Résultats de fin d'année: plusieurs associations dénoncent les abus de certains conseils de classe
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Publié le 22-06-2020 à 14h40 - Mis à jour le 23-06-2020 à 10h38
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Alors que les premiers résultats sont communiqués par les conseils de classe aux parents des élèves de l'enseignement secondaire, les associations de première ligne tirent la sonnette d'alarme concernant certains abus.
"Si vous avez des examens de passage, ne vous inquiétez pas, c’est faisable. Vos professeurs vont prendre contact avec vous. La session sera adaptée à la situation.” Pour ces élèves de 5e secondaire, les résultats de fin d’année ont été communiqués, ce lundi matin, lors d’une session live à distance avec leur titulaire. Pour ce groupe qui n’a pas revu l’école depuis plus de trois mois, pas de redoublement. Sur 25 élèves, 8 ont entre un et quatre examens à passer en septembre pour pouvoir accéder à la rhéto. “Vous m’avez manqué”, a confié l’enseignante qui espère revoir tout le monde dans les classes à la rentrée.
Ici, tout semble assez bien se passer. Une communication collective de ce genre peut surprendre mais le ton de la titulaire est bienveillant et rassurant. Dans la même école, la plupart de ses collègues ont opté pour joindre les parents par téléphone. “Pour passer en 4e, votre fils devra rendre deux travaux qui feront l’objet d’une défense orale”, annonce-t-on à ce papa. “L’objectif est de le faire travailler pour que, d’ici l’année prochaine, il revoie bien la matière vue.” Ces travaux ressemblent bien à des examens de passage mais une telle qualification n’est pas utilisée.
Comme les ajournements (examens de passage et autres travaux), les redoublements doivent être l’exception, dit la circulaire 7594 qui a défini les règles en vigueur pour ces évaluations pas comme les autres. Et toute décision du conseil de classe doit être clairement motivée. À l’avantage de l’élève, toute une série d’éléments sont également amenés à être pris en compte, dont les résultats des années précédentes et le travail fourni pendant le confinement. Voilà pour la théorie. Seulement, depuis la semaine passée, un certain nombre d’élèves et de parents se manifestent pour signaler des problèmes auprès des associations (1) de première ligne qui tenaient, dès ce lundi, à tirer le signal d’alarme.
Quel dialogue avec l’école ?
“Dès la semaine passée, nous avons reçu ici une quinzaine de visites et une cinquantaine d’appels téléphoniques par jour”, témoigne Chantal Massaer, la directrice d’Infor Jeunes Laeken. “Les ajournements, les redoublements et les réorientations n’ont pas l’air si exceptionnels que ça…” Et d’évoquer le cas de cet élève de 16 ans tombé des nues après le coup de fil de son titulaire, vendredi. “On est en conseil de classe et on pense que tu vas doubler, lui a dit son prof. As-tu quelque chose à dire ? Évidemment, le garçon a été tétanisé.”
Rappel : les décisions négatives doivent faire l’objet d’un dialogue entre l’école, les parents et l’élève et ce dernier doit être consigné dans un PV. Force est de constater que ce qui précède ne correspond pas aux prescrits. “Par ailleurs, les écoles étaient invitées à prendre contact en priorité avec les élèves en difficulté, ce qui n’a pas été fait dans ce cas.”
Quelle prise en compte des circonstances ?
Autre cas de figure : dans ce cas de réorientation obligatoire, une concertation a bien lieu et elle est détaillée dans un procès-verbal. “Seulement on lit, dans celui-ci, que le conseil de classe constate qu’aucun travail n’a été réalisé par l’élève pendant le confinement”, relève la directrice.
Rappel : les échanges et travaux organisés pendant le confinement ne peuvent être pris en compte qu’en faveur de l’élève. Par ailleurs, cette communication doit aussi vérifier si l’élève a rencontré des difficultés particulières depuis mars. “Or, le PV montre que ce sujet n’a pas été évoqué.”
Des évaluations interdites ?
Le troisième exemple relevé par Chantal Massaer concerne l’introduction de nouvelle matière. “De nombreux cas nous sont rapportés concernant de la nouvelle matière donnée alors que c’était interdit et, pire, faisant l’objet d’évaluations cotées.”
Rappel : même la nouvelle matière dispensée depuis que c’est autorisé ne peut pas faire l’objet d’évaluations.
Quelle prise en compte de l’élève en difficulté ?
Un dernier cas de figure, pour compléter l’échantillon : “Nous avons reçu toute une dizaine de signalements de la part d’élèves de deuxième secondaire pour qui, dès le 2 juin, on envisageait déjà une orientation en 2S." (NdlR : cette deuxième année complémentaire doit aider l’élève à atteindre les compétences visées par la prise en compte de ses besoins spécifiques et l’établissement d’un plan individuel d’apprentissage.) "Le 2 juin, c’est un peu tôt non ?”
Rappel : l’idée est de profiter de chaque jour d’ici fin juin pour remettre à niveau ceux qui auraient perdu le fil. “Décréter une réorientation dès le 2 juin nous paraît donc prématuré, d’autant qu’il était conseillé de faire revenir les élèves en difficulté en classe pour les aider.”
