Au collège de Dinant, c’est "chromebook" pour tout le monde
Depuis la rentrée de septembre, les 1.000 élèves de ce collège sont équipés d’un ordinateur portable. Une première en Fédération Wallonie-Bruxelles.
- Publié le 05-11-2021 à 11h13
- Mis à jour le 07-11-2021 à 12h30
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C'est un trajet qu'ils connaissent par cœur. De la périphérie bruxelloise, où ils résident, au collège Notre-Dame de Dinant, il y a une bonne heure de route. Depuis leur première visite en 2019, ils ont eu l'occasion de faire de nombreux allers-retours. "Le collège de Dinant figurait parmi les quatre premières écoles à avoir accepté notre proposition d'organiser une 'Rentrée Numérique' dans les classes de 4e secondaire", racontent Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophem, entrepreneurs reconvertis, temporairement, en fondateurs et coordinateurs de l'ASBL EducIT (voir photo ci-dessous). Alors qu'on s'engage sur le pont Charles de Gaulle qui enjambe la Meuse, au centre de la cité mosane, ils pointent le doigt vers l'énorme bâtisse qui domine la colline de Bonsecours. C'est là-haut que, depuis plus de 150 ans, se trouve le collège Notre-Dame de Bellevue, comme on l'appelle ici.
Un peu plus de deux ans après avoir donné le coup d'envoi de la première "Rentrée Numérique" façon EducIT, Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophemont sont de retour à Dinant pour une visite de terrain en compagnie de Pierre-Yves Jeholet (MR), ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Avec ses collègues Caroline Désir (PS) et Frédéric Daerden (PS), celui qui fut ministre wallon du Numérique s'est très largement inspiré du modèle EducIT pour faire rentrer le numérique dans les écoles de l'enseignement secondaire. Deux projets de décret, qui organisent le financement du dispositif, seront très prochainement votés en séance plénière du Parlement de la Fédération. "Avec la pérennisation financière du dispositif, qui correspond à celui déployé ici à Dinant, on vit une petite révolution, s'enthousiasment MM. Verougstraete et Van Ophem. On a obtenu une belle mobilisation, tous réseaux confondus, avec les directions d'écoles, les pouvoirs organisateurs, les enseignants, les élèves et les parents. Mais l'ampleur du chantier reste considérable !"

Un "cas d’école" numérique
En l'espace de trois "Rentrées Numériques" (2019, 2020 et 2021), EducIT et ses partenaires, dont la Fondation Roi Baudouin, sont parvenus à toucher 50 écoles de l'enseignement secondaire (répartis sur la Wallonie et Bruxelles), à former et à accompagner 3 000 enseignants, et à équiper 12 000 élèves en "chromebook" (nom générique donné aux ordinateurs portables qui tournent sur le système d'exploitation Chrome OS, avec des données et des applications accessibles dans le "cloud", et dont le prix moyen est de l'ordre de 300 euros). Sachant que l'on compte 360 000 élèves pour le 1er et le 2e degré du seconda ire en Fédération Wallonie-Bruxelles, on voit le chemin qui reste encore à parcourir. "On est aussi en réflexion pour étendre le numérique au niveau primaire, glisse Pierre-Yves Jeholet. Le train est en marche et il ne faut surtout pas l'arrêter."
Le collège Notre-Dame de Dinant est un "cas d'école" en matière de déploiement du numérique. Il est le premier établissement francophone - avec l'institut technique et professionnel Don Bosco de Woluwe-Saint-Pierre - à avoir généralisé l'expérience proposée par EducIT à toutes les années du secondaire. "Depuis la rentrée de septembre, 100 % de nos élèves sont équipés d'un chromebook. Aussi bien les 700 élèves de l'enseignement général que les 300 qui suivent la filière technique, professionnelle et Cefa (formation en alternance à partir de 16 ans, NdlR). Nos 160 enseignants ont été formés et accompagnés", explique Alain Kœune, directeur du collège dinantais depuis 20 ans.
Avec le recul, M. Kœune, qui préside également l'Association des directeurs de l'enseignement libre, épingle trois conditions essentielles pour que le numérique à l'école soit une réussite. Un : la présence de "référents numériques" au sein de chaque établissement. " Idéalement, on aurait besoin de référents à plein temps, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Jusqu'ici, c'est le règne de la débrouille et de la bonne volonté."
Au Collège Notre-Dame, deux professeurs se sont portés volontaires pour assurer le rôle de référent : Marie Moro (rattachée à la filière de qualification technique et professionnelle, et à l'enseignement en alternance) et Sébastien Dedocq (enseignement général). "On est là dès qu'un professeur ou un élève rencontre un souci, mais aussi pour tout ce qui concerne l'infrastructure, la maintenance, les fournisseurs…", explique Sébastien Dedock, professeur de langues modernes. "Pour certains parents, ajoute sa jeune collègue, ça n'avait rien d'évident d'utiliser l'ordinateur de leur enfant. Comment s'y prendre, par exemple, pour participer à une réunion de parents en visioconférence ? C'est là qu'on voit qu'à travers ce projet, on aide non seulement à réduire la fracture numérique entre élèves, mais aussi entre parents. Pour pas mal de familles, le chromebook a représenté le premier contact avec le numérique."

