ? Cinq cents familles du primaire et du secondaire officiels ont été interrogées, a annoncé Le Soir vendredi.
Résultat : une proportion de 192 heures non dispensées, soit six semaines de cours perdues par an.
Certes, le chiffre n’est basé que sur les parents qui ont bien voulu répondre. Il n’a donc pas valeur scientifique de sondage. N’empêche : il est assez proche d’un autre ordre de grandeur lancé, en mars dernier, par le Service général d’inspection concernant, celui-là, l’ensemble des écoles secondaires tous réseaux confondus.
Par manque d’enseignants ou pour d’autres raisons liées à l’organisation de l’école (conseils de classe, etc.), on atteignait alors cinq semaines de cours volatilisées par an, dont deux spécifiquement liées à l’absence du titulaire.
Il n’y a pas de crise des vocations
La leçon du coup de sonde de la Fapeo est donc claire : ça ne s’arrange pas. Les élèves continuent à être privés de beaucoup trop de cours, y compris dans les matières qui, parfois, feront l’objet d’une évaluation externe (math, français, etc.) Donc, les profs ne sont pas là. Mais pourquoi ?
Souvent, le manque d’attractivité du métier est pointé comme responsable. Or les statistiques contredisent ce constat trop simple. Enseigner n’a jamais attiré autant de jeunes. De 15 106 inscrits en 2008-2009, on est passé à 17 531 en 2017-2018 dans les études pédagogiques. "On n’y a jamais inscrit plus d’étudiants que ces cinq dernières années, relève Julien Nicaise de l’Ares (l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur). Même chose du côté des diplômés : i l y a près de 4000 diplômés chaque année depuis huit ans dans ces filières." Donc non, on ne doit pas parler de crise des vocations.
Une forme de précarité
Les deux tendances qui précèdent accentuent l’urgence d’améliorer les conditions de travail et d’accompagnement des nouveaux enseignants qui arrivent dans les écoles. Déjà qu’on n’en trouve pas assez, autant faire en sorte qu’ils restent. En 2017-2018, l’alors ministre de tutelle, Marie-Martine Schyns (CDH), avait décidé de suivre de près une cohorte complète de nouveaux enseignants pour conclure à une forme de précarité problématique, avec des missions trop limitées dans le temps ou à temps partiel. C’est un axe d’amélioration sur lequel les autorités ont commencé à travailler.
Mais ces départs prématurés ne suffisent pas non plus à expliquer pourquoi autant de cours cherchent aujourd’hui professeurs. Les chiffres concernant la demande d’enseignants avancent une explication moins souvent évoquée.
"Les politiques très généreuses"
"En 1998, 812 000 élèves fréquentaient l’enseignement obligatoire, pour un cadre de 72 000 équivalents temps plein, poursuit le même. En 2018, on comptait près de 870 000 élèves et plus de 81 000 équivalents temps plein." Conclusion : le nombre d’enseignants (+12 %) a évolué plus vite que le nombre d’élèves (+7 %). Pour quelle raison ?
"Parce que les politiques très volontaristes et généreuses de ces dernières années ont accentué la pression sur la demande, répond Julien Nicaise. Les gouvernements ont pris de nombreuses mesures pour augmenter l’encadrement des élèves : e ncadrement différencié, périodes complémentaires pour les élèves de première et deuxième primaires, dispositif d’inclusion, premier degré du secondaire, dispositif d’accueil et de scolarisation des élèves primo-arrivants et assimilés, etc. : le nombre d’élèves par équivalent temps plein a diminué." Et d’avancer les proportions en vigueur : moins de 15 élèves par équivalent temps plein en maternel et en primaire, moins de 10 en secondaire et moins de 5 dans le spécialisé. "Même bien soutenue, conclut le spécialiste de l’Ares, l’offre ne parvient pas à combler la demande."
Comme on le voit, les leviers d’action sont divers. À plusieurs reprises, la ministre de l’Éducation Caroline Désir (PS) a annoncé avoir confié à son administration le soin de préparer un ensemble de mesures.