Chaque école prépare juin à sa façon: "La question n’est pas tant d’organiser ou pas des examens, mais ce qu’on fait des résultats"
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/e48452e9-70d3-4c1d-935b-9177d9713f56.png)
Publié le 15-04-2021 à 18h38 - Mis à jour le 15-04-2021 à 20h24
:focal(1275x858:1285x848)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/QHLCEPHD2JCF7GQGUDYX4JOB3A.jpg)
La circulaire envoyée aux écoles concernant les évaluations de fin d’année est très claire. On le sait depuis mercredi soir, la ministre de l’Éducation, Caroline Désir (PS), demande avec insistance d’accorder aux décisions de redoublement un caractère exceptionnel, y compris en secondaire (le redoublement est comme d’habitude interdit en primaire sauf accord des parents). L’idée est de favoriser le passage dans l’année supérieure en soutenant les élèves, si nécessaire, par des dispositifs d’accompagnement et de remédiation. À cet effet, des diagnostics doivent être réalisés au plus tard lors de ce 3e trimestre. Les sessions d’examens de repêchage devront également être évitées.
Les apprentissages doivent porter sur les points essentiels de chaque matière définis dans un gros document de plus de 160 pages ("Essentiels et balises diagnostiques pour la rentrée 2020"). Donc les évaluations aussi. Mais ces dernières ne doivent pas nécessairement prendre la forme de sessions d’examens classiques.
Les écoles peuvent modifier les points habituels de leur règlement d’ordre intérieur concernant la fin de l’année. Elles ont jusqu’au 10 mai pour le faire savoir aux parents. Bien sûr, les conseils de classe gardent la dernière main pour décider du sort de chaque élève. Vu les circonstances, un dialogue avec l’élève et ses parents est cette fois obligatoire quand les perspectives de réussite ne sont pas assurées.
La consigne de bienveillance
Voilà pour le rappel de l’essentiel du contenu arrêté suite aux remarques des acteurs du secteur, qui s’étaient énergiquement opposés à la première version de la circulaire proposée par la ministre début avril. Comme prescrit par la loi, une grande liberté est laissée aux équipes éducatives. "La consigne de bienveillance de la ministre est très claire et je m’en réjouis, estime Véronique De Thier, de la Fapeo (les parents de l’officiel subventionné). Mais, comme elle n’est pas contraignante, le tout est de voir ce qui se passera dans les écoles. J’espère, pour ma part, qu’elles accepteront de sortir de leur cadre habituel, surtout pour les élèves qui n’auront pu suivre que la moitié de leurs cours face à leurs professeurs, en classe." Satisfaction aussi du côté du Segec, l’association des pouvoirs organisateurs de l’enseignement catholique. "Nous faisons confiance aux équipes éducatives, qui savent comment s’organiser, au mieux des intérêts des élèves et compte tenu des circonstances exceptionnelles, dans l’esprit de bienveillance recommandé par la ministre", relaie le porte-parole, Christian Carpentier.
Et sur le terrain ?
Faut-il ou pas consacrer plusieurs jours en juin à une session d’examens classique ? Sur le terrain, les situations différeront d’une école à l’autre.
Le directeur du Sacré-Cœur de Lindthout, lui, y tient. "Nous organisons une session, oui, témoigne Jean-François Nandrin. Il y en a déjà eu une en milieu d’année avec, je dois dire, des résultats plutôt bons. Une session, c’est prendre le temps de s’arrêter pour voir où on en est." Ce qui, dit-il, est encore plus important aujourd’hui que d’habitude. "On doit travailler avec le réel, mettre des chiffres sur une réalité mais en restant bienveillant." Les examens ne portent bien sûr que sur les points essentiels et leurs résultats sont examinés dans le cadre d’un plan étalé sur trois années visant à permettre à chacun de résorber à terme son retard. "On en tient compte pour permettre à un élève d’avancer." Et de conclure : "La question n’est pas tant d’organiser ou pas des examens, mais ce qu’on fait des résultats."
Jean-Pierre Coenen voit les choses autrement. Retraité après 44 ans comme instituteur, il a toujours défendu l’idée d’évaluer sans points et sans examens, pandémie ou pas, en pratiquant une évaluation tout au long de l’année dans le cadre d’une pédagogie collaborative. "Sans sessions d’examens, ni révisions, j’avais le temps de faire autre chose, loin du terrain de la compétition ou du tri", rapporte-t-il. Or, cette année, le temps a manqué pour les apprentissages. Cette méthode adaptée à tous les niveaux d’enseignement, du maternel au supérieur, n’est pas assez utilisée, selon lui. Il espère que ce changement de paradigme interviendra un jour à plus large échelle. "Quand on sera débarrassé du préjugé selon lequel un prof qui n’a pas d’élève en échec n’est pas un bon prof…"