Un changement de paradigme
La deuxième condition concerne le Wifi. "En septembre 2019, lors de la première 'Rentrée Numérique', on avait un Wifi un peu bricolé dans le collège, raconte le directeur. On a dû revoir toute l'installation, ce qui a représenté un gros investissement assumé par le PO du collège." Au passage, on rappellera que la Région wallonne intervient aussi, à travers le projet "École numérique" de Digital Wallonia, dans le financement de connexions de qualité au sein des établissements scolaires.
Troisième condition : la formation et l'accompagnement des enseignants. "C'est un point pour lequel l'ASBL EducIT a joué un rôle précieux. Grâce au soutien de technopédagogues, nos enseignants ont pu être formés et accompagnés durant plusieurs mois. Ça a permis de rassurer et d'avoir une large adhésion des professeurs."
Jean-Philippe Bolle, professeur au collège Notre-Dame de Bellevue depuis de nombreuses années, a joué un rôle déterminant dans la réussite du projet. Depuis peu, il a d'ailleurs rejoint l'ASBL EducIT comme conseiller numérique. "On ne s'en rend pas compte mais déployer le numérique à l'école, comme on l'a fait ici à Dinant, c'est une révolution, dit-il. Au-delà des aspects techniques, la question à laquelle il faut répondre est de savoir ce qu'on veut faire du numérique pour enrichir la pratique pédagogique des enseignants et des élèves. Pour ça, on a besoin de référents numériques, de technopédagogues, d'une formation initiale des professeurs adaptée, etc. C'est un changement de paradigme profond."

Les cahiers d’exercices n’ont pas disparu
La réponse à cette question centrale - le numérique pour faire quoi et comment - n'est pas la même pour chaque professeur. Selon la matière qu'il enseigne et le type de cours (théorie, exercices, recherche, etc.), l'utilisation du "chromebook" en classe va évoluer. Pour Geneviève De Munck, professeure de sciences, l'ordinateur portable ouvre la porte à un enseignement "modulable" où, grâce à la flexibilité et l'interactivité du numérique, "chaque élève peut avancer et s'approprier la matière à son rythme". Via la plateforme Classroom, utilisée au sein du collège, l'élève va retrouver la matière, les exercices, les évaluations, etc. "Mais tout n'est pas fait sur ordinateur, assure l'enseignante. Ils ont encore des cahiers d'exercices."
"Avec le chromebook, on peut accéder à des contenus qu'on n'utilisait pas avant, explique Tristan, élève de 2e année en immersion anglais. On a un livre d'anglais où il y a des codes que l'on peut introduire sur Internet. On peut écouter des enregistrements ou regarder des vidéos pour faire des exercices de vocabulaire en classe." Le doigt levé, un de ses copains ajoute qu'avec le chromebook, il est plus organisé. "Et je n'étudie plus de la même manière. Puis, je ne perds plus mes feuilles et mes cahiers !" De quoi provoquer un gros éclat de rire dans toute la classe.