Des étudiants tirent la sonnette d'alarme: "J’ai deux voisines de mon étage qui m’ont déjà parlé de suicide"
De nombreux étudiants trouvent le temps long entre les quatre murs de leurs chambres.
- Publié le 22-02-2021 à 09h44
- Mis à jour le 15-03-2021 à 18h21
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Cachées au milieu des arbres noirs du campus de la Plaine à Ixelles, les résidences aux façades peu accueillantes abritent plusieurs centaines d’étudiants de l’ULB. Parmi eux Jessika, 29 ans, étudiante en deuxième année de sciences politiques, qui vit dans sa chambre de seulement 11 mètres carrés, et ce, depuis un an et demi. "Je ne sors quasiment plus de chez moi, et ça devient vraiment difficile", témoigne la Brésiliano-Luxembourgeoise. Un lit une place, un petit bureau et un frigo constituent l’intérieur de son kot. Restreinte par les mesures sanitaires et une sécurité ultra-stricte au sein de sa résidence, Jessika voit son état psychologique et celui de ses voisins se dégrader de jour en jour. "Un agent de sécurité passe plusieurs fois par jour pour vérifier que nous portons bien nos masques quand nous sommes dans les parties communes, et que nous ne sommes pas plus de quatre dans la même chambre. Sincèrement, je trouve ça pesant. Ça alourdit la vie des étudiants", confie-t-elle.
La vie des étudiants justement, fortement chamboulée depuis des mois, est bien loin de correspondre à l’image qu’on lui prête habituellement. Plus de cours en auditoire, plus de soirées étudiantes, plus d’activités sportives ou culturelles. Le Covid-19 a balayé tous les idéaux des plus jeunes d’entre eux, qui pourtant attendaient avec hâte de goûter la vie estudiantine. C’est notamment le cas de Sara, 19 ans, inscrite en deuxième année de droit à l’Université Saint-Louis de Bruxelles. "Je viens d’Arlon, et je n’attendais qu’une seule chose, c’était d’arriver à Bruxelles, d’avoir mon kot et de vivre ma vie d’étudiante comme tout le monde. Mais à part mes deux premiers mois d’études, j’ai vraiment l’impression de sacrifier mes années." Pourtant, l’Arlonaise s’accroche et s’investit encore plus dans ses révisions. "Pendant mon blocus, j’avais un rythme de travail très soutenu. J’étudiais dix heures par jour. Ces deux mois ont été très durs moralement", souligne-t-elle. Alors, sortir de chez elle faire les courses relève d’une activité libératrice qu’elle prolonge volontairement. "Les courses, c’est quasiment devenu ma sortie favorite, un des seuls moments où je sors de chez moi. Parfois, je traîne un peu pour éviter de retrouver trop vite mon kot." Sara loue une chambre dans un immeuble à deux pas de la place Flagey à Ixelles, 15 mètres carrés tout au plus. Entre les heures de cours qu’elle suit depuis son bureau, l’étudiante ponctue ses journées par quelques cigarettes fumées à la fenêtre, ou par des "pauses téléphone" sur son lit.
Là où les deux jeunes femmes se rejoignent, c’est surtout sur l’état psychologique des étudiants en règle générale. "J’ai de plus en plus de mal à suivre les cours derrière mon écran, la plupart des profs ne nous soutiennent pas forcément, on se sent un peu seuls", confesse Sara. Dans la résidence de Jessika, plusieurs ont même eu des idées noires. "J’ai deux voisines de mon étage qui m’ont déjà parlé de suicide", déplore Jessika. "La santé mentale, on n’en parle jamais, mais c’est totalement malsain. On ne peut pas continuer à étudier dans ces conditions", alerte-t-elle.