Des vaccins pour les voyages scolaires ? "L’école ne peut pas faire de discrimination entre les vaccinés et les non vaccinés"
Une maman s’étonne à juste titre de cette obligation imposée à sa fille de sixième secondaire.
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Publié le 07-09-2021 à 06h50
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Sur Facebook, cette maman s'interroge. Sa fille vient de rentrer en sixième secondaire dans une école de la région liégeoise. Dès les premières heures de cours, un sujet très attendu par les élèves est arrivé sur la table : le voyage de rhéto. "On leur a annoncé qu'ils seraient obligés d'être vaccinés pour partir en voyage scolaire", déclare-t-elle. À ce stade, seuls quatre élèves dont sa fille n'ont pas opté pour le vaccin. "Est-ce normal ? Que puis-je faire ?", demande-t-elle, perdue. En réponse, partisans et adversaires du vaccin se lancent des noms d'oiseaux.
"Comme le vaccin n'est pas obligatoire en Belgique, cette obligation me semble abusive", estime Bernard Hubien de l'Ufapec (associations de parents de l'enseignement catholique). Bien sûr, il faut respecter les règles du lieu de destination de voyage. Mais les autres possibilités prévues par le Covid Safe Ticket doivent également être proposées." À savoir, un test PCR négatif ou un certificat de guérison de moins de six mois.
Véronique de Thier, son homologue de la Fapeo (les parents de l'enseignement officiel), abonde dans son sens : "L'école ne peut pas faire de discrimination entre les vaccinés et les non vaccinés." Tout en regrettant que l'année commence avec une telle pression, d'autant que la situation peut encore évoluer d'ici au départ des élèves, elle va plus loin : "Si des tests doivent encore être réalisés pendant le voyage, l'école doit organiser cette possibilité."
"Pas en l’état actuel de la législation"
La circulaire qui réglemente les voyages précise notamment qu'un taux de participation minimum doit être atteint pour que le voyage puisse avoir lieu. Dans le secondaire, il varie entre 75 et 90 %. Mais la question de la vaccination n'est abordée dans aucun texte officiel. Au cabinet de la ministre de l'Éducation, Caroline Désir (PS), on confirme qu'il ne peut pas être question de vaccination obligatoire. Même son de cloche au Segec (l'enseignement catholique) et chez WBE (l'enseignement organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles).
Qu'en est-il au niveau de la loi ? "Juridiquement, je ne pense pas que l'on puisse imposer cette vaccination en l'état actuel de la législation, estime Karim Jguirim d'Infor Jeunes. Imposer la vaccination relève d'une compétence fédérale et exige une loi. Cette loi doit être suffisamment précise lorsqu'elle permet une délégation au pouvoir exécutif, ce qui n'est pas le cas."
La loi du 14 août 2021 relative aux mesures de police administrative lors d'une situation d'urgence épidémique autorise bien "la détermination de mesures de protection sanitaire qui visent à prévenir, ralentir ou arrêter la propagation de l'agent infectieux responsable de la situation d'urgence épidémique, telles que le maintien d'une certaine distance par rapport aux autres personnes, le port d'un équipement de protection individuel ou des règles relatives à l'hygiène des mains". Mais, relève encore le juriste, "on est loin d'une délégation qui autoriserait de manière claire d'imposer la vaccination".
D’autres principes sont à prendre en compte. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale qui comprend l’intégrité physique et psychologique. Il existe aussi une loi relative aux droits du patient qui prévoit que le consentement "doit être libre", ce qui est en contradiction avec le caractère obligatoire d’un vaccin.
Confrontation de droits
Le vaccin contre le Covid n'est pas obligatoire mais d'autres, si. Comment cela se fait-il ? "Parce que les droits mentionnés plus tôt ne sont pas absolus. Le droit à la protection de la santé prime parfois. Un arrêt du 18 décembre 2013 a, par exemple, tranché dans ce sens concernant le vaccin obligatoire contre la poliomyélite. La Cour de cassation belge a fait prévaloir le droit à la protection de la santé avec pour objectif d'empêcher le développement d'une maladie extrêmement contagieuse, sans traitement curatif et pouvant provoquer de graves paralysies, et de participer à son éradication au niveau mondial."
Karim Jguirim ajoute enfin que, si elle viole certains droits, la vaccination obligatoire permet de renforcer d’autres libertés, comme le droit d’aller et de venir, le droit à la vie et le droit à la protection de la santé (Art. 23 de la Constitution, article 11 de la Charte sociale européenne et article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels). C’est dire si le débat qui oppose les "provax" aux "antivax" a encore quelques beaux jours devant lui.