Chez Infor Jeunes comme dans les autres associations (1), des professionnels sont disponibles pour aider les parents à introduire un recours. “Mais je crains que nous ne puissions pas suivre la cadence, vu l’affluence déjà constatée.” Les procédures de recours également détaillées dans les circulaires ne concernent que les cas d’échec ou de réorientation obligatoire. Elles doivent d’abord être menées en interne, avec l’école. “Nous avons établi une check-list (2) avec tous les éléments à examiner quand les résultats de l’élève sont communiqués. Certains servent aussi de base à un éventuel recours. À ce stade-là, un élément neuf devra être mis en avant, susceptible de faire changer l’école d’avis”, conseille la directrice d’Infor Jeunes Laeken. “Concernant par exemple l’impact psycho-social du confinement.”
Y a-t-il vraiment abus ?
Certains parents profitent-ils des circonstances pour tenter à tout prix un baroud d’honneur ? Certains conseils de classe ont-ils enfreint les règles ? Y a-t-il vraiment des abus ? Seuls les résultats des procédures de recours répondront à ces questions.
La ministre de l’Éducation, Caroline Désir (PS), a réagi par communiqué. Elle confirme sa confiance aux conseils de classe. “Les enseignants sont évidemment les mieux placés pour décider”, dit-elle en rappelant que les élèves ne doivent pas être pénalisés.
Du côté des directions d’écoles, l’organisation des conseils de classe représentait un défi supplémentaire en cette année scolaire si éprouvante. “Les abus sont des cas extrêmement rares”, explique Thomas Jadin, président de l’Adibra (association des directeurs de l’enseignement libre pour Bruxelles et le Brabant wallon). “Mais il est possible qu’ils surviennent.” D’où l’utilité des recours. “Nous ne nous attendons pas particulièrement à une vague de recours, non. D’autant que les écoles connaissaient les consignes à respecter : elles ont d’ailleurs dû communiquer ces changements aux parents en mai.”
--> (1) Parmi les autres associations inquiètes qui communiquaient ce lundi une série d’exemples concrets, on peut citer la Fapeo (parents de l’enseignement officiel), le Cef (comité des élèves francophones), le délégué général aux droits de l’enfant, SOS Jeunes, des services AMO, etc.
--> (2) Voici les éléments à vérifier lors de l'annonce des résultats:
L’école a-t-elle communiqué qu’elle suspendait le règlement des études? OUI – NON (L'école avait obligation de le faire)
L’école a-t-elle communiqué de façon personnelle le nouveau règlement des études avant le 31 mai ? OUI – NON
(L'école avait obligation de le faire)
Avez-vous signé ce nouveau règlement ? OUI – NON
(Si vous n’avez pas signé, c’est la circulaire ministérielle 7594 seule qui s’applique)
L’école a-t-elle organisé une session d’examens en fin d’année scolaire ou des épreuves externes (CE1D – CESS) ? OUI – NON
(L’école n’avait pas le droit d’organiser une session d’examens en fin d’année scolaire, elle n’avait pas le droit d’organiser des épreuves CE1D ni CESS)
La décision finale du conseil de classe a-t-elle été motivée ? OUI – NON
(L’école a l’obligation légale de motiver par écrit, de manière précise, concrète et complète la décision du conseil de classe)
(L’école n’avait pas le droit de donner des points aux travaux organisés à distance)
(L’école n’a pas le droit de motiver sa décision sur des travaux non rendus ou sur des travaux jugés négativement. Par contre, le travail effectué à la maison, s’il est estimé positif, peut relever la cote finale de l’élève)
(Seules les évaluations faites en classe peuvent être prises en compte)
(L’école ne peut pas fonder son évaluation sur de la matière qui n’a pas été vue en classe)
(Le conseil de classe ne peut pas pénaliser un élève qui n’aurait pas repris les cours en fin d’année. Il n’y a pas de contrôle de l’obligation scolaire en cette fin d’année 2020 Covid)
S’il a repris les cours en fin d’année, l’élève a-t-il bénéficié d’apprentissages nouveaux jusqu’au 26 juin comme prévu ? OUI – NON
(On ne peut pas déclarer l’élève inapte à poursuivre dans l’année supérieure si l’école n’a pas elle-même tout mis en œuvre pour préparer son passage dans l’année supérieure)
(L’école avait obligation de mettre en place ce dialogue.
Attention : un jeu de questions/réponses par écrit et/ou par mails ne constitue pas un dialogue; le Décret Missions du 24/7/1997 (art.22-32-59) impose d’associer les parents à l’orientation)
Si l’élève est ajourné, des mesures pédagogiques d’accompagnement qui permettent à l’élève de dépasser ses difficultés sont-elles prévues ? OUI – NON
(L’école a obligation de le faire)
S’agit-il d’un élève en difficulté, et a-t-il dès lors été invité à se présenter à l’école une fois par semaine à partir du 25 mai pour être aidé et bénéficié d’une remédiation à ses difficultés ? OUI – NON
(L’école avait obligation de le proposer)
(L’école avait obligation de le faire)
(Faire valoir un projet cohérent peut, le cas échéant, contribuer à une meilleure décision, compte tenu qu’un dialogue entre les parents et l’école est obligatoire avant la prise de décision)
(Dans les faits une année complémentaire (2S) est un redoublement. Il doit donc être exceptionnel)