La réforme du calendrier scolaire fait planer une nouvelle menace sur l'enseignement en immersion : "Nous sommes inquiets"
Des parents d’écoliers redoutent que la réforme des rythmes scolaires fasse fuir les derniers enseignants flamands des écoles en immersion. La filière fait déjà face à plusieurs difficultés de longue date mais son succès ne se dément pas.
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Publié le 22-09-2021 à 06h42 - Mis à jour le 22-09-2021 à 13h19
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"Nous sommes inquiets pour la pérennité de l'enseignement en immersion que nos enfants suivent actuellement en primaire." Ainsi nous ont interpellés des parents, fédérés en association. Ces parents craignent pour la filière dans laquelle sont inscrits leurs enfants à Bruxelles. "Nous sommes régulièrement confrontés à des difficultés de recrutement et de stabilisation des enseignants, en particulier néerlandophones, au sein de l'école, explique Amélie Meulder, coprésidente de l'association des parents des écoles 7 et 15 du Bois de la Cambre-Marinette de Cloedt. Certains de ces enseignants néerlandophones, quittant l'établissement, nous ont exposé que, parmi leurs raisons, figuraient les difficultés de mobilité à Bruxelles (ces enseignants n'étant pas toujours, voire rarement, résidents bruxellois et devant donc faire la navette), les infrastructures vieillissantes (bâtiments et retard technologique), et la différence salariale entre les deux communautés. Nous craignons, en outre, que la réforme des rythmes scolaires, de par l'absence d'uniformisation entre les deux communautés, fasse encore plus se détourner les enseignants néerlandophones de l'enseignement en immersion en Communauté française."
"Le fossé entre les idéaux et la réalité des écoles"
Pour Amélie et les autres parents, c'est une catastrophe. "Nous pensons que ce type d'enseignement est porteur de valeurs essentielles, non seulement dans le contexte particulier de Bruxelles, ville bilingue et multiculturelle s'il en est, mais aussi au regard de la Belgique et du monde de demain. Nous sommes ainsi convaincus de son intérêt et de son importance pour l'avenir de nos enfants. Néanmoins, le fossé entre les idéaux et la réalité des écoles d'immersion fait progressivement de celle-ci, et nous le disons à regret, une belle utopie."
Pour faire bouger les choses, les parents des écoles 7 et 15 ont entrepris de contacter les autres écoles fondamentales d'immersion en région bruxelloise, via les associations des parents, mais aussi les directions et les pouvoirs organisateurs, afin de déterminer si eux aussi vivent les mêmes difficultés de recrutement. "Nos contacts avec plusieurs autres écoles nous permettent de confirmer nos craintes, constate Amélie Meulder. L'immersion en néerlandais à Bruxelles connaît des difficultés de fonctionnement structurelles liées, notamment, à la pénurie d'enseignants néerlandophones."
Le mouvement est en route. Les associations de parents des différentes écoles se fédèrent pour pouvoir s’adresser d’une seule voix aux autorités.

Une école n’est pas une autre
Ces parents ont-ils raison d’avoir peur ? Et leur situation est-elle typiquement bruxelloise ou pas ? La question mérite d’être nuancée. Comme en attestent quelques coups de sonde, les situations diffèrent. Une école n’est pas une autre.
"Sur le principe, j'ai les mêmes inquiétudes, estime Christophe Bontemps, le directeur de l'école fondamentale libre Jean-Paul II à Perwez (Brabant wallon). C'est déjà compliqué de trouver des enseignants dont le néerlandais est la langue maternelle. Alors c'est sûr qu'un décalage de vacances entre les deux communautés risque d'aggraver le problème, voire de faire hésiter ceux qui sont déjà engagés et qui voudraient partir pour privilégier les congés avec leurs enfants."
Pour autant, cela ne devrait pas poser trop de problèmes dans son école à lui. "Sur mes cinq enseignants, trois sont domiciliés en Wallonie. C'est un choix de ma part d'avoir cherché des francophones bilingues plutôt que des native speakers très difficiles à trouver…" Mais il ajoute : "Même les francophones bons bilingues se font rares… Il nous est arrivé de ne pas être au complet pendant plusieurs mois."
À Rhisnes (Namur), la directrice faisant fonction, Marie Mehagnoul, ne s'inquiète pas trop non plus. "Dans notre petite école, les trois enseignantes d'immersion sont néerlandophones de langue maternelle mais elles sont venues s'installer dans la région." Pas de raison de les voir changer de projet de vie du jour au lendemain, estime-t-elle. Mais elle sait que sa situation est exceptionnelle. "J'entends combien le recrutement est compliqué dans d'autres établissements."
Les difficultés ne datent pas d’hier
Le Segec (Secrétariat général de l'enseignement catholique) confirme que les difficultés ne datent pas d'hier. "Les enseignants en immersion ne doivent pas forcément être native mais parfaits bilingues. En secondaire, ils doivent non seulement attester de la maîtrise de la langue, mais aussi disposer du titre requis ou suffisant pour la matière enseignée. Leur recrutement est un vrai problème." Dans le fondamental aussi les obstacles sont connus. "Ceux-ci concernent davantage l'organisation du cursus puisque c'est l'ensemble des matières qui sont censées être données dans l'autre langue, pour l'équivalent de 8 à 24 périodes." La plupart des écoles optent pour 12 périodes, constate le Segec.
Ces difficultés constatées de longue date n’ont pas eu la peau de l’immersion. Si elle entre en vigueur en septembre prochain, la réforme des rythmes scolaires lui portera-t-elle le coup de grâce ? C’est ce que craignent un groupe de parents d’élèves, bien décidés à défendre cette filière pour leurs enfants.