Il faut sauver la criminologie dans les universités francophones, mais comment ?
Des experts demandent de créer un bachelier sur lequel s’appuieraient les actuels masters, en mauvaise posture.
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Publié le 08-06-2021 à 20h32 - Mis à jour le 09-06-2021 à 11h29
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Les masters en criminologie organisés dans trois universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles (ULB, UCLouvain et ULiège) sont victimes de leur succès. Au fil des ans, leur population a explosé. Entre 2008-2009 et 2018-2019, cette croissance frôle les 30 %. L’Aeqes (l’Agence pour l’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur) vient de boucler l’analyse transversale consacrée à cette filière. Et ses constats sont sans appel.
Il y a deux ans (derniers chiffres connus), ces cursus étaient fréquentés par près de 600 jeunes. Il y a plusieurs raisons à ce succès. D’abord, la Fédération Wallonie-Bruxelles est la seule à proposer cette formation dans le monde universitaire francophone. Qui plus est, sans filtre à l’entrée. "L’intérêt des jeunes pour le crime est éveillé par une importante production culturelle, même si elle est parfois très éloignée de la réalité", complète Renée Zauberman, une des expertes de l’Aeqes, maître de recherches au CNRS.
Les ressources ne suivent pas
À cela, il faut ajouter l’inflation pénale en tant que telle. "La réponse pénale semble devenue la plus utilisée, ou faut-il dire la plus facile, à un certain nombre de déviations", constate Claude Dubrulle, également expert dans le groupe de travail de l’Aeqes et docteur en droit. "On a besoin de criminologues." Problème : les ressources pour former qualitativement ces cohortes qui n’arrêtent pas de grossir ne suivent pas.
L’Agence rappelle que le master en crimino, c’est seulement deux années pour performer dans une série de disciplines ardues. C’est peu, d’autant que ce lourd programme commence seulement au niveau du master.
De plus, le décret Paysage a ouvert la porte à des étudiants qui n’y accédaient pas jusque-là (venant par exemple des hautes écoles), tout en supprimant l’année préparatoire qui permettait de remettre à niveau ceux qui ne l’étaient pas. Face à cette déferlante, le nombre d’enseignants a stagné, voire régressé, au contraire de la charge de travail des équipes administratives.
Le groupe d’experts qui a procédé à l’analyse formule dès lors une série de recommandations, dont trois sont adressées aux autorités politiques. D’abord, le décret Paysage doit être réformé en profondeur. Outre les changements mentionnés plus haut qu’il a induits en criminologie, la complexité du parcours d’études "à la carte" basé sur la validation de crédits a englouti la notion de réussite. "L’avant-projet de décret en préparation semble aller dans le bon sens", estime Claude Dubrulle. Ensuite, il faut créer un bachelier spécifique avec une solide formation de base sur lequel s’appuieraient les masters. Enfin, cet allongement des études doit permettre de repenser les stages et travaux de fin d’études.
Les experts appellent en outre à revoir les règles de financement de l’enseignement supérieur pour sortir du système de l’enveloppe fermée et suggèrent, en attendant, de travailler sur des collaborations entre les trois universités.